The Place Beyond the Pines (Mike Patton), une BO sombre, belle et inquiétante !

place_beyond_pines,patton, - The Place Beyond the Pines (Mike Patton), une BO sombre, belle et inquiétante !

par Charlotte Dematte

- Publié le 25-03-2013




Film ambiant imbriqué, la musique imaginée pour ce grand objet indé le termine, lui amenant sa part de couleur. Touche fragile, elle trouve là l’écrin visuel adéquat, à la fois beau et inquiétant.

Démarrant avec le personnage central (Luke / Ryan Gosling), la musique indique d’emblée la part qu’elle occupera. Tout le long du récit mis en place, elle s’attache ainsi à l’indice du climat général mais aussi aux sentiments des personnages. Etablie sur un schéma esthétique particulier s’attachant surtout aux suites des agissements des individus en jeu, elle assure une sorte de continuité, en parallèle à la réalisation. Avec les échos scénaristiques et filmés, les quelques titres propres au projet se posent et reviennent au gré des évènements. Puisque la temporalité qui s’installe est en définitive celle de la linéarité – les années 90 –, un autre angle apparaît quant aux conflits intérieurs des personnages évoqués plus tôt avec l’idée du devenir. Dès lors, si l’on craignait une suite du modèle Drive (Nicolas Winding Refn, 2011), un dépassement s’impose, cette galerie se penchant sur l’image du héros pour explorer les failles de son humanité. 

Les morceaux suivent intelligemment les différents personnages principaux, redites franches posées pour accentuer leur état : profonds, doux et éclairés. Nous sommes en prise avec les cordes, cuivres ou encore le piano habituels à la B.O., dans un registre grave à medium et enrichis de chœurs féminins et masculins, synthétiseurs ou guitare électrique – champ évoquant les titres A Real Hero (College, Drive), Playground Love (Air, Virgin Suicides, Sofia Coppola, 1999), l’univers d’Angelo Badalamenti ou la country moderne  –, mais cet ensemble se démarque par l’utilisation décalée qui en est faite. Portant l’ambivalence ici représentée, la musique joue sur le fil, « entre ». Les nappes et motifs des cordes, le petit thème revenant plusieurs fois au piano (11. The Snow Angel, sur une mesure à 4 et 2 temps) ou les accords de cuivres couplés aux premières cordes donnent toute leur beauté à la photo travaillée des plans, en les figeant. Le synthétiseur grave, surtout les pointes « métalliques » (sorte d’enclume électronique) et “le flou”, véhicule un côté sombre, menace sous-jacente créée par les suites d’évènements. Ces indices trouvent globalement leur voie dans un déplacement sur peu d’accords, autour de quelques degrés Majeurs dans 2 tonalités mineures successives et en une Cadence Parfaite (1. Schenectady, 3. Bromance, 12. Handsome Luke et leurs variantes 2. Family Trees et 7. Misremembering), puis sur une marche descendante (5. Beyond the Pines, 9. Coniferae vb et leurs variantes 8. Sonday et 10. Eclipse of the Son). 

Autre part de la B.O., l’essentiel des morceaux ajoutés au projet, en tant que pré-existants – identifiables lors de la vision du film et séparés du reste sur l’album –, apporte son lot d’éléments, témoignant encore de la réflexion menée par rapport à la construction de l’histoire. Un deuxième thème (15. Fratres for Strings and Percussion d’Arvo Pärt) dont les cordes subtiles impriment leur lenteur à l’œuvre entière et la « plénitude » laconique, régulière (16. Ninna Nanna Per Adulteri d’Ennio Morricone) apparaissent ici en effet, dans le prolongement. Cet aspect musical se tient enfin à la barrière du fait diégétique (ensemble amené au récit / ensemble émis par les éléments du récit). Au-delà de la temporalité décrite, il est intéressant de relever qu’un fondu avec des morceaux existants sociologiques (pop, folk, rap, électro) dans plusieurs scènes fortes vient en effet soutenir encore le ressenti des personnages.

 

par Charlotte Dematte


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