La Reine des neiges 2 / Frozen 2 (Christophe Beck) : Quand René Aubry nous fait attendre Joe Hisaishi

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par François Faucon

- Publié le 31-12-2019




Noël 2019 marque le retour tant attendu de la « Reine des Neiges ». Six ans après le premier opus, « Frozen 2 » nous propulse dans un univers musical prévu pour assurer le succès. De fait, pour la seule France, le film dépasse les deux millions d'entrées en six jours. Walt peut dormir sur ses deux oreilles tant son 143e long métrage d'animation assure un avenir serein à son entreprise. De fait, et pour reprendre un titre de la presse canadienne, le « box-office est déjà pétrifié ». Mais au-delà des chiffres de rentabilité financière, « Frozen 2 » devait-il être le prétexte à prendre les enfants du monde en otage d'un sous-entendu musical presque inconscient ?

1. Des thèmes musicaux type Broadway

Un élément apparaît évident à la visio-audition de ce film : la persistance des chansons. Disney a toujours chanté. Dès « Steamboat Willie » (1928) en passant par « Blanche-Neige » (1938) jusqu'à  « Frozen » (et malgré de rares cas d'abstinence comme « Taram et le Chaudron Magique »), la chanson marque l'identité des films de Disney.

La liste des récompenses pour la chanson « Let It Go / Libérée, Délivrée » du premier opus (Phoenix Awards, Annie Awards, Oscar, Grammy) donne le vertige et atteste du succès de l'œuvre, même si plane sur cette chanson phare le spectre d'un énième plagiat. Jaime Ciero, un artiste chilien, a en effet déposé plainte contre Disney pour avoir caviardé sa chanson  « Volar » avant de la transformer dans le succès que l'on sait, chantée et chorégraphiée par les demoiselles de la planète.

« Frozen 2 » propose des chansons plus construites que sur le premier volet. Et comme le fait remarquer Aymeric Parthonnaud, chroniqueur sur RTL, l'écriture est plus ambitieuse, dans un style plus difficile à mémoriser surtout pour les plus jeunes. A l'exception bien sûr du gimmick du film, le « Ah ah ah ah » chantée par Aurora et audible dès « Dans un autre monde ». Il sert de fil conducteur musical tout au long du film.

Le contrechant est utilisé de façon simple et efficace pour signifier l'appel mystérieux qui vient interpeller la destinée d'Elsa avec son lot de chromatismes synonymes d'ascension vers la résolution dudit mystère, le dépassement de soi et autres messages à base de « bienveillance » (en français dans le film) propres à la bobologie si répandue de ces dernières décennies. La France, pays du Prozac, y sera incontestablement sensible...

Au niveau du scénario, les plus grands auront peut-être du mal à savoir si ce gimmick vocal correspond à la lointaine voix de la maman d'Elsa, à celle de la rivière Ahtohallan, aux deux... D'après ma fille (spécialiste es-Frozen s'il en est !), ce serait la maman d'Elsa. Peu importe, l'ensemble de la musique composée atteint son objectif. Pour y parvenir, Disney a convoqué la même équipe que pour le premier volet. Pour les musiques des chansons : Robert Lopez, un compositeur à succès. Récompensé pour la comédie musicale « Avenue Q » (1999) ; quelques épisodes de la série « Wonder Pets » (2008) ; l'adaptation musicale « Le Monde de Némo » pour le parc Disney « Le royaume des animaux » (2007) ; l'archi-nominé « Le livre des Mormons » (2011) ; « Winnie l'ourson/The Backson Song » la même année, sur des accents rappelant Danny Elfman dans « Le Noël de Mr Jack »; « Ne m'oublie pas » dans l'excellent « Coco » (2017) ; Robert Lopez constitue avec sa femme, la parolière Kristen Anderson-Lopez, parmi les actuels piliers du tout Broadway (France Musique leur a offert un long entretien). Ils font d'ailleurs vibrer les planches avec l'adaptation en comédie musicale live de « Frozen » depuis 2017. Ce couple signe avec trois notes, le très viral « Let It Go » (2013).

