After Earth (James Newton Howard), un traité de musique pour film d’horreur

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par Camille Brunel

- Publié le 02-06-2013




James Newton Howard retrouve M. Night Shyamalan, et continue dans sa lancée horrifico-mélancolique. Analyse piste par piste.

1. Le début d'After Earth, rien d'étonnant au vu de l'affiche et du pitch (le futur, une planète sauvage...), fait résonner des tambours et des cordes qui sont exactement ceux de l'ouverture d'Avatar de James Horner. La sensation de redite, d'obéissance au package planète-blockbuster, dure jusqu'à 1'29 quand quelques flûtes apparaissent, que quelque chose d'original s'esquisse. Après une ouverture convenue, ce n'est que lors de l'apparition de la mélodie au piano seul que l'on reconnaît le compositeur : James Newton Howard, spécialiste des airs légers autant que tristes, des mélodies perdues.

2. Morceau très court, cordes seules comme James Newton Howard sait faire. Discret requiem, d'une ampleur hollywoodienne assez classique, avec retour de la mélodie au piano vers la fin.

3. Vraie volonté de la part d'Howard de ne pas se contenter de couvrir le film, mais de composer des mélodies. Ici, très jolie ouverture aux violons, puis retour de l'ampleur hollywoodienne, avec, toujours, le piano derrière, discret. Puis montée en puissance vers...

4. ...La marche épique de cette quatrième piste, qui rappelle peut-être celle de Dinosaure, composée en 2000. Rythme entraînant, chœurs entraînants, avec un véritable souffle d'aventure. Piste très courte, pour isoler ce court moment de marche.

5. Première piste anxiogène. Assez banale du coup. Guère plus qu'un tapis de violons dissonants ; plus une sorte de plainte par-dessus, jouée au violon seul. Puis la tempête s'apaise, s'ensuit une minute de quasi-silence.

6. Le silence est brisé par un ensemble dissonant un peu tribal, tambours lointains, notes de flûte passagères ; le tapis de cordes est aussi lointain que les tambours. Le jeu atonal qui le recouvre rappelle du John Williams, celui de Jurassic Park ou de la Guerre des Mondes - en moins inspiré.

7. Une respiration, puis une berceuse jouée au piano, cette fois-ci sur un piano résonnant comme si l'on en jouait sous l'eau - comme si en fait, le personnage avait trouvé sur cette « Terre d'après » un vieux piano désaccordé. La berceuse ne fait que passer et 1'19 plus tard, s'estompe. Elle est assez belle.

8. Retour au tapis de cordes. Morceau assez court, entièrement construit comme un long tapis de cordes déroulé, où ne se jouent que d'infimes variations : on se croirait dans le manoir à partouzeurs d'Eyes Wide Shut, où l'on entendait du Ligeti !

9. Nouvelle piste flottante, jouée de façon très ténue, très douce, alors qu'on y distingue des chœurs et un bon paquet de violons. Quelques coups de flûte de pan pour faire sauvage... Assez joli passage, achevé sur une touche énigmatique qui fait la transition avec...

10. ...une nouvelle piste de musique post-moderne, dissonances, maracas flippantes et compagnie, percussions au milieu du silence. L'exemple typique du morceau qui ne fonctionne qu'à l'écran... A 1'40, heureusement, les cordes reviennent, et c'est enfin le James Newton Howard qu'on a envie d'entendre : cordes entraînantes et par-dessus, un instrument soliste mélancolique, ici le piano, vite rejoint par une autre partie des cordes. On dirait du Philip Glass shooté au Red Bull : une minute complète d'efficacité redoutable, d'une sorte d'énergie hantée par la peine.

11. Retour à la musique post-moderne... rapidement rejointe cette fois par l'orchestre qui gonfle lentement pour changer d'accord, se déployer, s'estomper. Mélodie lointaine à nouveau (on ne pourra pas écouter After Earth dans la voiture, ça ne couvrira jamais le bruit du moteur !), jouée à la harpe, avec violon soliste par-dessus - l'une des spécialités de James Newton Howard, rappelons-nous ses compositions sublimes pour Le Village. Ici, on sent que ça couve, mais ça reste au niveau Ligeti évoqué un peu plus haut.

12. Par moments, comme au début de cette douzième piste, on pense aussi aux compositions les plus atonales de Kilar ou Golijov, avec leurs accents d'Europe de l'Est, pour Dracula ou L'homme sans âge.

13. Retour du thème plus ample joué aux cordes, rehaussé de chœurs. Les percussions montent lentement en puissance derrière les cordes redevenues dissonantes puis, à 1'50, un nouveau thème imposant fait son apparition. C'est soudain très mélodieux et, comme on s'y est habitué sur After Earth, ça ne dure pas longtemps, et ça s'évapore...

14. Duo de violons. Splendide. Newton Howard au sommet. Apogée de la mélancolie, deux ou trois violons abandonnés sur un tapis de cordes, se répondent ; puis leur thème est repris, développé ; s'assombrit encore à 1'37. Soudain déformation de l'élégie, puis...

