Les Aventures du Prince Ahmed (The Khoury Project), premier long métrage d’animation de l’histoire

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par Benoit Basirico

- Publié le 09-04-2013




"Les aventures du Prince Ahmed" est le premier long métrage d’animation de l’histoire du cinéma inspiré des conte des Mille et Une Nuits. En découvrant ce film muet avec la nouvelle musique des frères Khoury, une évidence s’impose au spectateur, comme si ces deux univers étaient voués à se rencontrer. 

Les frères jordaniens d'origine Palestinienne (l'ainé Elia au Oud, le benjamin Osama au Qanun, et Basil au violon et percussions) n'ont cessé de voyager comme le prince Ahmed. Ayant expérimentés plusieurs cultures, parlant plusieurs langues, leur musique n'a pas de frontières. Nourries de la tradition de la musique arabe, leurs notes se teintent de flamenco, de swing, de musique classique, de jazz, soutenus par un quintet (Pierrick Menuau - saxophone, Jean-Louis Pommier - trombone, Gaëtan Nicot - piano, Guillaume Robert - contrebasse, Arnaud Lechantre - batterie).

A la diversité des cultures véhiculée par le film, un autre élément permet à la musique de révéler son large spectre : la richesse des émotions. L'oeuvre muette est à la fois un drame et un film fantastique, avec de l'action, du merveilleux et une histoire d'amour. La musique sait se faire trépidante ou romantique quand il le faut. Les caractères des personnages sont riches, et transparaissent dans la musique, que ce soit le courage, la ténacité, la générosité, la justice... L'utopie véhiculée par le film et le mélange culturel dans la musique ne font qu'un. Les musiciens ont cet soif de partage, et ce désir d'explorer de nouveaux territoires. Ce film était pour eux.

Au-delà de ce qui leur était naturel, les musiciens ont parfaitement compris les enjeux d'une musique de cinéma, ils ont su caractériser les personnages, instaurer des ambiances, constituer des thèmes et accompagner les motifs visuels. Le film est un véritable enchantement pour les yeux, et la musique parvient à élever cette rêverie sans l'écraser. Cette beauté plastique est le fruit d'une technique artisanale (des silhouettes en papier noir découpées et animées sur fond coloré) et provient aussi du mouvement perpétuel des personnages. On a l'impression que ces figures humaines ou animales dansent sur la musique, comme un rituel, avec quelques acrobaties. On pense à Méliès, avec ces tableaux mouvants emplis de magie et de métamorphoses. L'image est une véritable chorégraphie que les frères Khoury ont su (re)mettre en scène avec leurs instruments, en repoussant les limites techniques de leur outil. Cette créativité débridée et communicative sied parfaitement à cette oeuvre onirique et fantasque.

Le film est divisé en cinq actes. La musique identifie très bien les périodes du récit tout en ne se cloisonnant pas à chaque partie. Des éléments mélodiques circulent d'un acte à l'autre tout en qualifiant les moment clefs de l'histoire. Le premier acte se divise en deux titres ("Intro" et "Sultan City") dans lesquels le Oud, le Qanun et le Riq (tambourin arabe) installent le contexte oriental, puis il y a quatre titres pour le deuxième acte lançant le voyage du prince : "Flying Horse" dans lequel apparaissent les cuivres et un solo de saxophone pour une dominance de jazz qui s'achève par une complainte de violon, "Le Harem" retrouve les sonorités orientales, "Le lac bleu" débute par un thème au Oud et Qanun qui évolue avec un saxophone au premier plan, et enfin sur "Devil" s'agitent le Qanun et le violon marquant le danger, puis le saxophone apparaît avec sa note bluesy.

Le mélange des styles et des émotions s'instaure au sein d'un même morceau, ce qui amène une certaine fluidité à l'album, sans frontières strictes entre les pistes. Pour le troisième acte, le morceau "Les aventures en Chine" est divisé en deux parties, s'ouvre par un piano avant l'apparition du Qanun qui sonne comme un instrument chinois, d'une contrebasse qui fait des glissandi puis du Riq pour un mélange entre les styles chinois, jazz et arabes. La deuxième partie du morceau laisse sonner le saxophone et les percussions pour un moment véritablement free-jazz lorsque le prince, poursuivi par les démons, cherche à libérer Pari Banu emprisonnée. L'acte 4 ("Aladin et la lampe merveilleuse") est divisé en cinq morceaux sur le disque : "Caliph City" avec un thème au Oud et Qanun lorsque Aladin conte son histoire au prince ("je vivais dans la ville du calife..."), puis toujours pendant son récit ("J'ai erré dans la caverne..."), nous entendons le morceau "Secret Cave" dans lequel le thème se décline avec un piano. "Wonderlamp and the genie" dévoile un air de flamenco où le Qanun est joué comme une guitare occidentale, le génie semble danser au dessus de la lampe magique. Sur "Escape", nous retrouvons un air enjoué où l'ensemble des instruments du groupe est convoqué, rappelant l'esprit féerique de "Sultan City" à l'ouverture. Pour terminer cet acte 4, la sorcière et le mage s'affrontent en prenant la forme d'animaux sur "Magicians Battle", ce qui donne lieu à un tableau abstrait illustré par un morceau assez expérimental et dissonant au saxophone et trombone, avec qanun, piano, contrebasse, et percussions, pour terminer de façon plus mélodique avec l'acte 5 ("Grand Battle" et "The return", rejouant le thème de l'intro avec entrain lorsqu'arrive la résolution heureuse).

par Benoit Basirico


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