Fins connaisseurs des comédies musicales, leurs influences sont nombreuses : « Sunday in the park with George », « Evita », « The Miserables ». Ils avouent que la genèse de « Let It Go » doit beaucoup à leur balade sur Prospect Park, là où ils vivent. Kirsten se met à chanter et gesticuler sur les bancs comme l'aurait fait une ado et rentre au studio avec son mari qui se met à plaquer quelques accords au piano. Parfois, c'est l'inverse tant le duo semble fusionnel. Le thème de « Let It Go » naît de cette oscillation entre une Elsa pétrie de honte face à ses pouvoirs, incapable de formuler qui elle est et ce besoin de tout avouer au grand jour dans un grand élan d'extraction de cette même honte qui l'inhibe. Et les trois notes si caractéristiques n'arrivent qu'au moment de la chanson où Elsa se libère enfin. Ces trois notes constitueraient donc la résolution musicale des tensions retenues précédemment. Quant aux paroles, Kirsten Anderson-Lopez avoue qu'il s'agit-là d'un message ouvertement féministe. Elles viennent de tout ce qu'Elsa « a retenu jusqu'ici. […] Robert a écrit les deux premières lignes pendant qu'on marchait. Il s'est pris pour la reine et a imaginé la première phrase. Et puis a mon tour je m'y suis mis et j'ai imaginé les paroles en anglais : « Ne le laisse pas entrer, ne le laisse pas voir, sois la bonne fille que tu dois toujours être. » Et c'est ce que toute femme ressent tout le temps. On est toujours préoccupée par le fait d'être assez fine, de cuisiner de façon assez saine pour ses enfants. C'est le moment où [Elsa] se dit : « Oublie tous ces trucs. Sors de ton chemin. Laisse-toi aller. » 

Pour « Frozen 2 », la production fait reprendre aux époux Lopez les mêmes recettes de réussite musicale qu'en 2013 sans pour autant imposer un simple copier-coller. Il faut donc faire encore mieux et « Dans un autre monde » s'annonce déjà comme le tube de l'année. Autre nouveauté : Kristoff enamouré à l'extrême, a droit à son moment de gloire avec « Lost in the Woods ». De l'aveu des compositeurs, il s'agit d'une balade typique des années 80, façon Boys-Band (ou Patrick Bruel dans ses jeunes années : Patriiick!). Avec Olaf, Kristoff constituent un duo comique nunuche qui pourrait être analysé sous l'angle de ce que le féminisme a de plus inintéressant. Si tout ce que l'Occident peut proposer pour accompagner l'ultra légitime lutte contre les violences conjugales, est la dérision de l'homme drapé sous un second degré de façade, les choses ne sont pas prêtes de bouger. A quand un « Roi de la Terre » musicalisé par, disons, l'ami Zimmer ; un road movie musical loin du mâle destructeur de mondes ou du benêt de village mononeuronal. On y alignerait (tout comme pour ce pauvre Kristoff...) les clichés sur la femme au foyer sagement en train de nettoyer son électro-ménager flambant neuf, occuper à s'épiler la partie de son corps qui fera que Mr sera plus heureux ou se demander si, la crise de la quarantaine aidant, elle trouvera le moyen d'effectuer valablement une quelconque reconversion professionnelle. On affirmerait qu'il ne s'agit-là que d'un second degré et on attendrait, sagement, que se manifeste le contentement des féministes. Quoiqu'il en soit, si bon nombre d'adultes restent déconfis face au résultat musical (il est même des parents qui seraient prêts à retourner voir le film pour peu qu'on coupe le son...), les plus jeunes posent la tête sur le fauteuil de devant et se mettent à rêver, au risque de déranger la grand-mère somnolente qui se demande ce qui a bien pu lui passer par la tête pour emmener sa petite-fille alors que le repas de Noël est à peine digéré.

Pour le reste des musiques, Christophe Beck rempile avec la même efficacité que sur les précédents opus. Diplômé de Yale et tout droit sorti de l'usine « Remote Control » créée par Hans Zimmer, Beck a composé le très addictif thème de « Ant-Man » (2015) et « Ant-Man and the Wasp » (2018) pour ne citer que ces deux-là. Dans un entretien promotionnel d'un calibrage parfait et interchangeable, il explique avoir réalisé son rêve de composer pour Disney avant de remercier les réalisateurs pour leur sens du dialogue et de l'écoute envers ses modestes propositions. Les protagonistes du film ayant grandi, il lui fallait composer une musique plus sophistiquée. Le fait est que sa partition est – au-delà du film – plus intéressante que le premier opus. Ainsi « The Northuldra » s'ouvre sur une flûte basse conférant une dimension « ethnique » que l'on retrouve dans « The Mist » avec quelques innovations en terme d'orchestration pour renforcer le mystère à l’œuvre derrière le brouillard. Pourtant, l'ensemble reste un peu convenu : « Dark Sea », « Ghosts of Arendelle ». Un regret : où est la chanson du méchant, si prompte à scruter l'âme humaine ? Le fait est que « Frozen II » casse les codes et rien ne l'obligeait donc à souscrire à cela.

