Thiriet et Petit au Festival des Scénaristes de Bourges

27 et 28 mars 2009

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- Publié le 01-04-2009




Bien que ce Festival berruyer s’attache à mettre en lumière la profession de scénariste, il est un autre métier de l’ombre qu’il honore à chaque édition : celle de compositeur de musique de film. Après Alexandre Desplat ou Eric Serra venus au Festival ces deux dernières années, Bourges a accueilli deux noms bien connus des béophiles les 27 et 28 mars dernier : Béatrice Thiriet et Jean-Claude Petit.

Béatrice Thiriet a partagé son expérience auprès des lycéens lors d’une rencontre animée par Claude Duty (réalisateur de Filles perdues, cheveux gras). Elle a profité de l’occasion pour expliquer son travail de compositrice et évoquer sa fructueuse collaboration avec Pascale Ferran, invité d’honneur du Festival. A travers des extraits de ses films (Petits arrangement avec les morts), elle s’est amusée à confronter son jeune auditoire aux difficultés de créer un thème sur une image, sans s’affranchir des sonorités préexistantes. Un peu déroutés au début, les lycéens se sont montrés intéressés au fur et à mesure de la rencontre. Conscient du caractère particulier du métier de compositeur, Béatrice Thiriet a tenu un discours simple, amusé et sans complexes, n’hésitant pas à faire partager sa passion des comédies musicales en faisant projeter un extrait de La mélodie du bonheur.

En conclusion de cet échange avec son jeune public, elle a invité celui-ci à regarder l’excellent film-muet de Buster Keaton, The playhouse, (sur lequel elle joua du piano au Balzac lors de sa carte blanche le 7 mars dernier) et les a encouragés à trouver chez eux la musique qu’ils auraient composée pour ce film s’il avait dû le faire. En guise de fin, elle n’a pas hésité à citer cette phrase tirée d’Hamlet : « Nous sommes faits de l’étoffe de nos rêves ». Une invitation aux rêves que certains ne manqueront pas de saisir. Et qui créera peut-être des vocations.

Dans un second temps, c’est le compositeur Jean-Claude Petit qui est venu faire une Leçon de musique au Théatre Jacques-Coeur. Cette rencontre animée par Stéphane Lerouge a tenu toutes ses promesses. Le compositeur de Manon des Sources, Cyrano de Bergerac ou Podium s’est livré aux jeux des questions-réponses avec beaucoup de générosité. Entre les nombreux extraits de films projetés, il s’est glissé derrière son piano pour offrir quelques-uns de ses thèmes les plus fameux. Il en a profité pour expliquer la genèse des thèmes de Cyrano de Bergerac et montré de quelle manière un compositeur pouvait jouer avec une mélodie. « La composition, c’est le développement d’une idée, a-t-il expliqué. Le thème est un prétexte au développement ». Et en composant pour le diptyque Manon des Sources/Jean de Florette un « opéra », il en a peut-être fait là son plus bel exemple.

Après avoir travaillé avec les plus grands chanteurs des années 1970 (Julien Clerc, Claude François, Serge Lama), Jean-Claude Petit s’est forgé une solide réputation dans le monde du 7ème en collaborant avec Claude Berri, Henri Verneuil ou Jean-Paul Rappeneau (lire notre interview de ce cinéaste). Jean-Claude Petit a alors livré quelques anecdotes savoureuses sur ses collaborations prestigieuses. Notamment avec Jean-Paul Rappeneau pour Le Hussard sur le toit . « Pour la scène où Olivier Martinez frictionne Juliette Binoche avec de l’alcool lorsqu’elle perçoit les premiers symptômes du choléra, Jean-Paul Rappeneau craignait que le film ne bascule dans une ambiance pornographique. J’ai alors composé sur cette scène une musique romantique et poétique, à contre-courant avec l’action qui se déroule à l’écran. J’ai joué l’émotion, pas l’action ». Un exemple parfait du rôle de la musique de film qui doit réagir aux images, les interpréter à sa manière.
S’il considère que la liberté demeure l’élément le plus important dans son métier, Jean-Claude Petit n’est pas de ceux qui tapent à boulets rouges sur les temp-tracks. « Ce n’est pas toujours une mauvaise chose qu’un réalisateur me présente son film monté avec de la musique. Il faut comprendre sa démarche. Il cherche à donner au compositeur le sens du rythme de son film et ses intentions. Ca nous facilite le travail, s’amuse-t-il. Après c’est simplement à nous de ne pas imiter ce qu’on entend ».
On a collé à Jean-Claude Petit beaucoup d’images. Il est passé du monde des yéyés pour composer des musiques minimalistes ou néo-classiques. Il s’amuse des genres et ne cherche pas à composer des musiques à la mode.

Avant d’achever cette rencontre passionnante de deux heures, Jean-Claude Petit est revenu sur l’un des films pour lequel il a composé : Le Zèbre de Jean Poiret. Les deux hommes ne sont en effet parlés qu’au téléphone, car Jean Poiret est décédé avant qu’ils ne se rencontrent. Le réalisateur avait choisi Jean-Claude Petit sans le connaître. Et celui-ci composera la musique en restant fidèle aux quelques éléments échangés par téléphone. Une expérience particulière que le compositeur a livrée non sans émotions.
Sur un dernier extrait de Lumumba (de Raoul Peck), la Leçon s’est terminée. Un film qui a permis au compositeur de voyager au Zimbabwe et de vivre une aventure humaine extraordinaire. Jean-Claude Petit continue d’aller où on ne l’attend pas. Et on ne peut que se réjouir de cette nouvelle.

Fabien Morin

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