Interview B.O : Laurent Perez Del Mar à la quête du fils disparu dans MON GARÇON

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Propos recueillis par Benoit Basirico - Publié le 19-09-2017




Laurent Perez Del Mar signe la musique du thriller de Christian Carion et succède à Philippe Rombi, Clint Mansell et Ennio Morricone dans l'oeuvre du cinéaste.

Interview Laurent Perez Del Mar


Cinezik : Dans MON GARÇON, Guillaume Canet est à la recherche de son fils disparu, peut-on parler d'un thriller ?

Laurent Perez Del Mar : Oui, dans la mesure où le spectateur est plongé dans une tension croissante et extrême pendant tout le film.

Comment s'est passée la rencontre avec Christian Carion ?

L.P : La rencontre avec Christian Carion s'est déroulée d'abord par téléphone. La production m'a appelé pour me demander si j'étais intéressé de signer la musique de ce film. Il m'ont envoyé le film et ensuite j'ai eu Christian au téléphone. Il s'agissait d'un "casting" avec trois compositeurs, et ils ont apprécié ma proposition.

Quels éléments aviez-vous pour votre inspiration, ce sont les images ?

L.P : Oui, à partir du moment où j'ai commencé à travailler sur le film, j'avais les images. J'ai laissé faire les sentiments que j'ai eu quand j'ai vu le film. J'ai eu envie d'un souffle, de lyrisme. Assez simplement j'ai essayé de coller le plus possible à l'état d'esprit du personnage interprété par Guillaume Canet. Le personnage va sombrer dans une forme de folie, de paranoïa, voire de violence jusqu'à l'extrême. J'ai donc suivi ce cheminement intellectuel et psychologique du personnage principal. C'est ainsi que j'ai procédé.

Tout comme Christian Carion, c'est votre premier thriller, après des films d'animation comme "La Tortue rouge", des combats de femme comme "Maintenant ou jamais" et "Carole Matthieu", ou encore la comédie avec "Tout pour être heureux"... Qu'est-ce que cela change pour un compositeur d'aborder le genre du thriller ?

L.P : Au niveau de l'écriture, ça change pas mal de choses car on peut se permettre d'être dans l'étrangeté, on peut se permettre d'essayer des mélanges de textures très sombres. C'est vraiment un travail que j'ai beaucoup aimé. Et c'est très inspirant quand on s'attaque un nouveau style de film, d'autant qu'ici c'est une expérience cinématographique inédite pour le spectateur.

Il y a un réalisme dans le film, avec un sentiment de temps réel, on pourrait penser au départ que le réalisateur ne souhaitait pas de musique, est-ce que la nécessité de la musique est apparue aussitôt ?

L.P : C'est vrai qu'au départ, quand on m'a présenté le projet, ils m'ont dit que le réalisateur ne voulait qu'une musique au début du film et une musique à la fin du film. Quand j'ai vu le film, et que j'ai eu Christian au téléphone, il paraissait assez évident qu'il fallait en mettre un peu plus. Sans musique, le film aurait été plus âpre. C'est ce que je lui ai donc proposé, de mettre beaucoup plus de musique que ce qui était prévu initialement, mais de la rendre aussi discrète que possible au moment où elle devait l'être, et avec un peu plus d'emphase à d'autres moments. Il était conquis par mes propositions et la relative discrétion de la musique, comme pour les moments où on appuyait un peu plus l'émotion du spectateur.

Votre musique est du point de vue du personnage du père, mais à quel niveau vous marquez la présence de l'enfant...

L.P : Je suis père de trois enfants, donc je me suis beaucoup plus investi dans le personnage de Guillaume que de la pensée de l'enfant. L'enfant, on n'y pense en filigrane pendant tout le film, car c'est ce après quoi tu cours, mais ce n'est pas le point de vue que j'ai choisi de traiter.

Il y a tout de même par certaines mélodies tendres l'attachement au fils et à la présence familiale. Quel était votre travail de couleurs et de thèmes ?

L.P : Pour moi ce sont les deux composantes importantes de la musique de film. J'ai toujours quasiment une approche thématique quand j'écris de la musique. C'est très important. Je ne dénigre pas du tout des partitions plus proches de la texture, du sound design, mais mon approche personnelle est thématique, et après l'écriture du thème, trouver la bonne couleur et les bons instruments pour chaque film.

Pour son précédent film, Christian Carion a fait appel à Ennio Morricone, est-ce qu'il vous en a parlé lors de votre collaboration ?

L.P : Il a eu la délicatesse de ne pas trop m'en parler, car j'ai déjà subi une énorme pression quand j'ai compris qu'il avait travaillé avec Morricone sur son dernier film, on n'en a parlé qu'une fois que l'avancement de la musique était abouti. C'était pour me parler d'anecdotes rigolotes. Mais on n'a pas fait de comparatif, d'autant qu'avec cette partition je me suis éloigné de quelques styles que ce soit.

Dans la méthode, Ennio Morricone a travaillé très très peu en collaboration, il a livré sa musique et après le réalisateur se les ai approprié. J'ai l'impression qu'avec vous Christian Carion a retrouvé un type de collaboration plus classique...

L.P : C'est en tout cas ce que j'aime dans ce métier, discuter avec le réalisateur, faire des réunions, parler du film et des personnages, des méandres psychologiques. C'est ce qui m'intéresse le plus dans mon métier, je ne pourrais pas me priver de ces discussions.

Comme la musique de "La Tortue rouge", celle de MON GARÇON ménage beaucoup de moments de silence, l'emplacement de la musique est minutieux, sans surcharge...

L.P : Ce qui crée le relief dans un film, c'est souvent l'alternance entre le silence et la musique. Dans "La Tortue rouge", comme "Mon garçon", c'était très important pour moi de trouver le bon rythme narratif pour la musique, et le bon rythme narratif passe souvent par le respect du silence. Le silence dans certaines situations peut mettre beaucoup plus de pression sur un spectateur qu'une musique si tendue et dissonante soit-elle.

Votre travail est essentiellement acoustique, y a-t-il tout de même une présence électronique dans votre travail, notamment au stade de la maquette ?

L.P : J'ai fourni sur "Mon Garçon" des maquettes très précises. La seule différence entre les maquettes et la musique définitive est l'enregistrement des cordes. Et même sur les maquettes, les cordes sont très proches du réel. Ce sont de vrais orchestres échantillonnés. Donc le réalisateur a une idée très précise de ce qu'il va pouvoir entendre après l'enregistrement.

Assistez-vous au mixage ? Très souvent, le compositeur découvre sa musique transformée à ce stade, il semble que pour "Mon garçon", la musique a été bien traitée...

L.P : La musique doit être à sa juste place. J'assiste au mixage des films dont je signe la musique dans la mesure du possible. Quand j'écris la musique d'un film, elle doit être à un certain niveau, ni trop fort ni trop faible. Et je suis plus souvent obligé de demander à ce qu'on la baisse plutôt que de la faire monter par le mixeur. Il faut juste qu'elle soit à sa place, c'est tout.

 

Propos recueillis par Benoit Basirico

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