2. Des thématiques musicales absentes

Depuis l'immunologue Jacques Benveniste alléguant en  1988 que l'eau disposerait d'une mémoire expliquant l'efficacité de l'homéopathie, la question n'avait pas réellement reparu sur le devant de la scène médiatique. Certaines mauvaises langues affirment même que Benveniste était financé par les laboratoires Boiron et que Disney, d'ordinaire soucieux de ne vexer personne pour ménager ses spectateurs putatifs, prouve ici une intention cachée. Les scénaristes de « Frozen 2 » s'en donnent à cœur joie et confèrent à cette eau quasiment bénite, à cette émanation de la rivière Ahtohallan, des pouvoirs mémoriels incommensurables. Gageons que les enfants et leurs familles n'ont pas fini de poser des questions métaphysico-mystico délirantes.

Les deux protagonistes Elsa et Anna incarnent la parfaite soralité, réelle ou de cœur, à laquelle aspirent de nombreuses pimprenelles transies d'émotions devant le gigantesque écran. Les sœurs princières se perdent dans cet océan de souvenirs avant de se trouver l'une, une passion pour la vie au naturel avec les indigènes nordistes ; l'autre, un goût pour le pouvoir qu'elle ravit naturellement à sa sœur sur le trône sudiste d'Arendelle, dont la garde est assurée par un colonel noir retenu prisonnier d'un brouillard mystérieux avant de reprendre son poste en tant que général. Aux Etats-Unis, suite aux revendications légitimes des acteurs noirs, on ne plaisante pas avec la visibilité des minorités de couleur dans les films, même d'animation. Surtout lorsque les dites minorités représentent la moitié de la population nationale.

De fait, le film met en scène les Northuldra, des gentils amis de la nature vivant en communion avec elle au nord du royaume d'Arendelle et pétris d'une spiritualité et d'une innocence en tout point à l'opposé de celles que le cinéma prêtait aux Indiens d'Amérique dans les westerns d'après-guerre. Ils sont d'ailleurs inspirés par le peuple Sàmi (Norvège, Finlande, nord de la Russie) dont les représentants officiels ont signé un contrat avec Disney afin que soient respectées leurs us et coutumes (On lira sur ce peuple l'article de CBS News : « Voici comment Disney a respecté la culture autochtone ? »). Ceux du film comme les vrais, habitent le nord, le grand nord où le froid règne en permanence. Et le méchant grand-père n'y monte que pour régler ses comptes, tout comme les conquistadores occidentaux partaient inlassablement vers l'ouest pour conquérir tout et n'importe quoi au détriment de ces suppôts de Satan que sont les indigènes locaux. « Cantus – Reindeer Circle » peut être considéré comme le thème de ces populations innocentes mais injustement accusées, même si on était en droit d'attendre quelque chose de beaucoup plus marqué musicalement, même pour des enfants. Dans « Pocahontas », Alan Menken évoquait davantage avec des techniques plus simples.

Quant à Elsa, ses pouvoirs ont gagné en puissance au point qu'elle gèle la vague titanesque qui menace sa terre natale dans une démarche de chanteuse de music hall, de danseuse de cabaret reconvertie dans l'acte héroique fantastico-biblique. A ce compte-là, mieux vaut encore Charlton Heston séparant la mer sur les accords de Elmer Bernstein (« Moses parts the sea »). Mais après tout, réparer les erreurs du passé demande des solutions radicales, à la mesure du marketing déjà très présent sur le premier (et itou sur le second). Gageons que la très lacrymale « Tout réparer » poussera papi et mamie à se rendre au Disney shop le plus proche pour y acheter la panoplie complète d'Anna, d'Elsa ou d'Olaf, le rigolo de service. Même Lego s'en mêle...

Autant d'éléments qui auraient pu être l'occasion de composer des thèmes plus accrocheurs et permettant de souligner autre chose. Pourtant, aucune de ces possibilités ne semble exploitée dans le film. La question se pose alors de savoir pourquoi Disney, si soucieux d'efficacité, n'opère pas de tels choix artistiques. Au risque d'une lapalissade, la réponse est évidente : parce qu'ils en font d'autres, à destination des plus jeunes. Par ailleurs, les possibilités musicales évoquées plus haut ont déjà fait le succès des Disney avec Alan Menken entre « La Petite Sirène » (1989) et « La ferme se rebelle » (2004). Mais ça, « c'était avant » et il faut désormais explorer de nouvelles terres, proposer autre chose à un public sans cesse renouvelé. 

