Interview Amos Gitai / PLUS TARD, TU COMPRENDRAS : 'La musique ne doit pas être l'illustration de l'image'

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Interview réalisée à Paris le 8 janvier 2009 par Benoit Basirico - Publié le 08-01-2009




Réalisateur israélien engagé, Amos Gitai travaille la musique avec Jan Garbarek pour KIPPOUR, Simon Stockhausen pour DESENGAGEMENT, ou encore Louis Sclavis pour PLUS TARD, TU COMPRENDRAS, film avec Jeanne Moreau sur la question juive et la mémoire de la Shoah.


Cinezik : Quel fut le travail d'adaptation du roman de Jérôme Clément ?

Amos Gitai : C'est un texte que Jérôme Clément m'a fait lire, je l'ai trouvé très bien, émouvant, fort, convaincant... Je crois que le rapport entre le cinéma et la littérature est toujours compliqué, c'est à dire que le cinéma ne doit pas être illustratif par rapport au texte, c'est comme une sorte de medium autonome, il n'y a pas de raisons que le cinéma devienne une simple illustration, c'est un dialogue entre deux medium, l'un plus iconographique, l'autre plus textuel. Je crois qu'il y a toujours, dans chaque film que j'ai fait qui a été inspiré d'un texte, des recherches d'aller au sens profond d'un texte et de chercher l'équivalent cinématographique. Et comme PLUS TARD, TU COMPRENDRAS touche le non-dit, l'élément entre les générations qui n'a pas été transmis, je cherchais cette dimension de mise en scène afin de construire des situations dans lesquelles il n'y a pas de transmissions mais où l'on transmet quand même. 

Dans tous vos films comme celui-là les séquences d'introduction sont très importantes... (on se souvient des corps enlacés dans la peinture dans KIPPOUR, le couple qui s'embrasse dans le train dans DESENGAGEMENT)...

Je suis architecte de formation, je crois que les buildings réussis sont ceux où l'espace d'entrée aide les personnes qui entrent à faire la transition, si le building nous fait entrer directement dans un autre espace sans cet espace méditatif qui doit faire la transition, il est souvent raté. Je crois que dans le cinéma aussi, c'est à dire que cette porte avec laquelle on rentre et le hall d'entrée, qui correspond au premier plan du film, aident à installer le sens, l'esprit du film.

Concernant l'architecture de vos films, et la question du non-dit, la musique joue un rôle important, et après Jan Garbarek pour KIPPOUR, Simon Stockhausen pour DESENGAGEMENT, vous travaillez avec Louis Sclavis pour PLUS TARD, TU COMPRENDRAS.

Sclavis avait déjà fait la musique KADOSH avec ce magnifique motif de clarinette, et là je lui ai reproposé, il m'a donné des esquisses que j'ai écoutées chaque jour dans la voiture lors du tournage, c'est une note musicale qui restait dans ma tête. Je crois que cela m'a aidé à rester concentré. 

Une valse permet dans le film de faire le lien entre deux moments temporels, d'installer un flashback, quelque chose de proustien, le compositeur a t-il composé cette valse avant le tournage afin d'imprégner ce dernier ?

Je lui ai dit que je voulais une valse, il me l'a proposé, et j'ai tourné avec cette musique, je l'ai faite écouter aux comédiens. C'est un cas particulier où ils entendent la musique, parfois je les fais monter dans ma voiture pour leur faire écouter un peu de musique et leur faire sentir l'esprit.

Quels sont vos goûts musicaux ? On entend Gustav Malher dans EDEN, mais aussi un mélange de jazz, de classique, de musiques traditionnelles...

... et parfois du rock, comme dans FREE ZONE, il y a du rock israélien. J'aime des musiques assez variées, mais c'est vrai que j'adore Malher, Bach, les musiques classiques instrumentales, mais j'aime aussi beaucoup Victoria de Los Angeles, ... et Barbara Hendrix qui jouait dans DESENGAGEMENT.

Quel est pour vous le rôle de la musique dans vos films ?

Pour moi la musique est une chose autonome, comme lorsque je dis que le cinéma n'est pas une illustration du texte, la musique ne doit pas être l'illustration de l'image, il faut qu'elle crée un dialogue avec elle, elle peut aller contre l'image, la charger de signification, mais surtout pas illustrative.

Chacun de vos films est autonome, avec son propre chef opérateur et compositeur... vous n'avez pas de fidélité ?

A chaque film il y a un directeur de photo (Caroline Champetier, Henri Alekan, Renato Berta), et il y a aussi des sonorités que je trouve juste pour un film en particulier. Chaque film ne se ressemble pas, c'est une série de variations sur un thème, une sorte de fantômes qui m'inspirent, et entre cette série de thèmes il y a l'élément musical qui renforce ou qui construit une opposition. Si on met de la musique classique, instrumentale, sur un film complètement moderne, on va donner une autre interprétation, on peut travailler avec toute cette série de cohésions, et c'est plutôt fascinant... Moi j'aime bien les compositeurs.

Interview réalisée à Paris le 8 janvier 2009 par Benoit Basirico

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