Interview B.O : Erwann Chandon, la musique d'UNE ANNÉE POLAIRE illustre la rencontre entre deux civilisations.

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Propos recueillis à Paris par Benoit Basirico - Publié le 30-05-2018




Erwann Chandon signe la musique du film UNE ANNÉE POLAIRE (en salles le 30 mai 2018) que Samuel Collardey a tourné en danois au Groenland avec une partition qui mêle le lyrisme (avec cordes, bois, cuivres) pour les paysages enneigés et l'authenticité d'instruments locaux (flûtes, percussions) pour la partie plus documentaire.

Cinezik : UNE ANNÉE POLAIRE est le premier long-métrage pour lequel vous écrivez la musique, est-ce si différent par rapport au court-métrage ?

Erwann Chandon : J'ai l'impression que ça n'a pas changé beaucoup de choses, si ce n'est que la dose de musique est un peu plus longue, mais dans la démarche il y a une même réflexion sur l'image et le sujet. C'est comme un court mais en long, avec une analyse des intentions puis la composition.

Comment s'est produite la collaboration avec Samuel Collardey ?

E.C : Il a fait appel à moi car il avait entendu des choses assez amples que j'avais composées, notamment dans l'écriture pour cordes, et il avait besoin de cela pour ses images de paysages du Groenland. Mes maquettes lui ont plu et lui a laissé la possibilité d'entrevoir un paysage musical à la hauteur de ses images.

A quel moment êtes-vous intervenu ?

E.C : Je suis intervenu très tard sur le projet, le film était déjà tourné et monté. Le réalisateur et le monteur avaient déjà une idée très précise des endroits où ils voulaient de la musique. C'est un film qui ne nécessitait pas beaucoup de musique mais quand il en faut, il en faut vraiment. Il y a des moments de contemplation. Quand je suis intervenu, on a tout de suite vu le type de musique et d'ampleur orchestrale qu'il fallait. Avec des paysages aussi beaux, aussi monochromes, où tout est blanc et figé, il fallait trouver dans la musique comment donner le ton d'une simplicité. On peut écrire sur une page blanche ce que l'on veut, le paysage du Groenland est tellement glacé que l'on peut lui faire dire ce que l'on veut. On voulait lui faire exprimer l'authenticité de la relation entre cet instituteur et le petit garçon.

Vous n'avez pas eu peur d'assumer le lyrisme...

E.C : Il a fallu tout de même être prudent. Certes, il y avait besoin d'un certain lyrisme, mais l'histoire est tellement authentique, les comédiens qui jouent les personnages ont vraiment vécu l'histoire. Il n'y a pas d'emphase dans leur jeu, tout est très authentique. Samuel Collardey était attaché au réalisme de la situation. Il ne fallait pas du tout aller détériorer cela, notamment dans les moments de dialogues et d'échanges entre les personnages. Mais néanmoins, il fallait chercher la petite émotion derrière l'authenticité de la relation, aller chercher du lyrisme sans déborder. Je leur disais tout le temps d'aller un peu plus loin. Pour le grand écran, avec des images aussi belles, il fallait oser chercher quelque chose de plus ample, qui fasse appel à quelque chose de plus physique quand on est dans la salle, qu'on reçoive physiquement les ondes de la musique.

Cette musique lyrique illustrant les paysages du Groenland s'accompagne de sonorités plus locales. Comment conjuguer l'ampleur romanesque avec l'aspect plus documentaire ?

E.C : On est allé chercher dans la musique traditionnelle groenlandaise. Je me suis renseigné sur les instruments utilisés, pour proposer une musique qui leur ressemble, qu'elle soit actuelle ou traditionnelle, liée au chamanisme. Ce sont essentiellement des tambours, des chants gutturaux, et des flûtes, des petites flûtes taillées dans l'os avec des bouts aplatis qui rendent le son assez aigu. On voulait s'imposer cette contrainte de respecter la musique traditionnelle du Groenland. Il a fallu trouver des magasins qui vendent ces instruments, un tambour avec une peau de phoque, des flûtes... Il a fallu se renseigner et mener une enquête sur la musique traditionnelle groenlandaise. Mais même quand la musique part dans des choses plus orchestrales qui fait référence à notre tradition, même dans ce lyrisme, il y a une simplicité mélodique liée à la musique traditionnelle groenlandaise.

Cette partition double illustre la confrontation entre deux cultures...

E.C : En effet, les percussions participent au combat entre la musique occidentale et la musique traditionnelle groenlandaise. Le quatuor à cordes et les cuivres nous rassurent par leur familiarité, puis interviennent des musiques plus lointaines, celles des tambours, ou d'une flûte seule. L'idée était de conjuguer des sons brutes avec le reste de la musique du film, et faire en sorte que le dernier morceau soit la grande rencontre entre les deux civilisations.

On entend aussi un travail sur la mélodie ?

E.C : Je suis très attaché à la mélodie dans la musique de film et je trouvais qu'il fallait donner une voix à la rencontre, avec un thème joué à la flûte assez fragile, et repris à l'orchestre. Ce thème m'a servi à construire tout le dialogue entre les deux civilisations. L'idée de la mélodie a séduit très rapidement le réalisateur. Il a apprécié qu'on puisse identifier très rapidement le personnage, tout en restant très discret.

Enfin, qu'en est-il du choix d'une chanson finale qui clôture le film, "Giant in a Shell" ?

E.C : C'était une volonté dés le départ de Samuel Collardey d'avoir une chanson à la fin du film, comme il l'avait fait sur son précédent film "Tempête". Je lui ai donc présenté Mylène Ballion qui a composé et interprété cette chanson. Elle lui a fourni une maquette qu'elle avait faite juste en voyant le film. Il a été séduit par son côté mystique, puisque le film se termine dans un fjord avec un paysage à couper le souffle. Il fallait que ma dernière musique dans le film se fonde avec sa chanson. Je lui ai donc fait entendre ma musique qui clôt le film et elle s'en est servie pour dérouler sa composition.

 

Propos recueillis à Paris par Benoit Basirico

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