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Les génériques de James Bond

,@, - Les génériques de James Bond


par François Faucon

- Publié le 11-02-2014




Comme tout commencement, cela débute par la questions du générique ! 

Nous laissons ici de côté l'aspect graphique de ces génériques, déjà maintes fois étudiés par ailleurs.

James Bond est une abstraction, presque un mythe que rien n'ancre véritablement dans le monde ; rien sinon les périls propres aux missions qu'on lui confie. Il n'a pas d'amis ; il est sans famille et sans attaches ; volage, sa femme meurt sous les coups de son pire ennemi ; ses employeurs et collègues ne sont que des initiales ("M", "Q"). A l'exception de Félix Leiter qui finit dévorer par les requins dans LICENCE TO KILL. 007 est sans éthique ostensible, sans passé clairement connu (sauf peut-être dans SKYFALL qui livre quelques informations sur ses parents et le manoir familial), sans avenir ; la morale qu'il véhicule est celle des services secrets. Le seul élément de son identité dont on puisse dire qu'il est certain est son penchant pour les femmes, systématiquement évoquées dans les génériques en lien direct avec les armes, donc la mort. Est-ce parce que la femme de 007 est tuée ? ou parce que, volage par nature, tout amour de 007 pour une femme est voué à l'échec ? En bon espion, Bond cultive le secret...

Par ailleurs, James Bond évolue en plein paradoxe temporel et corporel : éternellement jeune, il vieillit mais reste le même, rajeunit et gagne des blessures aussi vite qu'il les perd. Même âgé, il reste plus adroit et sportif que les athlètes de haut niveau ! En conséquence, la musique est l'un des éléments qui lui apportent une dimension humaine. Elle lui confère, dès le « Gun barrel » (le fameux iris qui ouvre les films), les émotions, sentiments et liens avec les autres qu'il n'a pas. Or, le symbolisme musical est fondamental dans l'univers de 007. John Barry en fut le chantre, lui qui possède cette rare capacité à composer un jeu musical approprié pour mettre en évidence ce qui ne peut être vu ou entendu par les seules images et jeu des acteurs. Cette prégnance du symbolisme musical doit être constamment gardée à l'esprit pour pleinement comprendre la musique des James Bond. Tout à tour musique de soutien, d'approfondissement ou de recul, elle permet à 007 de livrer cette part invisible de lui-même et lui confère une « concrétude » qui peut lui faire défaut.

Débuter avec le « Gun barrel » permet la "mise en danger" du spectateur et fait de lui, par le truchement d'une interactivité imagière, sonore et psychologique (une "image sonore" tue le spectateur dès le début du film...), un acteur du drame.

La chanson du générique quant à elle, possède une double fonction musicale d'ancrage temporel et de séduction auditive. La production espère séduire un large public en lui proposant une musique qui correspond à l'époque dans laquelle il vit, une musique "accrocheuse", facile à retenir. D'où la nécessité de récupérer dans les styles musicaux et parmi les chanteurs à succès d'une époque précise (celle durant laquelle le film est produit) ce qui se fait de mieux. De fait, à tort ou à raison, les chansons des génériques de James Bond constituent un gigantesque vivier de succès. Pour parvenir à de tels résultats, plusieurs éléments ont toujours été privilégiés : choix d'un compositeur, d'un orchestrateur (le compositeur n'ayant pas toujours le temps d'effectuer l'orchestration...), d'un chanteur, d'un titre pour la chanson. Il faut ensuite mixer l'ensemble et faire en sorte que le résultat obtenu cartonne suffisamment au box office pour que le film reste dans les mémoires grâce à ce générique chanté.

Le premier générique chanté en ouverture sera "Goldfinger" ; une réussite absolue, un véritable "coucou helvétique". Pour en faire un tube, Broccoli et Saltzman décidèrent de recruter la plus grande star du moment afin de "domestiquer l'environnement musical de l'époque" [Vincent Chenille, voir la bibliographie en page « sommaire » de notre Dossier, page 83]. Pour "Goldfinger", ce sera donc Shirley Bassey. Elle reste le maître-étalon pour le choix des voix à venir. Son timbre de voix valcyrien, aux accents de mort certaine pour les méchants et d'érotisme pour le héros y est assurément pour beaucoup [Vincent Chenille, page 65]. Elle est la "walkyrie noire" qui annonce, dès le début, la fin évidente d'Auric Goldfinger !

En 1962, elle cartonne avec "Far Away" dans la comédie musicale Blitz! de Lionel Bart. Puis, en 1964, elle interprète deux tubes : "As I love you" et "Reach for the stars". Ces succès lui valent d'être choisie pour interpréter la chanson du troisième volet des aventures de 007.

Cette règle de prendre la star du moment pour la chanson du générique sera plus ou moins respectée d'un opus à l'autre. Dans le choix de l'artiste, l'emportèrent parfois des critères esthétiques sur le physique de la chanteuse (Lulu, Sheryl Crow) ou la volonté de redorer le blason quelque peu défraichi d'autres stars (Tina Turner, Madonna). Mais c'est malgré tout la voix de Shirley Bassey qui reste indépassable ; au point que celle-ci recommandera Amy Winehouse pour Quantum Of Solace !

Pour donner plus de poids à l'ensemble, le titre de la chanson doit correspondre au titre du film. Cette décision, imposée dès 1962 par Eon Productions, est globalement respectée mais avec des fortunes diverses. C'est bien la qualité de la chanson en tant qu'œuvre musicale qui fait son succès, et ce quel que soit son titre. De fait, les exceptions à cette règle restent globalement des réussites artistiques et commerciales.

A contrario, la chanson "The Man With The Golden Gun" correspond au titre du film mais fut un échec commercial. Quant à "On Her Majesty's Secret Service", c'est un titre impossible pour une chanson.

Reste à savoir qui compose la musique de la chanson et qui l'orchestre. La composition de la mélodie peut être réalisée par l'artiste engagé ou par le compositeur. De la même façon, le compositeur de la musique du film peut réaliser l'orchestration de la chanson, de la musique du film ou d'aucune des deux si les temps de production sont trop courts ou si deux "équipes" travaillent sur la chanson et la musique du film. Certains compositeurs donnent des consignes très strictes à leurs orchestrateurs, et ne laissent à ces derniers que peu de marges de manœuvre. Ils sont alors cantonnés à un travail de clarification et d'écriture que le copiste va ensuite généraliser. L'orchestration est une étape essentielle et inévitable du processus de composition. Mais dans l'industrie du cinéma, il est toujours difficile de définir qui fait quoi en la matière. Idem en ce qui concerne les orchestres recrutés, lesquels ne furent parfois constitués que pour les besoins des enregistrements. Aujourd'hui, beaucoup de majors du cinéma ont leurs propres orchestres ou emploient les services d'orchestres professionnels. Pour les 007, il n'est pas rare que la production ait recruté, ici et là, des professionnels appartenant à différents orchestres. Ces informations sont indiquées pour chaque film dans la partie « critique » de notre dossier.

 

par François Faucon


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