Interview Robin Foster / Farid Bentoumi : GOOD LUCK ALGÉRIA

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- Publié le 02-04-2016




Compositeur anglais, ancien guitariste du groupe Beth, installé en Bretagne depuis 1997, Robin Foster signe avec GOOD LUCK ALGERIA la musique de son premier film français après s'être fait connaitre auprès de l'anglais Sean Ellis en 2013 pour METRO MANILA (qu'il retrouvera en 2016 avec ANTHROPOID). Rencontre avec le compositeur et le réalisateur Farid Bentoumi.

Interview Robin Foster / Farid Bentoumi

"On a voulu faire notre Rocky, avec la guitare électrique pour les émotions du personnage".

 

Cinezik : Robin, comment êtes-vous intervenu sur ce projet français ?

Robin Foster (à gauche sur la photo) : C'est le compositeur ROB qui devait travailler dessus qui m'a recommandé. Les producteurs voulaient quelque chose de plus anglais, ils sont fans de la pop anglaise. De plus, une des musiques temporaires mis au montage pour la scène de taxi était un des morceaux clés du film METRO MANILA. Je suis ainsi arrivé assez tard sur ce film, il était déjà monté, et des musiques étaient déjà présentes, notamment les titres préexistants employés pour soutenir l'humour et le côté vivant du film. Mais il y avait besoin d'un contraste émotionnel, c'est ce que j'apporte par ma musique.

Farid, comment avez-vous trouvé la cohérence entre la musique originale de Robin et les musiques préexistantes ?

Farid Bentoumi (à droite sur la photo) : Il était important qu'il y ait du rythme dans le film, c'est compliqué le ski de fond, c'est un rythme très lent, et lorsqu'il y a des moments d'enjeux et de compétition, il était amusant d'avoir de la musique préexistante rythmée, également pour soutenir la comédie. Mais pour les moments de doutes et d'émotion du personnage, il était bien qu'une musique l'accompagne. Il fallait l'accompagner délicatement, je ne voulais pas appuyer l'émotion, d'être insistant, c'est pour cela que j'ai travaillé avec Robin sur une musique assez épurée et discrète. Pour moi, la meilleure musique au cinéma est celle qu'on n'entend pas. Quand les gens sortent d'un film en disant qu'ils ne se souviennent plus de la musique, pour moi c'est parfait ! Les gens sentent qu'il y a un accompagnement musical mais ils ne l'ont pas identifiés. C'est pour moi le travail d'une musique originale. Je ne pense pas qu'une musique originale puisse remplir le même rôle énergique qu'une musique préexistante, notamment pour le générique de début où il fallait que les spectateurs rentrent dans le film avec une musique "pêchue". Car la force d'une musique pré-enregistrée est qu'elle est bouclée, elle a été pensée ainsi, avec un début et une fin, un rythme propre, elle est plus précise quelque part. Alors que la musique originale sait s'effacer, partir et revenir, elle suit l'image, c'est beaucoup plus fin comme travail, et en même temps inachevé, plus ouvert.  

Robin, parlez-nous de vos choix instrumentaux...

R.F : Dans METRO MANILA (Sean Ellis, 2013), toutes les scènes de paysages étaient illustrées avec des instruments acoustiques, et dès qu'on était dans la ville c'étaient des instruments électriques. On retrouve ici ce mélange entre un "Steel Drum" (percussion qui se joue avec un bâton) que j'ai utilisé pour les moments de ski et la guitare électrique qui fait penser à "Rocky" lors des moments d'entrainement. On voulait faire ce clin d'oeil de façon subtile sur 2/3 scènes.

La guitare est votre instrument de prédilection ?

R.F : Je trouve toujours l'inspiration en jouant à la guitare. Dans METRO MANILA, il y a de la guitare partout, mais on n'y fait pas forcément attention, je ne la joue pas de manière traditionnelle.

L'Algérie n'est jamais convoquée dans la musique...

R.F : La musique demeure en effet très européenne. Il n'y a pas de musiques traditionnelles algériennes. On est sur quelque chose d'assez pop. On a essayé de garder cet esprit. Il y a juste une allusion au tout début du film lorsque les enfants jouent en Algérie, dans le passé. Mais sinon il y a quasiment que de la guitare. Farid ne voulait pas proposer quelque chose de traditionnelle. Il n'y a pas de raison de ne pas avoir de guitare électrique en Algérie.

F.B : Dès le début avec Robin, on s'est dit qu'il était hors de question de faire un retour au bled avec de la musique orientale. C'est pour cela que la musique de retour est une musique qu'il a composée à l'occidentale. Robin est anglais, il vit en Bretagne, il n'allait pas mettre du Oud ou du Darbouka dans sa partition. Il a donc mis sa guitare électrique comme il sait le faire. Sa musique suit le héros, et l'énergie du héros est occidentale, il a grandi à Grenoble. Sa façon de vivre et ses émotions sont occidentales, il y a une cohérence.

Comment avez-vous convoqué le genre de la comédie ?

R.F : Pour moi c'est un film très poétique. L'humour est à côté. Le film est surtout une bataille de quelqu'un qui veut sauver sa famille. C'est très émotionnel même si on rigole beaucoup. C'est un film très optimiste. C'est un "Feel Good Movie", mais il a un côté poétique et réaliste. Le plus dur était de bien gérer le silence, de ne pas être tout le temps en avant. Les scènes où j'interviens sont des scènes où le personnage est tout seul. La musique joue le thème de Sam. Il n'y a pas de musique quand le personnage n'est pas sur l'écran. C'est le côté humain qu'apporte la musique.

L'emplacement était très précis en amont ?

R.F : Au départ, il n'y avait pas de musique au début du film, on l'a ajoutée à la dernière minute. Mais sinon tous les emplacements étaient bien définis. Farid savait très bien ce qu'il voulait.

Comment voyez-vous la suite de votre carrière ?

R.F : Je reste sur un registre assez spécifique, on ne va pas me demander de faire le prochain Pirate des Caraïbes. Mais quand il s'agit de réalisateurs qui cherchent une certaine émotion, j'ai vraiment envie de le faire. J'ai aussi la chance de pouvoir choisir, j'ai envie de faire davantage de films, mais sur des projets qui me touchent. Pour GOOD LUCK ALGERIA, au départ quand on m'a proposé le film, je me suis demandé ce que je pouvais faire sur un film de ski, mais au final ce n'est pas un film sur le ski, c'est avant tout un film humain.

Que pouvez-vous nous dire sur vos retrouvailles avec Sean Ellis sur ANTHROPOID que vous venez tout juste de terminer ?

R.F : L'histoire n'a rien à voir avec METRO MANILA notre précédente rencontre, mais il y a des similitudes dans la façon de faire le film. Il a gardé sa patte au niveau des émotions. C'est un film de guerre avec des guitares. On m'a proposé de le faire avec un orchestre, mais je n'ai pas voulu tomber dans le cliché. Au final c'est un film de guerre très original. Pour ce film, j'avais déjà lu le scénario et j'avais commencé à travailler sur la musique en amont. J'avais dans l'idée de faire un peu comme Sergio Leone et Morricone, de faire la musique pour le tournage. Le thème principal du film a été conçu avant que le film soit réalisé. Quand j'ai vu le premier montage, la seule musique qui était dans le film était ce morceau qui colle parfaitement. On a basé tout le reste de la BO là-dessus, sur cette première impulsion.

On se retrouve alors pour ce film très bientôt (peut-être à Cannes dans un mois ?)...

 

Interview réalisé à Paris en mars 2016 par Benoit Basirico

 


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