LE BON GROS GÉANT (John Williams), analyse piste par piste de la BO

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par Camille Brunel

- Publié le 18-07-2016




Partition extraordinaire dominée par les flûtes, alternant moments enfantins (rappelant Casper, Hook), solennels (comme dans Soldat Ryan) ou enlevés (à la Harry Potter). 

John Williams a 84 ans et ne compose plus autant qu'avant – même si pour être honnête, son dernier opus, « Star Wars VII », avec son sublime « Jedi Steps and Finale », n'a même pas 6 mois. Avec deux Star Wars supplémentaires et un Indiana Jones sur le feu, les compositions originales du maestro sont devenues minoritaires – et il faudra attendre 2018 pour découvrir la prochaine, sur « Ready Player One », de Spielberg. En attendant « Le BGG » est donc là, et bouton play n'attend plus que notre clic fatidique et réjoui. Le morceau commence, le casque sur les oreilles, on commente, façon Lizarazu – ça s'annonce à la fois synthétique et original ; et dans tous les cas excellent.

Analyse piste par piste de la BO de John Williams

1. Overture. Ce dernier Spielberg, au vu de la bande-annonce, n'a pas l'air très joli : très numérique, trop coloré, limite fluo. La musique, elle, emporte la mise dès ses premières secondes. Harpe envoûtante faisant aussitôt place à des flûtes traversières en pleine forme, comme sur « War Horse », composition majeure de Williams pour l'instrument ; tandis que les cordes sautillent comme sur « Indiana Jones et le Royaume du Crâne de Cristal », et que les cordes décollent à une vitesse phénoménale, entre les rêves sucrés de « Hook » et les amples mouvements d'ailes un peu tristes de « Minority Report ». On n'est pas loin, en fait, de « Harry Potter et le Prisonnier d'Azkaban ». Extraordinaire.

2. The Witching Hour. Et voilà le piano enrobé de cordes. C'est étonnamment riche, plus que sur Star Wars ; on reconnaît le Williams de toujours sans pour autant avoir l'impression de voir passer des tics. A la fois extrêmement familier, et surprenant. Surtout, ça ne ressemble pas du tout à de la musique de film : les passages où la clarinette est seule avec la harpe ont l'air d'avoir été composés pour être écoutés seuls. Idem pour le piano. Comme si Williams voulait tranquillement écouter chaque instrument l'un après l'autre, sans s'encombrer de trop d'effets dramatiques. Qui finissent par arriver, bien-sûr, à la toute fin de la piste... qui n'est pas le passage le plus intéressant, du coup.

3. To Giant Country. Après les grands mouvements de cordes, arrive le swing cher à Williams. On est clairement quelque part dans sa période 2002-2004, Minority Report/Harry Potter 3... Extraordinaire mouvement de valse qui débute à 0'55 et se poursuit somptueusement pendant presque une minute. La fin ferait presque penser au James Horner de « Casper », avec tous ces bassons facétieux.

4. Dream Country. D'abord des cordes, des flûtes, des clochettes assez indistinctes... Parfait pour endormir les enfants. C'est un morceau très long (10 minutes), qui s'anime donc peu après trois minutes. Petit showcase de cordes autour de 4'00. La flûte traversière est en feu, on dirait les end credits de « Harry Potter 3 ». Côté cordes et cuivres, on est plutôt du côté de « Hook », quelque chose de très chaud et joyeux. Le morceau alterne, en fait, phases d'envolées très vives, avec toujours cette flûte insaisissable, et sortes de pauses émerveillées. Pas très impressionnant pour un morceau de dix minutes, quoique très largement écoutable.

5. Sophie's Nightmare. Le goût pour les marches de Williams se réveille ici. Souvenez-vous de John Hammond chantant "pom, pom, pom" sur le petit dessin animé au début de « Jurassic Park » : le morceau dont il rêvait était peut-être celui-là – même si ici le rythme évoque presque par instants les sonorités de « La Guerre des Mondes ». Avec les envolées de cordes un peu nébuleuses qui étaient déjà très présentes sur la piste précédente...

6. Building Trust. Premières mesures à la limite de l'atonalité, aussitôt transformées en quelque chose de sirupeux et ultra-sympathique, avant que ne débarquent les notes de piano mignonnes accompagnées par des violons maternants. C'est donc la métamorphoses des toutes premières secondes qui intéresse le plus! On sent Williams tenté par l'atonalité tout le morceau durant... Mais il se retient.

7. Fleshlumpeater. Cette fois on est vraiment en plein James Horner, en plein « Casper », avec ces tubas rigolards accompagnés par des hautbois sautillants. Impression d'une promenade tranquille et amusée.

