Interview B.O : Fred Avril, de la comédie LARGUÉES au premier film PEARL en passant par Netflix (PLAN COEUR)

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Propos recueillis par Benoit Basirico - Publié le 17-01-2019




Fred Avril est un compositeur au parcours atypique. Il est issue d'influences electro, pop rock et jazz, a débuté au cinéma avec le cinéaste hong-kongais Johnny To (SPARROW en 2008), puis au pupitre d'un film musical suédois (SOUND OF NOISE en 2009), avant d'être associé à des comédies françaises (CONNASSE, PRINCESSE DES COEURS et LES BÊTISES en 2015). En 2018, il retrouve les deux réalisatrices de CONNASSE chacune de leur côté, Eloïse Lang d'une part sur la comédie LARGUÉES, et Noémie Saglio d'autre part sur PLAN COEUR, série Netflix. Par ailleurs, il avait déjà opéré pour cette plateforme en 2018 pour le premier long métrage français qu'elle a produit, JE NE SUIS PAS UN HOMME FACILE (Eléonore Pourriat). Très actif, on le retrouve en 2019 pour PEARL, premier film de Elsa Amiel (sortie le 30 janvier).

INTERVIEW EN ÉCOUTE DANS L'ÉMISSION (À 38:00)


Cinezik : Pour LARGUÉES (comédie de Eloïse Lang, avec Miou-Miou, Camille Cottin et Camille Chamoux), vous retrouvez votre verve pop avec quelques chansons. Comment cette musique a pu s'intégrer dans ce projet ?

Fred Avril : Je suis arrivé assez tard sur ce film. Beaucoup trop de chansons étaient déjà placées. Ce que je préfère, c'est d'avoir à faire toutes les musiques d'un film. Ici, il y avait déjà pas mal de choses avant que j'arrive. J'aurais eu envie de faire plus de Score. Au final, il y a un mélange entre la pop et un aspect un peu plus étrange pour le suspens et l'action. J'ai essayé de prendre ma place malgré tout, qui n'est pas grande, mais j'étais heureux de la prendre.

Que pensez-vous de cet aspect industriel de la comédie française ? Parvenez-vous à rester créatif malgré tout ?

F.A : Pour Eloïse Lang (ainsi qu'avec Noémie Saglio), c'est le haut du panier. Elles essaient de faire les films le mieux qu'elles peuvent, sans cynisme. Pour moi, le plus important c'est cette sincérité. Quand je sens du cynisme, quand on prend un peu les gens pour des idiots, je refuse les projets.

Parlons maintenant de ces nouvelles plates-formes pour lesquelles vous avez aussi travaillé, en l'occurence Netflix. Comment vous êtes-vous retrouvé en 2018 sur JE NE SUIS PAS UN HOMME FACILE (premier film de Eléonore Pourriat, et premier long métrage français produit par Netflix) ?

F.A : Je suis arrivé là aussi à la fin du processus, mais avec beaucoup plus de place pour ma musique. Un premier compositeur avait été impliqué mais n'a pas convenu, donc j'ai repris le flambeau. Il a fait quelque chose que la réalisatrice voulait mais que la production ne voulait pas. C'est un film entre comédie et fable sociale, j'étais donc dans la position délicate de faire à la fois une musique dans le genre comique mais aussi par ailleurs spirituelle, avec une profondeur que cherchait la réalisatrice. C'est très difficile. J'ai trouvé cette opposition entre l'univers rock indé et les cordes. Il y a la force féminine du personnage exprimée à travers la voix gutturale de l'actrice Marie-Sophie Ferdane. Le violoncelle représente cette femme forte, et la guitare correspond à l'homme de plus en plus soumis, qui commence au début très couillue puis ensuite devient fragile. C'était l'évolution du film.

Une autre collaboration avec Netflix en 2018 était pour la série PLAN COEUR. Est-ce qu'ils interviennent sur la musique ?

