Interview BO : Romain Trouillet, EDMOND de la scène à l'écran.

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Propos recueillis par Benoit Basirico - Publié le 10-01-2019




Romain Trouillet retrouve Alexis Michalik après la pièce de théatre à l'origine de cette histoire. Avec EDMOND, il signe la musique de son premier véritable long-métrage dans lequel la musique a une grande place (après SAUVAGE en 2018 avec une partition plus rare). Il était au micro de notre émission mensuelle sur Aligre FM. 

INTERVIEW EN ÉCOUTE DANS L'ÉMISSION (À 1:02:30) :

Cinezik : Avec EDMOND, comment s'est produit le passage de la pièce de théatre au cinéma ?

Romain Trouillet : On a repris quasiment à l'identique à peu près 40 minutes de la musique de la pièce de théâtre. On a repris notamment le thème. Le réalisateur Alexis Michalik a vraiment fait une adaptation très fidèle de la pièce de théâtre au cinéma, à la fois dans les dialogues et dans la musique.

Votre partition virevoltante est très cinématographique et participe à l'énergie de cette comédie...

R.T : Au théâtre, la magie d'Alexis est d'amener beaucoup de cinéma. J'avais fait pour la pièce une BO de cinéma. D'ailleurs, Alexis avait pensé à un film dés le départ. EDMOND était un scénario avant d'être une pièce. Il y avait ainsi déjà un langage cinématographique, c'est pour cela qu'il était évident de reprendre cette musique pour le film.

On assiste à une pièce de théâtre en train de se créer avec Edmond Rostand qui monte Cyrano de Bergerac. En tant que compositeur, vous vous êtes mis à la place de ce metteur en scène avec un thème musical qui se construit petit à petit...

R.T : Le film est une mise en abîme de la création, avec le prisme de Cyrano de Bergerac. Dans la partition musicale, j'ai voulu avoir le même principe, c'est-à-dire exposer la manière dont on peut aborder un thème. Il y a aussi une mise en abîme de l'écriture d'une partition de cinéma. Je lance des motifs dés le début du film, des bouts de thèmes qui se construisent, se perdent puis se reconstruisent, jusqu'à aboutir à la mélodie finale. On entend pour la première fois le thème émerger quand la pièce commence à se créer. Tandis que dans un film plus conventionnel on aurait le thème exposé dés le générique de début, ici le thème arrive dans sa version construite au bout d'une heure.

Il s'agit aussi d'un film historique, qui se situe à la fin du XIXe siècle, à l'apparition du cinéma, est-ce que vous avez essayé de respecter cette époque dans la partition ?

R.T : Il y a en effet un respect de l'époque. Lorsque la pièce s'autorise des erreurs chronologiques, on les a intégrées également dans la musique, par exemple lorsque Maurice Ravel apparaît disant qu'il a écrit un Boléro (pièce composée en 1928). En le gardant dans le film, on l'a imaginé comme une synchro de musique existante car c'est totalement anachronique. Concernant le Moulin Rouge, je l'avais traité dans la pièce dans un esprit un peu jazz et ragtime. Pour le film, j'ai respecté les traits de l'époque et l'esprit d'Offenbach avec son French cancan. On entend d'ailleurs "La vie parisienne". Dans ma partition elle-même, il y a une recherche dans l'écriture se rapprochant en toute humilité de Ravel et Debussy, de la musique de cette même époque, pour construire une couleur cohérente.

Est-ce qu'il y avait des références précises de la part du réalisateur ?

R.T : Alexis connait très bien la musique, il avait des choix très précis, que ce soit pour "La vie parisienne" (de Jacques Offenbach) pour le French cancan, ou pour "Nini peau de chien" (de Aristide Bruant) qui arrive plus tard. Et concernant ma partition, il m'a laissé Carte Blanche. J'ai une chance inestimable car puisque c'est une musique qui provient en partie de la pièce de théâtre, j'avais eu beaucoup plus de temps d'y réfléchir. J'avais eu six mois pour penser au thème, à la couleur que je voulais de la musique, et je n'ai donc pas eu affaire à de la musique temporaire placée au montage, ce qui peut être imposé par les producteurs et un réalisateur. Là j'étais entièrement libre, si ce n'est de reprendre la musique de la pièce.

Quelle est la particularité d'une composition pour le théâtre par rapport au cinéma ?

R.T : Au théâtre, pour une question acoustique, on ne peut pas mettre la musique trop forte, alors que dans le cinéma, elle est clairement mixée au premier plan pour qu'elle soit plus audible.

La musique est en effet dans EDMOND (le film) un véritable personnage de premier plan...

R.T : Alexis est un réalisateur qui a peur de s'ennuyer, c'est sa pire phobie, à la fois dans le théâtre et dans le cinéma. Il est passionné par la vitesse, que tout virevolte. Il était évident pour le film qu'il allait faire en sorte qu'il y ait une dynamique constante. Dans la musique c'était l'objectif d'instaurer ce rythme. Dès qu'il y avait deux minutes de film sans musique ce n'était pas possible pour lui. C'est pour ça qu'il y a beaucoup de musique car il y avait cette peur du vide. La musique lui permettait de dynamiser, de faire en sorte que le spectateur de s'ennuie jamais.

 

Propos recueillis par Benoit Basirico

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