8. Dream Jars. Chef-d'oeuvre ! En tout cas la meilleure piste ici. Introduction de génie. Tout tient à la flûte traversière, toujours. Elle est toujours en feu. Des notes semblent jouées ici et là, comme attrapées en l'air. Alors quand d'autres flûtes arrivent... Elles semblent totalement hors de contrôle. On est à la limite de la musique ultra-contemporaine par instants, ce qui est encore plus intéressant au sein d'un bande-originale jusqu'à présent plutôt classique. On est même proches de la musique acousmatique : à se demander si le bruit des touches des flûtes, nettement audibles, ne font pas partie de la partition ! C'est étonnant. Flûtes-lierre. Qui s'entremêlent, se séparent, s'emmêlent à nouveau. A 2'21 la harpe rejoint la fête : les flûtes se taisent, comme intimidées. C'est encore plus beau comme ça. La harpe, elle, évidemment, ne peut s'empêcher de redevenir harmonieuse : alors les cordes reviennent, et la partition redevient classique.

9. Frolic. Véritable morceau de fête, façon Folies Bergères. Williams fait son Offenbach, se lâche complètement. Spielberg, qui rêve depuis toujours de se payer une comédie musicale un jour, a dû se régaler : il en a rarement été aussi près.

10. Blowing dreams. Après cet instant de folie, Williams récite sa leçon de musique mignonne. Heureusement les flûtes finissent par revenir. Ce sont les petites soeurs de celles de « War Horse ». Dans War Horse elles étaient plutôt sereines, douces. Ici, elles sont complètement folles. La fin, toute en clarinette flottant sur les cordes, est très jolie.

11. Snorting and sniffling. Nouveau morceau ludique. Les flûtes assurent toujours le spectacle. C'est un bonheur. Williams joue beaucoup sur l'unisson : plusieurs flûtes virtuoses ensemble, plusieurs bassons facétieux ensemble, les instruments se mélangent assez peu mais jouent souvent entre eux.

12. Sophie'

s Future. Nouvelle leçon de mignon pour endormir les enfants. Détail intéressant : une sorte de viole de gambe semble jouer derrière les cors nobles à la « Soldat Ryan », et en modifie un peu la texture.

13. There was a boy. Le morceau décolle vraiment à 2'30, mais c'est du John Williams qu'on a l'impression de connaître déjà par coeur – jusqu'au retour fugace de cette valse incroyable déjà entendue dans « To Giant Country ». Très vite, c'est du « Casper » à nouveau.

14. The Queen's Dream. Après deux morceaux peu engageants, les cordes s'excitent à nouveau : et on est en plein « Minority Report ». Bonheur, encore ! Comme si on avait ajouté à Minority Report les envolées merveilleuses de « Harry Potter » ou de « Star Wars ». Surveillez bien à 1'26, où l'espèce de break aux cordes est particulièrement agréable. Et un petit coup de Saint Saëns réjoui à 1'50, parce que ça ne fait de mal à personne. A 2'13, ça prend sérieusement de l'ampleur – mais c'est très momentané ici.

15. The Boy's drawings. Flûtes flûtes flûtes flûtes, reines incontestées de cette BO. A 1'23 les cordes se mettent en colère et on dirait du « Star Wars III », c'est amusant ; mais ça ne dure vraiment que quelques secondes, très vite, on en revient au mignon.

16. Meeting the Queen. Comme le titre l'indique, on se croirait à Buckingham Palace. C'est du Williams de « Soldat Ryan » – petit passage militaire à la caisse claire à la clé. Vraiment, vraiment très solennel, on se croirait au baptême de la princesse Charlotte.

17. Giants Netted. Et comme d'habitude, Williams se fait pardonner ses petites siestes musicales par des pistes plus enlevées. Les flûtes donnent momentanément dans les petites notes piquées habituelles chez Williams ; cette fois, les cordes ont la primeur. C'est fou ce que ça ressemble à « Hook » – pas étonnant que le géant, pourtant joué par Mark Rylance, ait le bas du visage de Robin Williams. Beaucoup, beaucoup d'unisson encore, cette fois du côté des cordes ; ça donne sérieusement envie de chanter avec, du coup. Très chouette !

18. Finale. Comme à la fin de « War Horse », Williams termine par une berceuse jouée au piano presque seul. C'est évidemment très joli. Comme si notre bébé ne s'était pas endormi depuis le temps, les cordes viennent momentanément au secours de cette berceuse au piano solo, avant de le laisser reprendre. Ravissant.

19. Sophie and the BFG. Le morceau qui récapitule – et commence donc comme la 1ere piste. Harpe, flûte, cordes et cuivres ; flûtes insaisissables... On connaît la musique. Finalement, ces cordes émouvantes sont aussi très proches de « Buckbeak's Flight », sommet lyrique de l'oeuvre de John Williams sur « Harry Potter 3 » (sans l'égaler, cela va sans dire). Le mouvement de valse grandiose, qui revient ici et là, est extraordinaire. Encore un peu de « Casper », encore un peu de sirop... C'est aussi inventif et dansant qu’ »Indiana Jones et le Crâne de Cristal », mais beaucoup moins chargé, et si les mélodies sont peut-être par instants trop mignonnes pour être vraies, c'est un bonheur. Et comme si ça n'était pas suffisamment joli comme ça, c'est la flûte, toujours aussi folle, qui a le dernier mot.

 

par Camille Brunel


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