15. ...Morceau très agité, dominé par les percussions. Par-dessus les cordes, très aigues, se contentent de continuer sur une sorte de note plaintive, sans vraiment prêter attention au rythme, ce qui donne à la scène d'action un côté endormi, cauchemardesque.

16. Nouvelle scène d'action. La tonalité est résolument tribale ; on n'est pas loin de King Kong du même James Newton Howard, de la musique du sacrifice d'Ann Darrow. Mais les percussions s'estompent encore. Musique d'ambiance à nouveau...

17. ...et retour du piano. Moins noyé que celui de la piste 7, toujours lointain cependant. La mélodie fonctionne par échos, comme si, vraiment, on en jouait au milieu d'un immense espace vide où les notes se répercutent. La harpe réapparaît, selon le même fonctionnement d'écho. Musique d'ambiance encore, angoisse à fond, mais cette fois - jolie trouvaille - le piano dépose au fond quelques sombres accords. Ligeti, Ligeti - percussions, le piano est toujours là et, à 3'04, lors d'une légère accélération, se fend d'une ou deux arpèges du meilleur effet. La musique s'estompe juste après. Silence.

18. Berceuse au piano. Piano de plus en plus audible. Assez joli, quoiqu'un peu banal. Typique : la mélodie ne s'assombrit que sur deux mesures avant de passer au morceau suivant.

19. Le lyrisme gagne du terrain. De plus en plus de cordes boostées aux percussions, jusqu'à un agrandissement soudain du thème, à 0'38. C'est épique et entraînant à peu de frais. Lorsque les chœurs apparaissent, on a envie d'applaudir ; évidemment ça ne dure pas. On est loin d'un Hans Zimmer, qui pousse toujours l'euphorie au maximum !

20. Discordance, j'écris ton nom. Passage à la contrebasse, le plus sombre possible. Sinon, cordes qui se cherchent... Passage intéressant lors d'un solo au violoncelle, sorte de cantate étouffé qui rajoute, par sa virtuosité discrète, de l'angoisse à la séquence.

21. A l'exception des berceuses au piano, c'est décidément à une bande-originale très sombre qu'on a affaire. Comme s'il y avait une sorte de requiem tragique toutes les trois pistes ! Ici, les violons poussent leur élégie, la plus lancinante possible. ...Cela se finit en musique d'ambiance.

22. Mélodie lointaine à nouveau. Est-ce un truc visant à souligner l'idée que le film se passe loin ? Crescendo du violon soliste. Tonalité très sombre, toujours. S'y ajoute soudain une sorte de tic-tac souligné par des flûtes, tandis que derrière gonfle l'orchestre. Assez envoûtant.

23. Scène d'action tribale. Les cordes s'emportent enfin vraiment, toujours entrecoupées de plaintes jouées à la flûte de Pan - l'affaire de 40 secondes, pas plus.

24. Et l'on en revient à de la musique d'ambiance. Appels à l'aide poussés avec une sorte d'ocarina à bout de souffle vers la fin.

25. Ligeti mâtiné de piano perdu. Retour à la musique d'ambiance - tendance serpent à sonnette, plaintes de loups et bourdonnement de mouches ; on entend même des sauterelles vers 2'00 se substituer aux cordes et aux percussions lors d'une sorte de climax horrifique.

26. 4'45 : voici le morceau le plus long de cette bande-originale. Où va-t-il nous emmener ? Intro lancinante. Lents accords au piano, retour de l'angoisse, puis réveil soudain de l'orchestre, qui reprend le requiem aussitôt. Dès que ça s'envole, c'est très joli. Evidemment, la musique atonale de film d'horreur reprend rapidement le dessus ; avant de se changer en une marche grandiose qu'on entend pour la première fois. Les chœurs débarquent très vite, et pour la première fois, cela dure un peu. La marche s'arrête, reprend, toujours plus entraînante. Dinosaur, toujours, en plus sombre. Toujours sur la même piste (si l'on suit la logique de l'album, pourquoi ne pas avoir coupé ?), la berceuse réapparaît, plus apaisée, soutenue par les cordes. Quelques accents pop affleurent, on s'attendrait presque à entendre Lana del Rey se mettre à chanter...

27. La berceuse se métamorphose en thème joué à l'orchestre, dont s'échappent quelques trompettes lyriques, puis crescendo : grands accords, chœurs, on respire.

28. Pour ce dernier morceau, les tambours d'Avatar réapparaissent, avec un nouveau thème (encore un !). Les percussions donnent de l'allant au tout, l'orchestre gonfle et gonfle encore, cuivres imposants, tapis de cordes harmonieux... Mais le morceau se termine en queue de poisson, sur un étrange fade out en plein passage rythmique ! C'est frustrant !

Conclusion : Score étouffé, onirique et parfois planant, After Earth est un traité de musique pour film d'horreur, dont il reprend tous les poncifs. Quelques belles mélodies au piano ici et là et des passages lyriques sont très réussis, qui s'achèvent toujours un peu vite, à l'image de la dernière piste, la plus belle, qui s'écoute avec plaisir, mais dont le finale n'a rien de très exaltant.

 

par Camille Brunel


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