Interview B.O : Philippe Rombi, L'AMANT DOUBLE de François Ozon

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Propos recueillis à Cannes en mai 2017 par Benoit Basirico - Publié le 28-05-2017

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Avec L'AMANT DOUBLE (en compétition, Cannes 2017), Philippe Rombi retrouve François Ozon une douzième fois sur ce thriller fantastique avec une partition physique, en tension, avec des passages electro-acoustiques aux aspects horrifiques, une radicalité surprenante chez le tandem, la meilleure B.O de la compétition cannoise 2017 (extraits à écouter dans la vidéo) !

Interview Philippe Rombi

Cinezik : A quel moment avez-vous découvert la direction prise par François Ozon avec ce nouveau film ?

Philippe Rombi : Comme habituellement avec François, le premier contact que j'ai avec le film est le scénario. Il ne me dit rien à ce moment-là, il veut me laisser réagir à la lecture et le rappeler. Donc j'accueille toujours ses nouveaux scénarios avec une grande excitation et une grande curiosité. Je me demande ce qu'il va me réserver encore cette fois. J'ai fait tellement de choses différentes avec lui que je me dis qu'il est capable de tout. Donc j'ai reçu ce scénario, je l'ai lu et j'ai ressenti des choses que je n'avais pas encore ressenties dans ses films.

Quelle a été l'intention musicale ?

P.R : François Ozon avait envie de choses différentes, un peu plus d'électroniques, des nappes un peu moins définies, pourquoi pas un thème mais ce n'était pas aussi évident que par le passé. J'ai ressenti très vite que pouvaient cohabiter avec l'electronique des textures de cordes plus atonales, plus du domaine de l'effet, une vraie dynamique que pouvaient donner de vrais instruments à l'intérieur de ces nappes électroniques. Je ne savais pas encore au départ quelle part allait prendre l'acoustique sur l'électronique, mais je sentais que les deux pouvaient donner quelque chose d'intéressant, plus originale que de tapisser le film de simples nappes comme on le fait beaucoup aujourd'hui, alors même que ce film s'y prêtait. J'ai eu l'impression à lecture, comme souvent avec François, qu'il y avait plusieurs lectures, plusieurs ramifications, à l'intérieur de cette histoire, ce qui fait que la palette musicale peut être plus large.

Cette partition est en effet votre moins mélodique...

P.R : J'avais quand même glissé un ou deux thèmes dans mes premières propositions, dont un qui est encore présent très discrètement. Ce n'étaient pas des thèmes comme dans "Une nouvelle amie", "Dans la maison", ou comme "Jeune et jolie", qui étaient là pour être très marquants, très "chantables", mais là le nouveau film ne se prêtait pas à ça.

L'AMANT DOUBLE joue à certains moments avec le cinéma d'horreur... comment avez-vous traduit cet aspect du genre ?

P.R : Le film joue en effet avec les frontières du film de genre, le piège aurait été de basculer dans le film de genre totalement, d'être un peu cliché à la fois dans la mise en scène et dans la musique. Donc on a beaucoup travaillé pour essayer d'être toujours à la frontière. Il y a des moments de panique, d'horreur, de frayeur, où la musique aurait pu basculer totalement dans la musique de genre, mais elle caresse ce genre sans l'épouser complétement. Malgré tout, c'est une musique qui dérange, dissonante, atonale, qui est faite de textures de cordes d'orchestre que j'ai superposées, que j'ai retravaillées chez moi. Et en même temps, ce n'est pas non plus un exercice de style de film d'horreur. On aurait pu être beaucoup plus gothique avec des voix, des chœurs, pourquoi pas des Tubular Bells. Il y a à la fois le côté contemplatif du début, puis un côté plus enquête et thriller avec du suspens, et aussi un côté gore plus dérangeant, plus organique. C'est clinique aussi, finalement la musique n'allait pas dans un seul sens, c'était là tout notre travail.

Comment avez-vous travaillé l'instrumentation électronique que vous employez pour la première fois aussi loin ?

P.R : Au fil des années, je me suis intéressé à l'électronique, je me suis mis à chercher des sons. J'ai beaucoup de respect pour les gens qui font de la musique électronique car il n'y a pas de mauvaises musiques. Pour que ce soit bien fait, il faut juste travailler, il faut du goût, de l'oreille, du cœur, dans tous les styles de musique. Après évidemment, les études musicales, les formations classiques, apprendre à écrire pour orchestre, cela demande des années d'études et de travail, ce que j'ai fait, mais la musique électronique exige aussi du travail, certains ont étudié les synthétiseurs depuis leur enfance, ils vivent avec ce son, c'est une culture. Ainsi, j'ai beaucoup d'humilité quand je caresse cette palette là. J'y vais avec respect, j'y travaille sérieusement. Je me suis préparé comme un peintre prépare une palette, je prépare un éventail de choses prêtes à l'emploi. Une fois que j'ai vu les images, j'ai commencé dans mon petit laboratoire à agencer les sons. Il y a un morceau où il y a peut-être 12 sons de cordes synthétiques que j'ai mélangés, que j'ai égalisés, triturés, pour donner un son volontairement faux, pas comme un sample de vrais cordes, je voulais un son nouveau. Comme un alchimiste, je me suis mis dans ma bulle. Le vrai but est de trouver la recette qui marche avec le film, c'est le défi que j'aime à chaque fois, ce que soit des comédies, des drames, ou des thrillers, c'est de trouver la bonne couleur... quand on me dit en sortant du film qu'on n'imagine pas le film avec autre chose, c'est la meilleure récompense !

 

Propos recueillis à Cannes en mai 2017 par Benoit Basirico

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