La Planète Sauvage (Alain Goraguer, 1973), une déshumanisation délirante

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par Benoit Basirico

- Publié le 01-05-2019




Alain Goraguer retrouve René Laloux dans l'animation sur son premier long métrage après les courts "Les temps morts" (1965) et "Les escargots" (1966), tous deux déja écrits par Roland Topor.

Alain Goraguer est à la base un pianiste de jazz (accompagnateur de Boris Vian), puis arrangeur (notamment pour Gainsbourg), et enfin compositeur pour le cinéma. Pour ce premier film de René Laloux, il emploie les sons électroniques afin de retranscrire l'aspect futuriste de la planète sauvage et de convoquer l'idée d'une déshumanisation ("Déshominisation" est d'ailleurs le titre du morceau principal). Mais malgré les sonorités robotiques, l'apport du jazz persiste dans l'écriture avec des mélodies animées par un rythme toujours renouvelé. On pense à son contemporain François de Roubaix par la fusion des styles, entre rythmes funk, jazz, et rock psychédélique.

La partition singulière de Goraguer contribue à créer le monde merveilleux du film peuplé de créatures fantastiques, en osmose avec les magnifiques dessins (papiers découpés peints) de Roland Topor. Elle prolonge ainsi la personnalité délirante du dessinateur, et s'inclue comme un personnage au sein de ce bestiaire atypique prenant place dans le décor futuriste de la planète. Bien que le travail sonore soit fait indépendamment de la musique (bruitages de Jean Guérin au synthétiseur), les deux se confondent parfois. Une partie du travail de Goraguer consistait à établir des ponts avec le paysage sonore.

Côté scénario, on est assez proche de "La planète des singes" de Pierre Boulle, avec un propos universel sur la domination et la supériorité des espèces. Il s'agit d'une fable sur la tolérance, et la musique de Goraguer est animé par une dynamique positive, sans noirceur véritable (malgré quelques passages mélancoliques, plus doux que sombres), contribuant ainsi à la réconciliation. Le travail thématique avec la reprise d'un motif entrainant, revenant de manière obsessionnelle sous diverses formes, tout en provenant des origines jazz du compositeur, permet de contribuer à l'unité narrative (de porter et d'incarner le message du film). Les flûtes mises en avant, ajoutées à une voix féminine sensuelle, permettent de faire exister l'humanité, une trace organique dans ce tableau d'un monde déshumanisé. La musique électronique entre ainsi en conflit avec les instruments réels comme un écho au sujet du récit. 

par Benoit Basirico


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