Cannes 2013 : Evgueni Galperine, le générique du PASSÉ de Farhadi avant MALAVITA de Luc Besson

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- Publié le 24-05-2013

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Evgueni Galperine a écrit la musique du générique de fin du PASSÉ de l'iranien Asghar Farhadi, présenté en compétition au Festival de Cannes 2013. A cette occasion, il aborde également son dernier projet : MALAVITA, dernier film très attendu de Luc Besson.

 

Interview Evgueni Galperine

Cinezik : Pour LE PASSE de Asghar Farhadi, vous n'avez été convié sur le projet que pour écrire une musique de générique de fin... pourquoi avoir fait appel à un compositeur pour une si petite contribution ?

Evgueni Galperine : Le réalisateur s'est rendu compte que la musique classique qu'il voulait prendre ne marchait pas. Il a essayé pleins de choses mais il a compris qu'il voulait quelque chose qui soit faite sur mesure. Il fallait que cela reflète vraiment l'âme du film. C'est une musique qui arrive à la fin du film donc elle est très importante, elle doit résumer un peu le film. Quand ils se sont rendus compte qu'il fallait quelque chose sur mesure, ils ont commencé à rencontrer des compositeurs au dernier moment, dans le stress de la finition du film parce que c'était à deux ou trois semaines de fin de mixage.

C'est un réalisateur iranien, mais le film est de production française, est-ce la raison pour laquelle il a fait appel à un compositeur basé à Paris ? 

E.G : C'est un film qui est tourné en France, la quasi totalité de l'équipe est française. Il habite en France depuis deux ans parce que le film était extrêmement long à préparer, trois mois de répétition avec les comédiens, à l'ancienne. Il a rencontré des réalisateurs français. Après avoir parlé, j'ai pu lui faire entendre des musiques puisqu'il y avait un piano, j'ai pu jouer quelques notes de musique devant lui, et au final c'est resté ainsi. Mais on l'a beaucoup retravaillé. 

Dans la mesure où le réalisateur est iranien, avez-vous songé à convoquer des instruments traditionnels ?

E.G : Non. La question pourrait se poser, et pas seulement au niveau des instruments, aussi au niveau du style musical. Mais comme le film est tourné en France, il n'y a rien qui puisse nous faire penser que ce film est iranien. Du coup, la question de l'instrument traditionnel a tout de suite disparu, il fallait juste faire une musique qui soit la plus proche possible de la psychologie du film. Le réalisateur avait une idée très précise de ce qu'il voulait, il voulait du piano et des cordes donc on n'a pas cherché longtemps. On n'avait pas beaucoup de temps, on a donc fait quelque chose avec du piano et des cordes. 

Combien de temps de travail ?

E.G : Finalement, par rapport à des délais que l'on peut avoir sur des productions où l'on a quarante minutes ou une heure de film, c'était assez privilégié parce qu'on avait deux semaines pour trois minutes de musique, sachant que le choix musical était décidé tout de suite. Après on faisait des allers-retours note par note,  il venait travailler chez moi. On a eu une base très rapidement, puis sur cette base-là, on faisait des allers-retours. Il est extrêmement méticuleux, je n'ai jamais vu un réalisateur aussi interventionniste. Interventionniste dans le bon sens du terme parce que dès qu'il s'est rendu compte que ce qu'il avait demandé comme changement ne marchait pas, il revenait sans problème en arrière. Au final, on a gardé une musique assez proche de celle du tout début. Quand tu sais que tu travailles avec un réalisateur qui a ce talent-là, tu le fais pour la bonne cause, sans énervements. 

Pourquoi ce réalisateur ne met-il pas de musique dans ses films, si ce n'est au générique ? 

E.G : Je pense que son cinéma est un cinéma extrêmement réaliste, un cinéma qui se rapproche le plus possible du film documentaire. Du coup, dans la réalité il n'y a pas de musique quand les gens se parlent, quand ils sont émus, il n'y a donc pas de musique dans les films de Asghar Farhadi. Et à la fin, il veut quand même de l'émotion, comme une sorte de résumé du film qui soit apporté par la musique, et permettant aux gens de décharger l'énergie qu'ils ont accumulé pendant le film. Il m'a tout de même dit qu'il avait compris qu'il pouvait mettre davantage de musique dans ses films, que cela pouvait être très discret, en se demandant même si c'est de la musique ou pas. En l'utilisant de manière très prudente, la musique peut vraiment apporter des choses et j'ai envie d'aller sur ce chemin-là. 

Que pouvez-vous nous dire aujourd'hui sur votre partition pour le nouveau film de Luc Besson MALAVITA ? 

E.G : La partition est finie depuis deux ou trois mois. C'était génial d'avoir Robert de Niro sur l'écran de travail pendant deux mois, qui est absolument fantastique dans le film. C'est une comédie de gangsters parfaitement maîtrisée. C'est un scénario de Tonino Benacquista, qui a déjà travaillé avec Jacques Audiard. Il y a deux styles musicaux dans le film : le premier est de la comédie grinçante, un peu noire, avec une peur un peu sous-jacente, et le second est une musique très électro, très programmée, parce que le film change un peu de style, on va d'une comédie vers quelque chose de plus en plus angoissant avec de plus en plus d'action. On part d'un aspect "cinéma italien" vers quelque chose de beaucoup plus moderne, tendue, avec des guitares, des percussions, de la programmation. A la fin du film, tout se rejoint avec l'orchestre d'un côté et l'électronique de l'autre. Cela devient complètement effervescent. 