3. 1929 et la comédie musicale en temps de crise

Nous l'avons dit : « Frozen 2 » chante énormément, plus qu'à l'accoutumée. Et pour comprendre les choix (inconscients?) de Disney, il faut revenir en arrière, jusqu'en l'année 1929 connue de sinistre mémoire pour sa crise qui ferait passer les actuelles doléances de la RATP pour une plaisanterie bon marché.

1929 donc. Avec son cortège de chômeurs, de miséreux affamés prêts à tout pour trouver un boulot sur une journée, voire moins. Tous les secteurs sont touchés. Sauf le cinéma qui, devenu parlant dès 1927, y échappe pour un temps. Hollywood devient une vaste machine à rêves. La comédie musicale envahit logiquement les salles de cinéma dans lesquelles des populations déboussolées par la violence de la situation politico-socio-économique tentent de se changer les idées. De fait, si la comédie musicale apparaît bien avant la crise (issue d'influences multiples britanniques et d'Europe centrale notamment), celle-ci met en avant un type de chansons spécifiques : celles qui parlent d'argent, qui « nagent dans le fric ». Le parlant s'en mêlant, les vedettes du cinéma (y compris muet) sont convoquées pour participer à cette mode quelque peu forcée (Lorell et Hardy, Buster Keaton...), avec parfois des succès variés tant l'exercice est à mi-chemin entre le chant et le théâtre. Les scénari ne sont guère poussés et l'on enchaîne la plupart des scènes chantées sans grande unité et séparées par de vagues intermèdes.

L'autre grande caractéristique de la comédie musicale, et ce depuis toujours, est de chanter la vie sublimée. Ici, point de drames qui s'achèvent dans le caniveau. La mythique « Singin' in the Rain » a raison de chanter le soleil dans les cœurs et les sourires sur les visages ; nous sommes en 1927 et la crise sera bientôt dans tous les vécus. Dans la comédie musicale, on travaille dur, on subit des épreuves sans nom mais, au final, on réussit. Le chant n'est pas là pour offrir une nouvelle réalité aux différents protagonistes mais pour permettre à ceux-ci de transformer  leurs existences dramatiques, de les sublimer. Si dure que soit la route, au bout du chemin : la victoire ; la vie améliorée, magnifiée dans sa globalité. Autant d'éléments qui, en temps de crise, servent d'exutoire à des populations sans avenir. De fait, une fois que la crise commencera à s'éloigner, le public demandera des thèmes plus joyeux... (France Culture propose de réécouter une émission de 1978 sur La comédie musicale de 1929 à 1955)

Mais alors de quelle sublimation la comédie musicale « Frozen 2 » est-elle le véhicule ? A vrai dire, les réponses ne manquent pas. Listons-en quelques-unes au premier et second degré. Elsa, reine introvertie d'un royaume très policé, a enfin trouver ses origines, sa raison d'être, un équilibre de vie dont elle ne jouissait pas jusque-là. Le royaume d'Arendelle a racheté sa pureté suite aux égarements du roi qui, odieux jusqu'à la pointe de l'épée, avait occis les indigènes du nord. Les Northuldraniens subliment leurs existences dans l'intransigeance vis-à-vis de leurs identité, dans le respect victorieux de leurs traditions qui font trembler la rigueur toute monarchique d'Arendelle. Voilà pour le second degré. L'Amérique, et derrière elle tout l'Occident démocratique pétri de doutes sur son avenir, s'offre un moment de grâce en retrouvant le Nord (contrairement à Kristoff...) et en se libérant des turpitudes dans lesquelles il évoluait. L'Amérique, et derrière elle ses affidés, trouve ici une occasion de réaffirmer l'importance cardinale de la famille, de la religion, de la Terre promise en un temps où les valeurs traditionnelles sont fragilisées. L'Occident bien-pensant et rongé par le spectre du colonialisme s'offre un temps de réconciliation avec des minorités qu'il a du mal entendre (en cela, il n'est pas le seul...). Les mêmes minorités réécrivent leur histoire dans une pureté toute factice qui leur permet de gommer leurs propres responsabilités dans les erreurs du passé. L'Amérique se grandit et s'achète une conscience en reconnaissant ses torts passés, quels qu'ils soient. Après tout, tout peut être réparé... Voilà pour le premier degré. 

