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Hommage à James Horner : portrait passionné et lucide d'un Maestro

horner, - Hommage à James Horner : portrait passionné et lucide d'un Maestro

par Quentin Billard - Publié le 09-07-2015




Quentin Billard, à la fois un passionné et un critique du compositeur James Horner décédé à la fin juin 2015, répond avec ce témoignage aux éloges d'une partie des amoureux de la musique de film.

 James Horner (1953-2015) en 21 critiques de BO 

 

Hommage à James Horner : 

Comme beaucoup d'entre vous, c'est avec tristesse que j'ai appris la disparition brutale de James Horner le 22 juin 2015. Pour beaucoup d'entre nous, James Horner était ce grand musicien des émotions qui a accompagné notre jeunesse avec ses partitions inoubliables pour le cinéma : BRAVEHEART, TITANIC, WILLOW, ALIENS, APOLLO13, MASK OF ZORRO, LEGENDS OF THE FALL, AN AMERICAN TAIL, etc. Figure emblématique de la musique de film dans les années 80/90, James Horner s'imposa très vite comme l'un des maîtres du genre, rapidement remarqué pour sa passion évidente du répertoire classique et contemporain, admirateur des œuvres de son mentor György Ligeti et des musiciens russes comme Chostakovitch ou Prokofiev. En ce sens, Horner fut un musicien mémorable car il réussit à imposer sa voix à Hollywood, en puisant son inspiration dans le répertoire classique au même titre que John Williams ou Jerry Goldsmith, avec lequel le compositeur entretint une relation amicale à ses débuts.

Très vite, Horner va réussir à se distinguer des autres par la fraîcheur, l'audace et la fougue passionnée de ses premières grandes partitions pour le cinéma, avec un style personnel et aisément reconnaissable. Après des études à la Royal College of Music de Londres et ses diplômes obtenus à l'USC et à l'UCLA, Horner envisagea au départ une carrière dans le domaine des musiques de concert (il créa son œuvre avant-gardiste « Spectral Shimmers » en 1978) avant de devenir très vite un musicien incontournable du cinéma, débutant avec des films étudiants de la American Film Institute et des productions à petit budget de Roger Corman à la fin des années 70 et au début des années 80 (THE LADY IN RED, BATTLE BEYOND THE STARS, HUMANOIDS FROM THE DEEP). C'est d'ailleurs dans le domaine de la science-fiction et du fantastique qu'Horner signe ses premiers succès, avec notamment des œuvres incontournables des 80's telles que STAR TREK II, BRAINSTORM, KRULL, WOLFEN ou l'immense ALIENS, qui marque ses débuts (fort houleux) avec le réalisateur James Cameron. Mais, loin de vouloir se laisser enfermer dans un même genre cinématographique, James Horner va se diversifier en signant pour des films d'action (48 HRS, COMMANDO, RED HEAT), des thrillers (GORKY PARK), des grands films d'aventure (THE ROCKETEER, WILLOW, HONEY I SHRUNK THE KIDS), des films d'animation (la série des AMERICAIN TAIL) ou des drames intimistes (le bouleversant TESTAMENT).

Avec le film COCOON (1985) de Ron Howard, James Horner livre l'une de ses premières musiques où l'émotion devient plus personnelle, plus affirmée et aussi plus passionnée. C'est le début de sa longue collaboration avec Ron Howard et l'affirmation d'un style unique où la technique et le cœur ne font plus qu'un. Dès lors, Horner va devenir le compositeur le plus à même de nous émouvoir et de toucher profondément notre âme par sa sensibilité à fleur de peau, sa passion évidente pour son art et sa volonté - très souvent critiquée - de concevoir ses différentes partitions pour le cinéma comme un tout, reprenant très souvent ses thèmes ou ses idées harmoniques/mélodiques d'un film à un autre. Son nom sera plus que jamais au cœur des débats tout au long des années 90, cristallisant les passions, du côté de ses fans comme de ses détracteurs : génie de la musique pour les uns, faussaire pour les autres, Horner ne laissera quasiment personne insensible et livrera des œuvres immenses dans les années 90, ainsi que deux chef-d'œuvres de la maturité : BRAVEHEART (1995) et TITANIC (1997), pour lequel il triomphera en gagnant l'Oscar 1998 de la meilleure musique de film et de la meilleure chanson originale pour l'inoubliable et bouleversant « My heart will go on » chanté par Céline Dion.

La suite de sa carrière s'inscrira dans la continuité logique des années 90, Horner signant dans les années 2000 de nouvelles partitions mémorables, incluant A BEAUTIFUL MIND, ENEMY AT THE GATES, ALL THE KING'S MEN, THE NEW WORLD, BLACK GOLD, APOCALYPTO, KARATE KID ou le triomphant AVATAR, son plus grand succès avec James Cameron après ALIENS et TITANIC.

