Killer Joe (Tyler Bates / William Friedkin) : La musique d'une innocence perdue

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par Benoit Basirico

- Publié le 03-09-2012




En croisant le chemin du cinéaste culte William Friedkin, le compositeur jusqu'alors connu pour ses guitares chez Zack Snyder ou Rob Zombie franchit un cap en 2012 et livre sa meilleure BO !

Le génial cinéaste William Friedkin a toujours su concevoir ses bandes sons à la lisière des genres musicaux (rock, électro...), en compagnie de Jack Nitzsche ("The Exorcist", "Cruising"), Tangerine Dream ("Sorcerer"), Wang Chung ("To Live and Die in L.A.") , ou plus récemment de Brian Tyler ("Traqué", "Bug"). De prime abord, la présence de Tyler Bates au générique de KILLER JOE a surpris. Pourquoi William Friedkin s'est intéressé au compositeur de "300", "Conan the Barbarian" (version 2011), "Day of the dead" ou "Le jour où la terre s'arrêta (version 2008) ? Pourtant, le travail que Bates a entrepris avec Rob Zombie ("The Devil's Rejects", "Halloween" - version 2007) n'est pas si éloigné de ce dernier travail par son côté poisseux, vieux rock, et sarcastique. En effet, dans ce nouveau film de Friedkin situé quelque part entre le Texas et la Louisiane, malsain et violent, on retrouve les guitares saturées et l'humour distancié de Tyler Bates chez Rob Zombie.

Pourtant, avec KILLER JOE, Tyler Bates va plus loin et semble acquérir pour la première fois de sa carrière l'envergure d'un maître. Friedkin a eu le flair. Le compositeur donne le meilleur de lui-même dans l'univers du cinéaste et livre non seulement sa meilleure BO, mais aussi l'une des plus fortes de l'année 2012. Il parvient à instaurer tout le long des 21 minutes (c'est court) une ambiance moite et rêche (c'est intense) dans laquelle on a envie de se replonger dés l'écoute achevée. La musique retranscrit parfaitement la perversion d'une adolescence innocente, souillée par des truands, tout en s'inscrivant dans la géographie américaine du film, avec une proposition musicale minimaliste reposant sur deux instruments principaux : la guitare et le melodica.

On pense ainsi au Western, à Ennio Morricone (celui de 'U-Turn" de Oliver Stone), John Lurie sur "Down by Law", et même Marco Beltrami sur "Dans la brume électrique". Ces ambiances sombres, boueuses, tortueuses (parfois 24 secondes suffisent à donner le ton, comme sur "Just go kill yourself") alternent avec des instants bluesy, rythmés, au point que sur "Texas Motel" on pense à Angelo Badalamenti ("Twin Peaks"). Comme dans le film (et série) de David Lynch, la musique est celle d'une innocence perdue traitée comme un cauchemar. D'ailleurs, le minimalisme désespéré de la guitare et du mélodica sur "Dottie's Dress" instaure une mélancolie qui est celle de la solitude sans armes de la petite Dottie. Cette instrumentation est reprise sur "Nothin' Worse Than Regrets", avec l'ajout de quelques voix caverneuses.

La BO se termine par des sons cristallins, comme une berceuse élégiaque et morbide ("To my future wife"), emmenant le film dans un ailleurs par une sonorité jusqu'alors absente. La musique, au-delà d'instaurer une véritable ambiance cohérente, ne demeure pas illustrative et amène un véritable discours narratif. Grande réussite (à découvrir dans le film puis à prolonger sur disque, plutôt que l'inverse) !

par Benoit Basirico


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