Interview B.O : Pablo Pico, l'Afrique de ADAMA

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INTERVIEW RÉALISÉE À PARIS LE LUNDI 3 NOVEMBRE 2015 PAR BENOIT BASIRICO - Publié le 03-11-2015




Pablo Pico signe la musique du film d'animation ADAMA, premier long-métrage de Simon Rouby qu'il retrouve après son court-métrage animé "La marche" (2010).

Cinezik : Vous signez avec ADAMA votre première musique pour un long-métrage après une trentaine de court-métrages... Est-ce un grand changement ?

Pablo Pico : Ce qui change le plus c'est la durée, la possibilité qu'offre le long-métrage d'avoir des plages de musique beaucoup plus longues, et de pouvoir travailler la musique sur des durées différentes. Ça change tout pour la musique !

ADAMA est un film d'animation... ce qui est toujours un long processus ?

P.P : J'ai travaillé de manière traditionnelle pendant les quatre mois de montage. Mais j'ai suivi le film depuis les débuts car il a mis en effet beaucoup de temps à se monter. Un film d'animation est toujours un projet ambitieux ! De plus, je connaissais depuis 7/8 ans le réalisateur Simon Rouby et Julien Lilti le scénariste. J'ai ainsi pu accompagner le film moralement avant de m'y impliquer artistiquement, ce qui a aussi permis de me projeter dans cet univers.

Le film suit la trajectoire du héros, un enfant qui s'ouvre au monde moderne en guerre... Est-ce que cette gravité, cette plongée dans l'enfer, devait être présente dans la musique ?

P.P : On n'a jamais évoqué la chose de manière aussi claire, mais il me semblait effectivement qu'il y avait quelque chose d'assez grave et épique dans cette quête du personnage principal. Il y a aussi l'univers de la magie avec une certaine poésie, car tout le film est vu des yeux d'Adama. Le film évolue avec sa grille de lecture qui n'est pas du tout celle des occidentaux mais celle d'un enfant africain qui débarque de son village.

Quel a été le travail autour du thème principal, celui du voyage ?

P.P : J'ai composé les thèmes bien avant la phase de montage. Dès que j'ai vu les premières images, il m'est apparu qu'il fallait qu'il y ait un thème un peu lyrique, avec une générosité, un entrain. J'ai travaillé sur deux axes, à la fois sur les cordes, l'aspect le plus traditionnel concernant une musique de film, et de l'autre côté sur les percussions pour tout ce qui se rapporte à l'Afrique.

Etait-il question de convoquer la musique africaine traditionnelle ?

P.P : Les instruments africains sont omniprésents, il y a toujours au moins une percussion, et la scène qui ouvre le film est une scène de cérémonie rituelle. Pour cette scène, on a vraiment joué le jeu d'une musique africaine. On n'a pas forcément cherchés à faire du naturalisme, ni à être très fidèles à une tradition musicale, mais j'ai construit pour cette cérémonie une musique avec uniquement des percussions, et une petite viole monocorde malienne. C'était un travail passionnant !

Est-ce que vous vous êtes tout de même documenté pour cette partie africaine de votre travail ?

P.P : Pendant que Simon écrivait son film, on a regardé beaucoup de vidéos de films de Jean Rouch, cela nous a servi pour saisir un climat. On y voit des scènes rituelles très codées. Cela m'a servi pour choisir les instruments. Je suis aussi allé chercher mon inspiration dans des musiques de cérémonies rastafari. Simon est un gros fan de reggae et de dub, il m'a ouvert à cette musique que je ne connaissais pas vraiment. Je suis allé chercher l'inspiration dans des rythmiques assez lourdes, monolithiques, répétitives, pour suggérer le poids de la tradition.

On entend aussi une flûte qui est jouée par un des personnages dans le film...

P.P : Il fallait trouver l'instrument de ce personnage de griot. On s'est mis d'accord sur une flûte peule. J'ai enregistré des maquettes moi-même à la maison avec une flûte peule, puis ensuite j'ai travaillé en studio avec Ali Wagué, un immense joueur de flûte peule, qui nous a apporté toute sa science de l'instrument.

Vous êtes multi-instrumentiste, vous avez aussi joué la plupart des instruments de votre partition ?

P.P : J'aime bien qu'il y ait une part de fabrication artisanale dans ma musique, j'aime bien aller chercher sur les instruments une matière. Je suis percussionniste à la base, donc j'ai maquetté beaucoup de percussions. J'en ai jouées ensuite en studio avec Nicolas Montazaud, grand percussionniste. J'ai aussi joué du violon alors que je ne suis pas violoniste. Je m'en suis servi pour fabriquer des textures.

La musique de film est aussi un travail collectif. Il y a donc les instrumentistes que l'on vient de citer, il y a aussi Mathieu Alvado pour la direction d'orchestre...

P.P : Il a dirigé l'orchestre et il a aussi été d'un conseil très précieux pour l'orchestration. Soumettre la partition à un ami un peu plus détaché qui a une connaissance de l'orchestration c'est assez précieux, même si je compose et orchestre moi-même...

Aussi, le rappeur Oxmo Puccino pose sa voix en générique de fin...

P.P : Il intervient dans le film puisqu'il prête sa voix à un personnage. Et il était aussi question d'utiliser ses talents de poète et de rappeur pour fabriquer une musique de générique de fin. On s'est rencontré à la toute fin du processus, c'était une belle rencontre humaine et aussi artistique. Il a écrit un texte superbe qui résume le film, qui est sa lecture du film, et qui nous a permis d'ouvrir des perspectives en fin de film.

Ce film témoigne au delà de la musique d'un travail méticuleux sur le son... C'est Yann Volsy qui est le créateur sonore... Y a-t-il eu une collaboration entre vous ?

P.P : C'est un ami. Il est aussi compositeur de musique, donc il comprend assez bien les désirs des compositeurs, leurs besoins. On a ainsi pu dialoguer. Ce qui n'est pas évident dans le cinéma où les taches sont souvent cloisonnées. Chacun était en charge de sa partie, mais il y a pu y avoir des aller-retours entre le son et la musique.

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