Lone Ranger (Hans Zimmer), un sommet de la musique au cinéma

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par Camille Brunel

- Publié le 02-09-2013




La musique du maestro Hans Zimmer, plus enveloppante que jamais lorsqu’il collabore avec Verbinski, se hisse pour Lone Ranger à la fois sur les épaules de L’Ouverture de Guillaume Tell de Gioachino Rossini, et sur celles des meilleures partitions de Morricone. Il atteint logiquement un sommet de la musique au cinéma, en termes d’adrénaline autant que d’orchestration… Analyse piste par piste.

  1. Never Take Off the Mask - On pouvait s'attendre à de la flûte, ou à quelque instrument qui annoncerait l'histoire indienne ou le western - mais de façon assez inattendue, c'est un violon aux tonalités presque irlandaises qui ouvre le bal. Référence à la couleur de cheveux d'Helena Bonham-Carter, surnommée « Red » dans le film ? Ne les tirons pas pour l'instant - contentons-nous de savourer cette première piste qui, aussitôt après le violon, introduit les tambours de guerre des tribus indiennes du film. Joli mélange. Et la flûte ? Elle apparaît à la fin.
     
  2. Absurdity - Sur cette seconde plage, la mélodie est jouée à la flûte, justement (flûte à bec sans doute). C'est un peu le thème de Jack Sparrow du film (le thème de Jack Sparrow constituait déjà la 2e piste sur la BO de Pirates des Caraïbes 2). Voici donc le thème de Tonto, l'étrange indien incarné par Johnny Depp, qui évoque surtout le Sherlock Holmes de Zimmer. Thème très vite spectaculaire, très vite fortissimo : on sent que dans Lone Ranger le spectacle ne tarde jamais à l'emporter. La flûte, qui incarne la légèreté burlesque de Depp en Tonto, alterne avec les moments plus lourds à l'orchestre, plus emportés aux cordes, reflétant la façon qu'a Tonto, Buster Keaton virevoltant, de se retrouver plongé dans des scènes à grand spectacle. Zimmer ne se prive d'aucun de ses plus gros effets. Un régal. A 4'00, le thème lyrique du Lone Ranger se fait entendre, assez pompier, joué aux cuivres sur un tapis de cordes qui laisse entendre, furtivement, quelques notes d'Il était une fois dans l'Ouest...

  3. Silver - Violon à nouveau. Soliste. Très lent, un peu triste. La flûte n'est pas loin, toujours associée au personnage de Tonto. Le morceau se change en marche, très lente, très noble. Cette noblesse, c'est celle des Indiens, associés aux tambours solennels qui résonnent soudain, et à un bourdon qui évoque quelque chose des musiques primitives. Tonto et sa flûte malicieuse restent dans les parages : personnage comique, il est aussi intimement lié au génocide amérindien évoqué par le réalisateur Gore Verbinski. A 2'47, variation, le thème se fait plus poignant. Disons que Silver est à Hans Zimmer ce que La Liste de Schindler est à John Williams, une composition pour violon soliste évoquant une tragédie historique. Destiné au peuple amérindien, le morceau est ici mâtiné de sonorités guerrières, tribales.

  4. Ride - L'aventure commence ici, les chevauchées dans les grandes plaines : on entend pour la première fois les cordes imiter le bruit du train à vapeur, motif majeur de Lone Ranger, à l'image comme à la musique. Le rythme du train lancé à toute vitesse est recouvert de cuivres très amples évoquant à la fois la chaleur du désert et les grands espaces - ces cuivres sont eux-mêmes accompagnés par une guitare électrique : on l'entendait déjà lors d'une scène de négociations dans Pirates des Caraïbes 3, et c'est Verbinski lui-même qui jouait ; c'est sans doute aussi le cas ici... Dès que le train s'arrête, les violons prennent le relais, et on plane : somptueuse première minute. Puis le morceau se poursuit sur des cordes soudain très apaisées, comme arrivées en gare. A 2'50, le thème « Schindler » de Silver reprend, le plus ample possible, soutenu par des trompettes moriconiennes. La dernière minute est plus calme, et complète un morceau exceptionnellement varié.

  5. You've Looked Better - Premier morceau sombre de l'album. Zimmer fait siffler les violons, comme dans un film d'horreur. Quelques effets de bruitages. Nous voilà dans la tête de quelqu'un d'assommé entendant, de loin, les tambours indiens.

  6. Red's Theater of the Absurd - Composé par Jack White, à qui l'on avait, à l'origine, proposé de composer l'intégralité du score Lone Ranger, ce morceau-là bouge beaucoup plus, sonne comme une sorte de fanfare freak, tout droit sortie d'une foire. Le balancement des basses évoque la démarche d'une espèce de gros ivrogne, le banjo, le crin-crin et le piano désaccordé sont bien ceux des saloons de l'ouest. Etrangement, c'est ce morceau-là qui évoque le plus le thème de Sherlock Holmes...

  7. The Railroad Waits for No One - Les cordes imitant le train reprennent, moins sereines que dans Ride. C'est le grand morceau de valse furieuse comme Zimmer les affectionne (cf.Gladiator !). Cette fois, les trois temps se retrouvent mêlés à des cordes effrénées qui accompagnent le train lancé à toute allure. Le thème du Lone Ranger éclate au moment où on l'attend le plus - ce n'est pas plus mal.

