Interview Alexis Rault / NOS ANNÉES FOLLES de Téchiné, le romanesque et la féerie du cabaret

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Propos recueillis par Benoit Basirico - Publié le 03-06-2017

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Le Festival de Cannes 2017 rendait hommage au cinéaste André Téchiné en présentant son dernier film, NOS ANNÉES FOLLES, pour lequel il retrouve son compositeur Alexis Rault après "Quand on a 17 ans" (2016), sur histoire d'un travestissement dans le Paris des années folles, avec la musique des cabarets. 

 Interview Alexis Rault à propos de QUAND ON A 17 ANS



Interview Alexis Rault

Cinezik : Vous retrouvez André Téchiné après "Quand on a 17 ans", en quoi cette collaboration a évolué ?

Alexis Rault : Contrairement au précédent film où je suis intervenu tard, la musique a été faite ici à 80 % avant le tournage. Le réalisateur a voulu mettre en scène son histoire dans un spectacle de cabaret. La musique intervient lorsque le spectacle se déroule. La musique du film, c'est le spectacle de cabaret. Il n'y a pas une musique qui viendrait guider le spectateur dans son émotion. C'est uniquement une musique qui vient illustrer chaque séquence de cabaret. J'ai travaillé bien avant le tournage sur le scénario, en collaboration avec une chorégraphe. J'ai ensuite ajusté en fonction du montage.

Pour cette musique du cabaret, André Téchiné a t-il pensé à un moment convoquer des musiques d'époque ?

A.R : Au tout début, André ne savait pas ce que serait cette musique, ni que ce serait uniquement la musique du cabaret. Quand je lui ai demandé s'il envisageait d'utiliser des musiques préexistantes d'époque, il m'a répondu que c'était paresseux, qu'on valait mieux que ça. Il était impossible pour lui de ne pas essayer une création originale. C'est l'audace de Téchiné, il s'ennuie s'il n'est pas audacieux. Il est toujours dans le doute et la recherche, il veut aller plus loin.

Aviez-vous tout de même des références ?

A.R : Il n'avait pas peur de l'anachronisme. Il n'avait pas peur que ce ne soit pas exactement la musique de l'époque. Il n'y a chez lui aucun académisme, aucun purisme. Il y a toujours le point de vue d'une personne de 2017. Et le fait qu'il demande à un jeune compositeur de 35 ans comme moi de faire une musique des années 20, cela explique la raison pour laquelle il ne prend pas de musique d'époque. Je me suis bien sûr documenté, j'ai écouté des choses, parce que je n'étais pas du tout familier de ces musiques, mais il n'y avait pas vraiment de références de sa part. Il y a dans le film une marche militaire, une valse, un tango, une pièce lente plus romanesque, et il y a un ragtime pour les chorégraphies. Il y avait juste son envie qu'il y ait un saxophone soprano qui soit important dans la B.O.

Votre musique est celle du tournage, sur laquelle se basent les chorégraphies ?

A.R : En effet, la musique écrite en amont n'a pas énormément bougé par la suite. Comme ce sont des musiques censées être jouées dans le cabaret, on oscille entre des moments très réalistes, où l'on est obligé de coller avec ce que l'on voit à l'image, et des moments où l'on quitte le réalisme pour sortir du cadre, et apporter un peu de rêverie, de magie et d'intensité. On voulait dans les séquences de cabaret qu'il y ait du romanesque et de la féerie. Mais l'idée était quand même de faire une bande-son qui ne prenne jamais le pas sur l'image, qu'elle soit toujours cohérente avec l'image et qui reste réaliste avec l'idée du cabaret. Il y a donc toujours très peu de musiciens, avec un quatuor à cordes, un banjo, un bandonéon... Cela me va bien car j'aime bien travailler avec des petites formations, c'était en tout cas en cohérence avec le film.

Comment le cinéaste considère sa collaboration avec le compositeur ? Vous laisse t-il une grande liberté ?

A.R : Il ne veut pas se contenter de dérouler son savoir-faire, qui est pourtant gigantesque, il aime quand on n'est pas d'accord avec lui, cela lui permet de chambouler un peu ce qu'il avait prévu. Il aime bien qu'on propose des choses, qu'on défende son point de vue. On a un cadre très précis, on est extrêmement guidé, mais en même temps là-dedans il aime bien qu'on puisse lui proposer des choses. Il n'a pas peur de l'échec, il n'a pas peur de l'audace, c'est ce qui est génial pour tous les gens qui travaillent avec lui. Il attendait de moi que je le guide un peu, qu'on aille vers des choses auxquelles il n'avait pas pensé.

Et c'est un avantage d'avoir déjà travaillé avec lui une première fois ?

A.R : Quand on se connait, on peut se permettre beaucoup plus d'audace, on a moins peur de l'échec. Je n'avais pas peur de rater des choses, je savais que globalement j'avais sa confiance. Même si des choses ne marchent pas, ce n'est jamais inutile d'essayer.

Malgré sa grande carrière derrière lui honorée au Festival de Cannes, il semble être toujours dans une démarche moderne, actuelle ?

A.R : J'oublie que c'est quelqu'un de 74 ans. Il est tellement moderne, même dans les sujets qu'il aborde, dans sa façon d'être. La modernité, c'est un état d'esprit. Il est moderne non par jeunisme, mais parce qu'il est profondément comme ça. J'ai l'impression que c'est le réalisateur le plus jeune avec lequel j'ai travaillé. J'en oublie même que Philippe Sarde a fait 20 films avec lui avant moi. D'ailleurs, s'il ne travaille plus avec lui, c'est qu'il ne voulait pas que je sois dans son sillon. Que ce soit pour les acteurs Pierre Deladonchamps et Céline Sallette ou même sa monteuse qui a mon âge, il a besoin de s'entourer de jeunes pour rester lui-même dans une certaine fraîcheur. Même quand il a reçu son hommage de la part de Thierry Frémaux à Cannes, il a pris ça comme un encouragement à faire d'autres films.

 

Propos recueillis par Benoit Basirico

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