WOLF TOTEM (Le Dernier Loup), l'un de ses derniers films de 2015, permit à Horner de travailler une dernière fois avec le réalisateur français Jean-Jacques Annaud après LE NOM DE LA ROSE, ENEMY AT THE GATES et BLACK GOLD. Partition dramatique, épique et poignante, WOLF TOTEM réaffirma en 2015 la passion et le talent immense de James Horner pour son art musical. Hélas, quelques mois plus tard, un tragique accident d'avion allait mettre fin au rêve.

Si le compositeur n'est physiquement plus là, sa musique, elle, a survécu et continuera de survivre dans nos cœurs et nos esprits. James Horner a toujours su nous toucher avec ses œuvres si généreuses et si personnelles qui parlaient à tous. Il fut l'un des derniers « emotionalist » de sa génération, pour qui l'humain passait avant toute autre chose.

Pour ma part, j'ai souvent pris part à l'époque aux débats enflammés autour de ses fameuses citations thématiques et ses citations d'airs classiques, sur lesquelles j'ai et continue d'avoir un regard critique. Même aujourd'hui, je continue de m'interroger sur la pertinence et le réel bien-fondé de la démarche d'Horner, comprenant assez peu l'obsession du compositeur pour ses incessantes citations qui parasitent certaines de ses compositions. Mais force est de reconnaître qu'encore une fois, James Horner savait faire réagir et n'était pas de ceux qui se pliaient aux exigences commerciales de l'époque. Intègre dans sa musique, Horner a toujours su mener sa carrière et son art comme il l'entendait, à tel point qu'il fut l'un des rares compositeurs à posséder son propre magazine officiel, « Dreams to Dream...s », édité aux Etats-Unis mais fondé par une équipe de fans français en 1995 (et devenu par la suite « Cinefonia »). On assista à la même époque à un engouement sans précédent pour un compositeur de musique de film, certains fans devenant de véritables fanatiques compulsifs pour qui James Horner était le dieu sur terre, le génie de tous les temps.

Aujourd'hui, avec le recul des années, on comprend mieux les réactions excessives de certains pour les œuvres d'Horner. Dès lors que l'on touche aux émotions et à l'affect humain, difficile de rester objectif, et c'est ce qui faisait la force de la musique de James Horner : elle pouvait toucher tout le monde par son langage musical quasi universel et sa philosophie musicale unique en son genre. Comme beaucoup, sa musique accompagna une bonne partie de ma jeunesse et nourrit ma passion pour la musique de film, une passion toujours vivace, toujours flamboyante. James Horner a rejoint ceux qu'il admirait tant, dans un monde sans doute meilleur. Comme pour la fin de TITANIC lors des adieux entre Jack et Rose, Horner a disparu mais son souvenir reste à jamais gravé dans l'éternité, dans un océan de mémoires.

Horner offrit une nouvelle dimension à la musique au cinéma, dépassant les clichés et les conventions pour transmettre à tous son amour et sa passion pour cet art encore méconnu et sous-estimé du grand public. Véritable ménestrel du 7e art, artiste amoureux de la musique classique (il composa en 2014 PAS DE DEUX, un double concerto pour violon et violoncelle et COLLAGE, un concerto pour 4 cors crée à Londres en 2015) et collaborateur inspiré du cinéma, James Horner comprit plus que quiconque que la musique est avant tout le langage des émotions, bien au-delà des modes, des époques ou du support filmique. Ses partitions s'écoutent comme de véritables œuvres en soi, dont la puissance évocatrice allait bien souvent au-delà des images ou des mots.

Il touche à tous les styles musicaux avec une ferveur et une conviction de tous les instants (classique, contemporain, rock/jazz, électronique, musique celtique dans TITANIC, BRAVEHEART, THE DEVIL'S OWN ou PATRIOT GAMES), comme peu de compositeurs américains l'ont fait avant lui. Horner se voyait d'ailleurs comme un européen dans l'âme, très éloigné du monde fermé d'Hollywood, admiré par de nombreux compositeurs plus jeunes ou plus âgés. Nul doute que s'il avait vécu 30 ou 40 ans plus tôt, Horner aurait travaillé pour les plus grands maîtres du cinéma français, italien, anglais ou espagnol.

Disparu tragiquement à l'âge de 61 ans, James Horner reste un artiste immense du cinéma, avec plus de 150 partitions musicales à son actif, un véritable testament musical à l'impact profond, au cœur brave, à l'inspiration éternelle.

Adieu maestro, nous ne vous oublierons jamais, et votre musique restera pour toujours dans nos cœurs.

 

par Quentin Billard

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