Vous êtes intervenu quand le film était complètement tourné ? 

E.G : Oui, mon frère Sacha et moi, on a été appelés au dernier moment. Il y a eu un casting qui a été fait à deux mois de la fin du film entre des compositeurs américains et français. Le jour où on nous a annoncé que nous avions gagné, il nous restait un mois et demi pour tout produire car les américains avaient une date de livraison. Le film est co-produit par une grosse société de production américaine, Relativity Media ainsi que par Martin Scorsese, mais je ne pense pas que ce soit Martin Scorsese qui ait voulu cette date précise de livraison.

Martin Scorsese qui est le producteur exécutif du film est-il intervenu pour la musique ? 

E.G : Non. Si Martin Scorsese était intervenu pour la musique je n'aurais pas dit non, mais ce qui est très agréable avec Luc c'est que personne n'intervient dans la musique. C'est lui qui refuse ou accepte, une fois qu'il a accepté, il ne changera jamais d'avis. C'est très agréable de travailler avec quelqu'un qui a la décision totale, et qui est extrêmement sûr de ce qu'il veut. A chaque fois qu'il apportait quelques petites précisions, des changements ou modifications à des musiques, c'était jusqu'à parler des instruments, de la nature des instruments, de la manière de jouer les instruments. J'étais assez étonné. Il a travaillé assez longtemps avec Eric Serra, ils sont très amis, donc je pense qu'il a beaucoup participé dans la musique auprès de lui, il connait ce travail de l'intérieur. 

Pourquoi a-t-il eu le désir de changer de compositeur d'ailleurs ? 

E.G : Je n'ai pas osé le lui demander. Je pense juste que ce film-là est très différent pour lui. Ce film est un peu un re-nouveau, un retour dans le cinéma sous une nouvelle image, une nouvelle casquette. Le film ne ressemble pas du tout à ce qu'il a fait avant. Il avait envie que ce renouvellement-là soit certainement aussi sur les postes, dont celui de la musique. Eric Serra a d'ailleurs participé au casting, mais Luc a choisi les musiciens à l'aveugle, donc il n'y a eu ni favoritisme, ni le contraire.  Il y avait aussi Marco Beltrami et Cliff Martinez parmi les candidats.

Le fait que vous ayez fait des productions EuropaCorp auparavant a pu vous aider ? (bien que ce soit aussi le cas de Beltrami - Trois enterrements, ou Martinez - A l'origine).

E.G : Quand Luc a demandé à Alexandre Mahout (responsable de la musique chez EuropaCorp avec qui j'ai très bien collaboré pour L'HOMME QUI VOULAIT VIVRE SA VIE) avec qui il pouvait travailler, il lui a indiqué notre nom, à mon frère et moi. Luc lui a répondu : "Ah bon, qui est-ce ? Tu en est sûr". Voilà, c'est ainsi que nous nous sommes retrouvés en compétition pour MALAVITA.

Quel a été votre travail pour Jacques Audiard sur la musique additionnelle de DE ROUILLE ET D'OS ?

E.G : Il n'y a pas eu de travail pour Jacques Audiard car ce sont des musiques existantes qui étaient là au montage du film. Certaines ont été remplacées par la musique d' Alexandre Desplat. Et d'autres n'ont pas été remplacées. 

A Hollywood, vous avez aussi fait des musiques additionnelles pour THE HUNGER GAMES...

E.G : Pour THE HUNGER GAMES, j'ai vraiment travaillé dessus. Une de mes musiques s'est retrouvée sur la table de montage et a plu à tout le monde. Danny Elfman devait faire la musique avant que ce soit James Newton Howard. Au début du mixage, ils se sont rendus compte qu'il y avait deux ou trois séquences où ils n'étaient pas contents de ce qu'ils avaient. Ils se sont souvenus de ma petite musique, qui avait été faite pour un film d'auteur sans argent, et qui n'a même pas été acceptée par le réalisateur, c'est une autre version que j'ai faite qui a été acceptée. Ainsi ma musique s'est retrouvée sur l'ouverture de THE HUNGER GAMES puis ils m'ont demandé de l'adapter. Je l'ai prolongée de huit minutes, sur une autre séquence au contraire elle est raccourcie, il y a eu du travail. Aujourd'hui justement je les rencontre pour parler du deuxième opus, toujours pour de la musique additionnelle, je n'en serais pas le compositeur principal, pas encore.

Comment sont-ils tombés sur ce morceau de film d'auteur ?

E.G : Grâce à la monteuse Juliette Welfling qui a été la première monteuse de THE HUNGER GAMES, également monteuse de Jacques Audiard, avec qui on s'est rencontré sur L'HOMME QUI VOULAIT VIVRE SA VIE. Beaucoup de monteurs utilisent des musiques qu'ils aiment bien pour s'en servir sur le montage, pour les mettre et les aider à avancer. C'est exactement ce qu'elle a fait. Puis tout d'un coup, c'est devenu irremplaçable. Tu te retrouves parfois avec des références qui viennent d'ailleurs, qui ne collent pas parfaitement à l'image mais qui apportent quelque chose de supplémentaire qui devient nécessaire et qu'il est difficile de remplacer. 

Interview réalisée à Cannes le 18 mai 2013 par Benoit Basirico

 

 

 

 

 


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