Jorane : de la chanson à LOUIS CYR

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- Publié le 16-03-2014




Chanteuse et violoncelliste québécoise, Jorane signe des albums remarqués (chantés ou instrumentaux), collabore avec Marco Beltrami sur I AM DINA, reçoit le Prix Jutra pour la musique du film "Un dimanche à Kigali", et en 2013 participe à la BO du grand succès québécois de l'année : LOUIS CYR.

Interview Jorane

Cinezik : Avant de composer pour le cinéma, vous étiez une chanteuse renommée. Comment s'est produite cette évolution de la chanson à la musique orchestrale ?

Jorane : Au tout début de ma carrière, ce n'était pas forcément de la chanson. J'ai écrit des musiques sans paroles, avec ma voix mais sans mots. Donc j'étais déjà dans l'instrumental. C'est ce qui m'inspire depuis le début. C'est ce que j'ai envie de faire, composer. Je ne viens pas du tout de l'univers de la chanson, mais de la musique, avec des thèmes, des vibrations, l'instrumentation... Evidemment, quand tu commences à chanter avec un piano, une guitare, ou un violoncelle, à un moment tu as aussi envie de chanter avec des mots et des textes. Mais j'ai aussi fait des albums en entier et des tournées partout dans le monde avec de la musique instrumentale. Donc ça allait de soi de faire de la musique de film.

Des gens m'ont approché après mon album "16 mm" car cet album-là met vraiment en avant cette dimension émotive à travers la musique, dans des couleurs très différentes. C'est "16 mm" (en écoute dans la vidéo ci-contre) qui m'a amenée à travailler avec des compositeurs comme Marco Beltrami, sur I AM DINA (2002). Cette première collaboration pour le cinéma s'est faite car le personnage de Dina jouait du violoncelle. Ce n'est que maintenant que je me dis quelle chance j'ai eu. Mais heureusement que je ne me suis pas soucié à ce moment-là de ma performance, j'y allais vraiment avec le cœur, avec l'émotion, j'y allais finalement de la façon qu'il fallait y aller pour composer de la musique, sans avoir le souci d'être à la hauteur, parce qu'on n'est jamais à la hauteur évidemment.

Au début, on venait vous chercher sur un film pour ce que l'on connaissait de vous à travers vos albums. Aujourd'hui, sentez-vous que vous êtes davantage considérée comme une compositrice de cinéma, capable de vous mettre au service des films ?

J : Oui, c'est ça. On a commencé à me demander d'être la compositrice principale d'un film au Québec, avec le film de Claude Fournier JE N'AIME QUE TOI (2004). Mais en fait, on a continué à me demander de faire du Jorane jusqu'à LOUIS CYR (de Daniel Roby, 2013). J'avais créé avec mes albums un univers que les gens recherchaient pour leurs images.

Donc vous avez franchi une étape dans votre parcours au cinéma avec LOUIS CYR ?

: Oui. Et je me suis munie d'une super équipe avec Eloi Painchaud et Tim Rideout. Il fallait prouver qu'on était capable de faire une musique pour supporter ces images là et son histoire. On a été choisi sur maquette. Il fallait faire un "pitch", on était plusieurs compositeurs à vouloir faire ce film-là. C'est le film de l'année au Québec. Tout le monde a reçu les mêmes scènes. On a mis de la musique partout sur ces scènes. On jouait ensemble tous les trois devant les images, comme un groupe. Puis c'était l'attente, et finalement on a eu le contrat. On s'est dépassé là-dessus.

Ce film qui convoque l'héroïsme d'un personnage historique réel avait besoin d'une musique d'ampleur... (en écoute dans la vidéo ci-contre)

: Avec LOUIS CYR, je pouvais aller beaucoup plus loin dans les arrangements et dans l'énergie. La commande était de faire une musique épique. Et Louis Cyr jouait du violon. On a pu introduire le violon traditionnel à travers cette musique grandiose et ses gros tambours. C'est la force et les racines. C'était vraiment intéressant de composer pour cet homme-là.

Après une carrière avec des albums personnels, comment vivez-vous la contrainte de la commande pour le cinéma ?

: Avoir une image, faire la musique pour quelqu'un d'autre, je ne vois pas cela comme une contrainte. C'est une inspiration dans l'écriture. Faire des albums pour soi-même, j'ai quand même besoin d'y retourner une fois de temps en temps, mais je ne pourrais pas faire que cela. Mon but n'est pas de ne faire que de la scène. Tout cela ne pourrait pas exister sans la base qu'est la composition, qu'est vraiment le besoin de créer quelque chose à partir d'une idée, d'une odeur, d'une image.

Comment considérez-vous la scène artistique québécoise ? Les projets ne manquent pas...

: A Montréal, ça bouge beaucoup. Il y a pleins de compositeurs, d'artistes, on dirait qu'on est une plaque tournante. J'ai l'impression qu'il y a ici une liberté. A partir du moment où on y croit, on peut y arriver. Pendant longtemps, un artiste pouvait faire une très belle carrière seulement au Québec, sans forcément aller en Ontario. Je suis allée jouer en France, en Allemagne, aux Etats-Unis, mais toujours pour mieux revenir.

Vous répétez en ce moment-même au Théâtre Rouge du Conservatoire de Montréal un spectacle de danse qui se joue en mars 2014, de quoi s'agit-il ?

: C'est un spectacle de Richard Desjardins (EMMAC Terre marine - voir et entendre des extraits dans la vidéo ci-contre) qui a écrit les textes à partir d'une légende amérindienne. Et Emmanuelle Calvé s'est chargé des chorégraphies. C'est un mélange de danse et de marionnette, de texte et de musique. Évidemment les éclairages et les décors font partie intégrante de ce spectacle. C'est un spectacle qui fait du bien à l'âme.

Et quels sont vos projets pour le cinéma ?

: Je travaille sur un documentaire à propos de l'identité québécoise. Ce sera un documentaire important pour ici. J'espère que des gens le verront. Le montage n'est pas fini. Et puis ensuite je vais travailler sur un gros film d'animation produit par la même équipe que "La légende de Sarila" (de Nancy Florence Savard, sorti en mars 2013 au Québec). C'est une histoire qui a marqué notre enfance ici. Ce sera une grosse production en 3D, qui va sûrement paraître en France aussi. Je ne peux pas en dire plus pour l'instant.

A suivre donc...

Entretien réalisé à Montréal en février 2014 par Benoit Basirico
Dans le cadre des Rendez-vous du Cinéma Québécois 2014
Merci à Alice Mazé pour la retranscription

 


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