Rencontre express : Mychael Danna & Atom Egoyan, une étroite collaboration

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PROPOS RECUEILLIS À PARIS LE 24 AVRIL 2013 PAR BENOIT BASIRICO • GRÂCE À LA SORBONNE ET LA BNF • TRADUCTION : FLORIANE JENARD. - Publié le 18-12-2013




Le canadien Mychael Danna est le compositeur attitré et régulier du cinéaste Atom Egoyan depuis "Family Viewing" (1987) jusqu'à leur dernière oeuvre commune "Devil's Knot" présenté à Toronto en septembre dernier avant une sortie française en 2014. Ils nous en révèlent les enjeux musicaux.

Interview Atom Egoyan / Mychael Danna

 


Cinezik : Quel dialogue avez-vous concernant la musique ?

Mychael Danna : Atom connait très bien la musique, il vient d'une famille de musiciens. Parmi les réalisateurs avec lesquels j'ai travaillé, peu connaissaient vraiment la musique. Je peux avoir des discussions avec Atom dans des termes musicaux. J'ai rarement eu des conversations comme ça, on parle la plupart du temps de l'histoire, de l'émotion, du thème.

Atom Egoyan  : Pour le film que je suis en train de terminer (DEVIL'S KNOT), il y avait l'idée d'un son de violon. Et concernant la sonorité de ce son, Mychael était certain que l'origine du lieu où se passe le film ne devait pas être présent. J'étais d'accord, c'était une idée très intelligente. Mais il y avait toujours un son qui ressemblait plus à du "fiddle" (violon populaire) qu'à un violon traditionnel. Nous avons cherché un musicien qui pouvait créer ce son de violon classique et toutes ses nuances auxquelles nous sommes tous les deux sensibles. Mychael a donc trouvé le bon musicien, mais je devais les écouter, nous le choisissions ensemble.

Il a une imagination incroyable, à côté je suis ridicule. Parfois, il propose un son qui s'apparente à un souffle pour représenter le vent, ce qui doit être enregistré d'une façon spéciale.

Votre inspiration provient de la vision des images ou de la lecture du script ?

M.D : A partir du film en lui-même, des discussions avec le réalisateur, pour comprendre ce qu'il veut dire et comment nous pouvons exprimer cela au mieux à travers la musique. Le script n'existe plus quand je compose, la place est au film. Nous avons surtout travaillé sur le film et c'est ce qui a forgé toutes nos décisions.

Comment a été conçue la bande son très hybride de EXOTICA (1994) aux sons mélangés ?

A.E : Pour EXOTICA, toutes les textures étaient des instruments et des sons que j'avais enregistrés quelques années auparavant pour CALENDAR (un petit film). Mychael était très enthousiaste quand il les a écoutés. Il s'est emparé de ces enregistrements et les a développés. Vous les entendez donc dans EXOTICA, avec du disco. Tout cela part d'un enthousiasme. Avec l'atmosphère d'EXOTICA, vous pouvez vous permettre une grande possibilité de sons. Vous pouvez dépasser les limites. Nous sommes excités par toutes ces possibilités du son, et les conditions du film qui nous le permettent.

Mychael, avec cette complicité, vous arrive t-il de venir sur le tournage ?

M.D : Les seules fois où je suis venu sur le tournage, j'ai demandé des musiques pré-enregistrées dont j'avais besoin pour faire la musique. Dans EXOTICA, quelqu'un joue du piano, mais sinon il n'y a pas de raisons que je sois là, cela ne m'apporte rien, cela ne m'aide pas à mieux comprendre le film.

Inversement, Atom, assistez-vous aux séances d'enregistrement des musiques ?

A.E : Oui biensûr, c'est très amusant et étonnant !

M.D : Il y a toujours un moment où la musique prend forme, où vous pouvez encore changer des choses, et le réalisateur a besoin d'être présent aussi.

Avant d'enregistrer la musique avec un orchestre, utilisez-vous des maquettes ?

M.D : Oui.

A.E : Oui, absolument. Et je suis déboussolé parfois parce que je n'ai pas l'imagination pour savoir exactement comment cette maquette pourrait mieux sonner.

Pouvez-vous nous parler de votre nouveau film, DEVIL'S KNOT ?

A.E : DEVIL'S KNOT se base sur des faits réels. C'est l'histoire de trois garçons que l'on a découverts morts, écartelés et nus dans une forêt en Amérique du Sud. C'est un crime terrible et le sujet du film est le besoin de savoir qui a fait ça. Trois adolescents sont écroués, mais ils n'ont pas de réel lien avec ce crime. Ils écoutent du hard métal, ils sont étranges, surtout l'un d'entre eux. Deux personnages évoluent dans cette situation kafkaïenne: la mère d'un des garçons tués, et un détective privé. C'est leur histoire.

La musique a une utilisation instinctive car elle essaie de créer un sentiment de panique et d'horreur, mais elle crée aussi un sentiment de futilité par rapport au processus de la justice. Elle ne va pas nulle part. Et au milieu de tout ça, Mychael a trouvé de magnifiques samples, très simples, qui suggèrent la connexion entre ces deux personnages. C'est intéressant parce qu'à l'origine, on avait pensé que la musique devrait refléter l'atmosphère originelle du sud, mais il était clair que cette histoire pouvait se produire partout, et que la musique ne devait pas être spécifique à un lieu. C'était une très bonne idée. Nous avons tous les deux ce genre de dialogue.

Que pensez-vous des productions hollywoodiennes pour lesquelles Mychael Danna conçoit aussi des musiques ?

A.E : Il réussit dans ce cinéma, il comprend très bien les besoins des productions Hollywoodiennes. C'est incroyable pour moi de voir comment il absorbe tout ça, avec les pressions que l'on subit quand on fait ce type de film, mais il est capable de le faire. Il a cette flexibilité qui l'amène à travailler aussi pour Hollywood. Le seul score que l'on a fait qui s'approche du style Hollywoodien est CHLOE (2009) qui n'est pas mon score préféré, mais la façon dont il a travaillé avec ces gens est très studieuse. C'est rare.


 

PROPOS RECUEILLIS À PARIS LE 24 AVRIL 2013 PAR BENOIT BASIRICO • GRÂCE À LA SORBONNE ET LA BNF • TRADUCTION : FLORIANE JENARD.

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