La liste pourrait être rallongée encore longtemps. Il reste tout de même une possibilité. De quelle façon Disney va-t-il sublimer les milliards de dollars générés par les entrées ? En produisant un nouvel opus de Star Wars ? En ouvrant un nouveau parc d'attraction ? Ou peut-être, en lançant ses navires de croisière flambants neufs aux Bahamas moyennant une copieuse enveloppe de 30 millions aux autorités. Les habitants locaux apprécieront sous peu l'incontestable amélioration de leur niveau de vie qui s'accompagnera d'une dégradation tout aussi incontestable de leur environnement. On sublime, on sublime... ; ça dépend pour qui...

4. Quand René Aubry nous fait attendre Joe Hisaishi

Pour conclure – car je ne me suis déjà que trop étendu sur les damoiselles d'Arendelle –, je ne peux que confesser la honte qui m'étreint d'avoir, alors que j'étais en pleine possession de mes facultés intellectuelles et musicales, proposé à ma fille de visionner ce film qui participe déjà si largement de la lobotomisation ambiante. Tant de compétences réelles au service d'un tel résultat, voilà qui peut laisser perplexe. J'en profite pour adresser tous mes remerciements à la maîtresse de CE2 d'avoir mené la classe entière voir « La fameuse invasion des ours de Sicile », musicalisé par le si discret René Aubry. Qui pourra encore dire que l'Education nationale n'est pas clairvoyante ? 

En attendant que Joe Hisaishi rempile pour le prochain Miyazaki tant celui-ci paraît incapable de prendre une véritable retraite (ceci étant, il n’œuvre pas en France...), réécoutons René Aubry pour sa musicalisation des films produits par Magic Light Pictures (« The Snail and the Whale » en 2019). Réécoutons tout Joe Hisaishi avec (en tête de gondole si les enseignes de ventes faisaient réellement leur travail) l'intégrale du concert donné au « Budokan Palace » sous la baguette du maître en 2008. Réécoutons James Horner pour l'incunable « Le Petit Dinosaure Et La Vallée Des Merveilles » (1988) ; « Rox et Rouky » (1981) musicalisé par Buddy Baker et qui mène encore aux larmes l'auteur du présent article ; « Le Roi et l'Oiseau » (1952) sur l'intemporelle musique de Wojtech Kilar ; l'ensemble de la décennie magique durant laquelle le génial Alan Menken battit tous les records et repoussa les limites de la musique du film d'animation pour la même firme. Et à tous ceux qui se demandent quelles chansons résolument contemporaines écouter au-delà du royaume de Mickey ; à tous ceux qui déjà, brandissent leur gourdin pour admonester la subjectivité parfaitement assumée de cet article, je leur propose d'abandonner un instant la médiocrité générale créatrice de tout-venant musical (remarquez que je ne nomme personne...), afin de se tourner, entre autres, vers la très hors-des-sentiers-battus Juliette : « Fantaisie héroïque » et l'ensemble de son dernier album : « J'aime pas les chansons » écrit, comme souvent, la rapière à la main. On prêtera une attention toute particulière aux textes et à la subtilité de l'accompagnement musical avant de se ruer, dans une attitude toute consumériste, sur le frigo dans lequel un quelconque foie gras de supermarché s'oxyde déjà à côté de la bûche glacée estampillée « Frozen 2 ». 

Quant aux nostalgiques du « c'était mieux avant », ils pourront avec joie se délecter de « L'homme de la Mancha » (comédie musicale de 1965) avec Jacques Brel, Dario Moreno et la surréaliste Joan Diener dans le rôle d' « Aldonza », la putain. Déjà, le box-office était pétrifié par cette « chienne » ignorant tout du français et pourtant au bout de sa vie à chaque seconde dans un rôle taillé sur mesure pour effrayer tous les pisse-drus contemporains. Une prestation inaudible pour nos charmantes petites têtes blondes ? Les cours d'écoles et de collèges sont remplies d'âneries bien plus effrayantes... Tout cela pour en venir à quoi (et au risque de quelques digressions...) ? Au fait que « Frozen 2 » est, malgré ses indéniables qualités en terme de techniques de composition, en dépit de sa capacité à casser les codes musicaux et de son jeu de miroir d'une société déboussolée qui vire à la démocrature, un film musical parfaitement dispensable. Il fallait bien 22 000 caractères pour l'expliquer...


1-30 : chansons
31-38 : Score de Christophe Beck

par François Faucon


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