F.A : Ah oui... disons qu'il y a des feedbacks... Netflix est particulier, c'est une start-up au départ, une toute petite structure. Ils sont devenus aujourd'hui trop gros pour ce qu'ils veulent faire. Je ne pense pas que l'info circule très bien. Au niveau juridique, c'était un imbroglio terrible, et ils nous demandaient des conditions dingues. En clair, ils font de la télévision. Habituellement, la télévision américaine, ce sont des budgets de long-métrages de cinéma, alors qu'en France, notre budget est celui d'un téléfilm. Mais avec PLAN CŒUR, on est resté dans le contexte de la télévision française. Noémie Saglio sait faire des films avec presque rien tout en gardant une exigence artistique à l'intérieur de ce cadre très contraignant qu'est Netflix, c'est une prouesse incroyable. En plus, elle attendait un enfant au milieu du montage. C'était rock ‘n' roll.

Netflix apparait comme une grosse économie avec leur grand nombre d'abonnés, où mettent-ils l'argent alors ?

F.A : Il n'y a pas de budget. Sur les 7 séries qu'ils sont en train de faire en ce moment, ce sont des petites séries. Ils ont de l'argent mais ils ne le mettent pas dans la musique, ni dans le cadre, ni dans le chef op'. J'adore Netflix, mais il faut être lucide, ils font de l'optimisation, ils sont impitoyables en business. Et à côté de cela, ils interviennent sur le plan artistique, pas au point de me suggérer un instrument, mais quand même un peu. Après, moi j'ai eu de la chance, je n'ai pas eu beaucoup à faire à eux, mais je connais d'autres compositeurs sur d'autres séries qui ont eu ce problème. Il y a quelques personnes au sein de Netflix France qui prennent leur rôle très au sérieux.

Vous avez écrit pour PLAN COEUR la chanson "Close to Me" qui joue un rôle dans le film... Elle devait être prévue dès le départ, avant le tournage ?

F.A : Oui bien sûr, c'était la première composition pour le film, notamment avec l'arrangement de "Ta Katie t'a quitté" de Boby Lapointe qui est prolongé dans cette chanson. J'adore avoir un scénario et commencer à écrire à partir de sa lecture. J'adore bosser en amont parce qu'on travaille avec une idée main dans la main, on peut influencer les choix d'un réalisateur, se sentir porté par le projet, d'autant que le rôle de la musique dans cette série est super. Celle-ci a un vrai rôle, comme dans LA BOUM de Claude Pinoteau, lorsque le personnage met le casque et qu'elle entend la chanson. PLAN CŒUR, c'est mon premier grand rôle !

Et "Close to me" est votre "Reality" à vous...

F.A : Peut-être... Quand même 500 000 vues sur YouTube !

Enfin, parlons de votre actualité 2019 avec PEARL, premier film de Elsa Amiel (qui sort le 30 janvier), avec une pulsation qui contribue à relater la fragilité comme la puissance de ce personnage de bodybuildeuse...

F.A : J'aime beaucoup l'univers d'Elsa, j'ai cette culture électronique qu'elle voulait. Elle avait besoin de choses différentes et elle aimait ma large palette. Il y a aussi un morceau 60's dans la BO. Il y a un décalage entre le présent assez froid et une réalité plus chaude des années 60.

Une musique envoûtante, sensuelle, organique, qui habille tout le film comme un personnage, comme une lumière, une musique indispensable à ce film...

F.A : Et là encore c'est un film fauché, mais c'est fantastique ! En tant que compositeur cela m'invite à être inventif. Il n'y a pas trop de synchro. J'ai dû faire les musiques pour l'environnement des personnages. Pour moi, c'est mieux s'il s'agit de créer tout le mouvement émotionnel du film sur 1h30, d'avoir un développement. C'était le cas sur PEARL.

On vous retrouve le 20 mars prochain pour un film avec Daniel Auteuil, QUI M'AIME ME SUIVE...

F.A : Je viens de terminer de mixer, et je peux vous dire qu'un certain Mick Harvey sera au générique de fin !

 

 

Propos recueillis par Benoit Basirico

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