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Scorsese et le rock

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- Publié le 04-04-2008




Martin Scorsese et le rock, c'est bien plus qu'une histoire d'amour, c'est l'histoire d'une vie de cinéaste. Retour sur la carrière du grand Scorsese, qui fut presque toujours liée à la musique et particulièrement au rock.

« Je voulais devenir prêtre. C’était vers 1956. C’est alors qu’éclata la révolution du rock’n’roll. »
- Martin Scorsese -

1963
Tout premier essai cinématographique de Martin Scorsese, déjà traversé par la musique : INESITA de Robert J. Siegel consacré à un danseur de flamenco, dont Scorsese est le chef opérateur : « INESITA était essentiellement un film musical. Il dure moins de neuf minutes. Et curieusement la danse est restituée presque comme je le ferai dans NEW YORK, NEW YORK. La danse est décomposée, et la musique l’est aussi. »

 

1970
Monteur et assistant réalisateur du film WOODSTOCK de Michael Wadleigh : « Sur WOODSTOCK, j’ai appris à organiser et contrôler une équipe de cameramen, mais nous n’avions pas de script. Nous ne savions pas à l’avance qui allait chanter quoi. C’était le chaos. »

 

1971
Crédité comme « supervising editor » et « post-production associate » de MEDECINE BALL CARAVAN de François Reichenbach, documentaire qui suit les tribulations « sex, drugs and rock’n’roll » d’un bus de hippies (à bord, le staff du Grateful Dead), sorte de mini-Woodstock ambulant. Les producteurs américains confisquent le film, jugé trop poétique, et commandent à Scorsese un montage plus commercial. Scorsese va le rendre plus musical.

1972
Crédité comme « supervising editor » d’ELVIS ON TOUR, dont il désavoue le montage, confié à un autre (et saccagé selon lui) après son départ.

Scorsese New York New York

1974
ALICE N’EST PLUS ICI, l’histoire d’une femme qui rêve de devenir chanteuse et d’aller à Monterey. En chemin, elle rencontre un beau fermier, joué par le célèbre chanteur country, Kris Kristofferson : « Le pauvre venait de finir PAT GARRETT ET BILLY THE KID, que j’ai adoré, mais que beaucoup de gens détestaient. Finalement, un jour, nous sommes partis répéter tous les deux et je me suis mis à le charrier, je lui ai gueulé des bêtises en tournant autour de lui et en disant : j’ai l’air con face à toi et t’as l’air con face à moi. Et alors ? On a tous les deux l’air con. Ça a cassé la tension et ensuite on s’est très bien entendu. J’ai beaucoup appris de lui. »

Kris Kristofferson réapparaîtra dans TAXI DRIVER, à travers une chanson citée par Betsy, et un disque acheté par Travis Bickle.

1977
NEW YORK, NEW YORK, un film musical sur l’ère des grands orchestres swing, de 1945 à 1955. Au milieu du film, Scorsese insère une fausse comédie musicale : HAPPY ENDINGS, écrite par John Kander et Fred Ebb, les compositeurs de la B.O.F CABARET : « J’avais la musique qu’il fallait, un grand chorégraphe. Ce furent les dix premiers jours de tournage, c’est mon meilleur souvenir : je n’ai jamais été aussi heureux. »

« Le rock était notre musique. C’était notre identité. Ce qui nous définissait par rapport à nos parents. »
- Martin Scorsese -

 

Scorsese The Last Waltz

1978
Dernière semaine de tournage de NEW YORK, NEW YORK fin 76, Jonathan Taplin, l’ex-road manager de The Band, vient proposer à Scorsese de filmer le dernier concert du groupe, dont il est l’un des plus grands fans : « NEW YORK, NEW YORK, c’était la musique de mon père. THE LAST WALTZ, c’est la mienne. Et je ne crois pas que ce concert soit une fin. La fin d’une époque peut-être, mais pas celle du rock. »

Pendant deux ans, Scorsese se retrouve donc avec deux films musicaux à monter (NEW YORK, NEW YORK et THE LAST WALTZ) et Robbie Robertson, le leader de The Band, qui vient continuellement le voir avec des nouvelles idées (d’autres invités, d’autres chansons, des interviews) : « Comme le dit Robbie, chaque chanson est le théâtre d’un affrontement. D’un combat entre le Band et ses invités. Ce qui se passe entre eux à ce moment-là – qui n’est pas de l’ordre verbal – est trop intense pour qu’on laisse la caméra baguenauder. Je ne vous montre le public que dans la mesure où les musiciens sur scène lui prêtent attention. Si je l’avais pu, j’aurais d’ailleurs dissimulé les caméras pour qu’elles n’interfèrent pas entre le public et le concert. »

Finalement, THE LAST WALTZ sort en 1978 : « Pour ma part, j’étais emballé par l’idée de retracer la chronique du rock, de montrer ceux qui l’avaient fécondé et ceux qui avaient été fécondés par lui, de remonter jusqu’au maître, Muddy Waters, l’homme de « Rollin’ Stone », le roi du « Delta Blues », et de sauter brusquement à Eric Clapton et son British Blues. Scorsese produira un documentaire sur Eric Clapton en 1995.

