Skyfall (Thomas Newman), un style soumis à la tendance 'Dark Knight'

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par Benoit Basirico

- Publié le 17-02-2014




Avec les James Bond, et notamment pour la musique, il y a toujours eu trois conditions : le respect d'une tradition, le désir de renouvellement, et la soumission aux tendances des blockbusters contemporains.

 

Tout d'abord, il y a le respect d'un cahier des charges afin d'inscrire chaque épisode dans la tradition de la saga, un peu comme l'identité d'une marque. La musique de SKYFALL ne déroge ainsi pas aux classiques : le prologue agité, la chanson en générique de début (ici chantée par Adèle), le thème de Monty Norman qui revient plusieurs fois (les 3 notes qui ouvrent la BO, un petit clin d'oeil sur "Brave New World", mais il faudra cependant attendre 1h15 pour l'entendre pour la première fois en entier), quelques ambiances exotiques au gré des voyages (Istanbul, Macau, Shanghai), sans véritablement le souligner non plus, des instants romantiques (quelques cordes plus sensuelles sur "Séverine") et les instants d'action (où les percussions prennent le dessus comme sur "Shanghai drive").

Ensuite, il y le souci perpétuel du renouvellement pour éviter l'usure. James Bond est la constante résurrection d'un personnage (ce film met d'ailleurs en abime cette dimension avec le prologue), dans le corps d'un nouvel acteur, de Sean Connery à Daniel Craig, et dans un habillage musical fréquemment renouvelé, avec John Barry (dés le premier opus) ou Marvin Hamlisch (L'ESPION QUI M'AMAIT) avec leurs notes plus élégantes et jazzy, Eric Serra (GOLDENEYE) pour une touche résolument moderne, puis David Arnold dans la pure tradition orchestrale d'un blockbuster d'action. John Barry avait lui même innové, pour le 6e opus ON HER MAJESTY'S SECRET SERVICE, avec des sonorités électroniques. N'oublions pas Bill Conti (RIEN QUE POUR VOS YEUX) ou Michael Kamen (LICENCE TO KILL) qui apportèrent leur personnalité à la saga. 

Pour SKYFALL, on reconnait le style de Thomas Newman et ses "boucles" de guitares progressives, d'autant plus qu'il accompagne son fidèle réalisateur Sam Mendes (on pense à la partition de JARHEAD du même tandem). Le compositeur joue avec des sonorités inédites, une même boucle ("Quartermaster") lors d'une séquence d'action passe d'une gamme à une autre, d'un instrument à l'autre tout en préservant une continuité, c'est très ludique. 

En revanche, dans ce souci de renouvellement, la saga aime aussi épouser les modes du moment, et les modèles qui marchent. Avec SKYFALL, c'est inévitablement vers DARK KNIGHT que se tournent les regards, Bardem y joue un mal absolu tel un Joker, venu venger un passé traumatique. Le personnage de James Bond est d'ailleurs lui aussi affublé d'un passé, d'un deuil, ajoutant une dimension psychologique sérieuse qui évacue tout humour du film, toute dérision. Et la partition de Thomas Newman, bien que personnelle comme on le disait, ne se prive pas d'employer par instants quelques lourdeurs propre à Zimmer pour Nolan, avec le vrombissement des cordes ("Silhouette", "The Bloody Shot") et le fameux "cliquetis", tout en prenant le choix de ne proposer aucun thème. Il est d'ailleurs très curieux de découvrir sur "Close Shave" une inspiration plus lointaine chez Zimmer, celle pour "Rain Man".

Souvenons-nous que John Barry écrivait des thèmes nouveaux à chaque film, marquant chaque opus de son empreinte. Ici, nous avons un mélange entre le style reconnaissable d'un compositeur et la tendance du moment. Mais au final, il ne reste rien qui soit propre au film. Ce SKYFALL manque d'une personnalité musicale propre, ce qui est dommage. Dans quelques années, on se souviendra encore de certains James Bond dont le choix musical aura été fort (ON HER MAJESTY'S SECRET SERVICE reste le plus probant exemple d'une BO de James Bond réussie), mais ce SKYFALL passera comme un blockbuster quelconque. 

 

par Benoit Basirico


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