  8. You're Just a Man in a Mask - On entend à nouveau les tambours de guerre, accompagnés par des instruments à cordes à la sonorité faussement imparfaite, liée sans doute aux instruments fabriqués par les peuples indigènes. Fatalement, le morceau « Schindler » réapparaît, mais joué de façon très effacée, beaucoup moins éclatante qu'au début : comme fatigué, et dépassé soudain par les cordes menaçantes. La trompette résonne, furtivement : cette trompette, c'est à la fois le symbole de la charge de cavalerie meurtrière, et la sonnerie aux morts. Mais c'est le violoncelle soliste qui joue le requiem jusqu'au bout, accompagné de tambours de guerre. Les notes morriconniennes d'Il Etait une fois dans l'Ouest reviennent, et avec elles, le thème du Lone Ranger - composé comme une sorte de variation, par-dessus les accords de Morricone.

  9. For God and for Country - L'action reprend. La musique s'emporte très vite, comme souvent. Les « pêches » qui accompagnent sont nombreuses alors que le thème n'est joué que pour la première fois. Quelques secondes de répit, lors d'un passage où une voix se fait entendre en soliste, mais l'orchestre reprend très vite, sur le tapis de cordes imitant la locomotive. Un chœur apparaît sur la locomotive : ici Zimmer en fait-il trop ? La volonté d'héroïser les personnages est peut-être trop visible... Il faut bien reconnaître que ce passage au chœur, porté par les cordes qui semblent cracher la vapeur, est particulièrement entraînant. Silence, roulement de tambour, puis énorme passage lyrique aux cordes : Zimmer se donne à fond. Joli passage final, où le chœur réapparaît, mais plus léger, onirique. Il faut bien laisser un peu de répit à celui qui écoute, avant le surexcitant morceau qui va suivre...

  10. Finale - ...puisqu'il s'agit de L'Ouverture de Guillaume Tell de Rossini, composée en 1829 pour symboliser la résistance suisse face à l'envahisseur autrichien dans un opéra de 4h30 ; déjà entendu des dizaines de fois, et en particulier dans Orange Mécanique, lorsque le personnage fait l'amour en accéléré. Si le morceau est célèbre, c'est aussi parce qu'il constitue le générique de la série Lone Ranger depuis sa création en 1933... Cette fois en revanche, il est ralenti : et pourtant ça va encore très vite. Les chevaux de la charge paraissent du coup plus lourds, et, ralentis, les passages où les cors reprennent la mélodie sonnent plus comme une musique de western. A 1'46, on quitte Rossini et on est aiguillonnés vers Zimmer, qui injecte ici et là quelques mesures de la mélodie d'origine, mais compose son propre morceau pour western. Une chose reste : le galop des chevaux. Tagadap, tagadap, tagadap-tap-tap...

    Les violons d'accompagnement se font beaucoup plus entendre. Zimmer rajoute intelligemment quelques variations aux sonorités de western, tout en laissant la part belle aux violons chargés du rythme. Il invente, pour dilater la mélodie de Rossini, un jeu d'écho entre différentes parties de l'orchestre. Les pompes zimmeriennes ne sont jamais loin. Quand le tagadap des chevaux ne se fait plus entendre, c'est le galop du train qui nous maintient en haleine. Les passages menaçants sont exécutés avec une joie non dissimulée ; les mesures empruntées à Rossini vont et viennnent et quand elles viennent, c'est un bonheur. A 4'03, Zimmer se permet même une friandise en rajoutant un écho au finale de la mélodie d'origine.

    Rossini dialogue avec Zimmer. Le passage du morceau d'opéra à la musique de film se fait sentir, mais la différence est particulièrement réjouissante, on a l'impression que le western déboule soudain sur scène, comme s'il paradait.
    A 5'27, première version du finale de Rossini, où quelques amples accords se succèdent, soutenus par quelques pêches, et où l'on entend plus que jamais la locomotive emportée crachant sa vapeur ; mais la mélodie reprend aussitôt. Retour de la mélodie modifiée... Et bonheur réel lorsqu'elle cesse à nouveau d'être jouée sous sa forme modifiée. C'est un peu ce à quoi refusait malheureusement de céder John Williams dans Indiana Jones 4, ne jouant vraiment la Raider's March que lors du générique du fin... Ici, on a vraiment tout, tout le temps ! A 6'20, les cuivres deviennent fous, accompagnent frénétiquement le retour du finale des amples accords... Bref passage de charge héroïque rossinienne puis, à 6'49, sublime crescendo vers un bref passage lyrique. Et l'action reprend, la locomotive avec. Le meilleur, c'est que 40 secondes plus tard, Zimmer remet ça, et joue le passage lyrique deux fois : vaste mélodie à la trompette portée par les cordes, par-dessus le tapis de locomotive. Un bonheur !!

    Le morceau ralentit peu à peu et s'achemine vers la version, selon Zimmer, du finale de L'Ouverture de Guillaume Tell comme il aurait pu être, si Rossini n'avait pas décidé de composer le finale le plus impressionnant de l'histoire de l'opéra. La mélodie s'arrête lentement, juste comme ça... Un basson passe par là, ramasse les miettes d'enthousiasme...
    Mais c'est pour mieux reprendre, en un crescendo extraordinaire (peut-être faudrait-il s'autoriser cette fois à utiliser une expression un peu galvaudée : « c'est jouissif »...), la mélodie de Rossini et de la suivre à la note près sur toute sa dernière minute, véritable bouquet final à couper le souffle. De façon assez amusante, on continue par instants d'entendre la locomotive, à laquelle pourtant Rossini ne pensait pas du tout !
    Et l'on fonce tête baissée vers ce célébrissime finale qui en a inspiré plus d'un, à commencer par John Williams, pour Star Wars.

  11. Home - Long morceau très lent. L'aventure s'achève. Une mélodie fait son apparition, très ample, un peu fade - on croirait presque entendre du John Williams en petite forme. C'est, bien-sûr, toujours très beau ; disons que ça a moins de caractère. Disons que c'est ce qu'il fallait pour reprendre connaissance après l'étourdissant finale qui a précédé...

par Camille Brunel


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