1978
AMERICAN BOY: A PROFILE OF: STEVEN PRINCE est le deuxième volet de ITALIANAMERICAN, une histoire orale de l’Amérique. Ici, il fait parler Steven Prince, ancien road-manager de Neil Diamond, assistant de Scorsese et vendeur d’armes dans TAXI DRIVER : « Le film a été tourné au cours de deux week-ends. Le premier samedi, j’ai interrogé et filmé Neil Diamond et Albert Brooks. Le lendemain, chez George Memmoli, nous avons tourné avec Steven l’essentiel du film. (…) Mes amis me poussaient à en filmer toujours davantage, mais je me suis tenu à mon idée première : un homme s’assied, vous raconte son histoire, et peu à peu on voit émerger une époque, un mode de vie, une manière de survivre. Je voulais que chacun puisse partager le plaisir de cette soirée avec Steven. A chacun de décider s’il l’a partagé avec un drogué, un criminel ou un frère. »

1987
Pendant la promotion de LA COULEUR DE L’ARGENT, Quincy Jones appelle Martin Scorsese à Los Angeles « Il m’a fait rencontrer Michael Jackson. J’étais à la fois intimidé – Michael Jackson, c’est plus qu’une star, c’est un symbole – et fasciné : il a un style unique, une façon chorégraphique de se mouvoir… » Scorsese écoute l’enregistrement de la chanson Bad, il l’aime et accepte de tourner un clip-vidéo de 16 minutes, en noir et blanc et couleur, avec des gros moyens. La chanteuse Roberta Flack y joue la mère de Michael. Au final, Bad est un véritable petit film, écrit avec Richard Price, inspiré d’un fait-divers new-yorkais : « Le travail avec Michael Jackson sur Bad a contrebalancé celui avec Paul Newman sur LA COULEUR DE L’ARGENT, tout comme THE LAST WALTZ l’avait fait pour NEW YORK, NEW YORK. J’ai toujours besoin de me consacrer à de plus petits projets, pour ne pas perdre la main. »

« La musique est pour moi aussi importante que le cinéma. Elle m’inspire constamment, elle imprègne mes images, mes mouvements d’appareil, mon montage. »
- Martin Scorsese -

 

Scorsese La dernière tentation du Christ

1988
Scorsese fait appel à Peter Gabriel pour la bande originale de LA DERNIÈRE TENTATION DU CHRIST : « J’ai commencé à écouter la musique que fait Peter Gabriel en 1982-83 et j’ai beaucoup aimé Rythm Of The Heat avec ses percussions et ensuite I Go Swimming où les paroles commencent de façon très normale avant de capoter et de prendre une dimension spirituelle, surtout dans la version live. » Robbie Robertson présente Scorsese à Peter Gabriel, ils se rencontrent dans un café, un matin de 1983 : « Il fallait bien sûr qu’il fasse cette musique par amour puisqu’il n’y avait pratiquement rien à y gagner. Normalement, m’a-t-il dit, ça prend deux ans et demi pour faire quarante minutes de musique ; mais il ne lui a fallu que trois mois pour faire deux heures quarante ! »

Cette même année, Scorsese tourne une vidéo pour son ami de toujours, Robbie Robertson Somewhere Down The Crazy River. Robbie Robertson chante face caméra.

 

 

Scorsese The Blues

2003
DU MALI AU MISSISSIPI (FEEL LIKE GOING HOME : THE BLUES FROM AFRICA TO THE NEW WORLD). Premier épisode de la série THE BLUES, dont Martin Scorsese est le producteur délégué. Documentaire qui retrace l’évolution du blues, de ses origines africaines à son éclosion dans le delta du Mississipi. Avec Otha Turner comme figure
centrale : « Il est l’un des chaînons entre le blues africain et le blues nord-américain. »

 

 

 

 

 

Scorsese Bob Dylan

2005
NO DIRECTION HOME : BOB DYLAN. Entre GANGS OF NEW YORK et AVIATOR, Scorsese rencontre Jeff Rosen, archiviste et manager de Bob Dylan, qui lui montre les dix heures d’interviews du chanteur qu’il vient d’enregistrer et une masse de documents inédits. Jeff Rosen veut que Scorsese assemble le matériel pour en faire un film sur Dylan - qui
figurait déjà dans THE LAST WALTZ : « Nous avons en commun l’Amérique des années cinquante et soixante. Ce fut ma période de formation à moi aussi. Il a un an et demi de plus, mais nous avons vécu les mêmes choses : Brando et Dean, la menace nucléaire, la paranoïa anticommuniste, et ensuite le New York en ébullition du début des années soixante. » Le travail commence à Noël 2002 et dure trois ans et demi. Pendant tout le montage, Scorsese n’a jamais été en contact avec Dylan : « Cela me laissait une entière liberté. Dylan savait, bien entendu, que j’étais de son côté, du côté de l’artiste. Comme le dit Joan Baez : « Je ne sais pas qui il était, mais je sais ce qu’il nous a donné. »

 

« Je sais que, sans la musique, je serais perdu. Très souvent, c’est uniquement en entendant la musique choisie pour mon film que je commence à le visualiser. »
- Martin Scorsese -

 

Scorsese Shine a light

2008
SHINE A LIGHT. Les chansons des Rolling Stones ont traversé toute l’œuvre de Martin Scorsese : de Jumpin’ Jack Flash et Tell me dans Mean Streets à Let It Loose dans Les Infiltrés, en passant par Monkey Man, Memo From Turner dans Les Affranchis et Long Long While, (I can’t get no) Satisfacton, Heart of Stone, Sweet Virginia, Can’t You Hear Me Knocking dans Casino. Quant au titre Gimme Shelter, c’est une véritable obsession du cinéaste, figurant dans pas moins de trois de ses films : Les Affranchis, Casino et Les Infiltrés. Mick Jagger et Martin Scorsese ont toujours voulu travailler ensemble. SHINE A LIGHT est leur première collaboration.

 

Scorsese Rolling Stones

Source : dossier de presse de SHINE A LIGHT (Wild Bunch, 2008)

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