Marc Fitoussi : le 'cocktail musique' de PAULINE DETECTIVE

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- Publié le 03-10-2012




Pour sa nouvelle comédie PAULINE DETECTIVE, Marc Fitoussi retrouve une troisième fois le tandem Tim Gane & Sean O'Hagan après LA VIE D'ARTISTE et COPACABANA, avec une BO pétillante d'easy-listening. Cette fois-ci, la collaboration était plus complexe, le réalisateur en explique les raisons.

Interview

Comment s'est faite la rencontre entre Tim Gane & Sean O'Hagan, deux musiciens issus du rock, et votre univers ?

Marc Fitoussi : Ces deux compositeurs ont déjà travaillé ensemble. Ils sont chacun les leaders d'un groupe, Tim avec Stereolab et Sean avec les High Llamas. J'étais très fan de leur musique. Sean s'est occupé des arrangements des albums de Stereolab, ils sont proches, ils ont aussi fait un album ensemble. J'ai toujours trouvé que leur musique était très cinématographique et souvent inspirée de musiques de film. Qu'ils soient capables de faire de la musique de film était pour moi une évidence. Je connais bien par ailleurs Tim puisque c'est l'ami d'une amie. Il m'a ainsi été facile de le contacter. Je leur ai proposé de travailler sur mon premier long. Ils avaient envie de cela. Ils étaient étonné de ne pas avoir eu de propositions plus tôt, car la musique qu'ils faisaient dans leur groupe de rock tendait vers ça. Quand on écoute leurs albums et leurs BO, on reste dans le même esprit, ils n'ont pas eu à inventer une nouvelle grammaire.

A quel moment sont-ils intervenus sur les films ?

M.F : Sur les deux premiers films, LA VIE D'ARTISTE et COPACABANA, je leur ai donné à lire, avant même de tourner les films, des séquences du scénario où je comptais placer de la musique. J'avais besoin de prévoir de la musique. Ils ont ainsi composé à partir de quelques séquences écrites. En revanche sur le dernier, PAULINE DETECTIVE, on a procédé autrement. J'ai voulu tourner mon film d'abord puis y placer des musiques préexistantes en leur donnant cette première version du montage avec des musiques déjà placées, et leur proposer de réinventer quelque chose à partir de cela.

Les compositeurs n'aiment pas trop cette méthode...

M.F : Et franchement, ils n'ont pas beaucoup aimé, et moi non plus, car c'est frustrant. Ce n'est pas tant que les musiques empruntées étaient mieux, loin de là, mais j'ai tellement travaillé dessus qu'il y avait des points de montage à changer ensuite quand je récupérais les leurs. C'était un vrai casse-tête. Leur musique apportait une autre couleur, le coup de cymbale n'arrivait pas au même moment, l'effet se trouvait ailleurs. La pause des musiques a été une étape extrêmement longue, et pénible. Il a fallu faire des allers-retours permanents. Alors que, lorsque j'avais les musiques avant même de connaitre la moindre image, d'une certaine manière ils se sentaient plus libres, et moi aussi car je pouvais placer leur musique comme je le souhaitais. En plus, lorsqu'ils devaient m'envoyer six morceaux, ils m'en envoyaient en réalité 15, j'avais du choix, je pouvais rebondir. Là, il a fallu avancer séquence après séquence, faire une musique sur une scène de 30 secondes en essayant de garder le même rythme que le morceau que j'avais placé. En plus, j'ai placé des musiques que j'aime beaucoup, et qui marchaient sur mes images. Dans la première version du montage, il y avait du Ennio Morricone, du Piccioni, du Cipriani... des musiques italiennes à base de cuivres, de cordes, avec une certaine amplitude. Je voulais que mes musiciens, à deux dans leur studio, puissent recréer ça. Ils s'en sont sortis avec les honneurs. C'était un défi. C'était aussi une course contre la montre. Il me restait un mois pour boucler le montage, et pendant un mois ils devait créer la musique.

Est-ce que cela vous a servi de leçon pour ne plus refaire ainsi à l'avenir ?

M.F : Si je devais retravailler avec cette méthode, je me forcerai à n'utiliser que des musiques qu'ils ont déjà composées. Je regrette même de ne pas l'avoir fait cette fois-ci. C'est à dire placer des musiques que Tim et Sean ont déjà composées pour leur groupe ou bien sur mes précédentes BO, cela pour leur donner des indications.

Peut-on dire que leur musique est une musique de comédie ?

M.F : Je trouve qu'ils font une musique qui se rapproche de Vladimir Cosma, dans quelque chose d'assez souriant. Cela peut pour certains paraître un peu mièvre, même à la production certains ont trouvé qu'il y avait un côté "musique d'ascenseur", ce que l'on dit tout le temps de l'easy listening. C'est une musique qui n'est pas prise au sérieux, mais qui pourtant est riche d'harmonies. C'est toujours périlleux de placer ces musiques dans une comédie car d'une certaine manière on enlève à la scène une forme de crédibilité. Cette musique qui date des années 60/70 apporte une touche désuète et rétro, et elle prête à sourire. La musique est assez balnéaire, comme un groupe que l'on peut imaginer au bord de la plage en train de jouer. Il y a un côté "cocktail musique", un sous-genre de l'easy listening.

La musique a une place importante dans votre film...

M.F : De toute façon, ce film se devait d'être très musical, aussi bien dans son tempo que dans son montage. La musique est assez omniprésente, mais je trouve qu'elle n'est pas fatigante. Je pense qu'elle est assez singulière aujourd'hui, je ne trouve pas qu'il soit si fréquent de trouver cette musique-là aujourd'hui au cinéma. J'ai travaillé au départ avec un monteur son, qui est devenu au final un monteur musique. On était accaparés par la musique qu'il fallait placer, replacer, déplacer. Il y a aux Etats-Unis des gens dont c'est le métier, en France ça n'existe pas vraiment, alors qu'il est indispensable sur ce type de film d'avoir quelqu'un qui n'a que cette fonction-là de placer des musiques. J'ai un souvenir de cette période comme si j'étais en train de monter une comédie musicale.

A propos des musiques préexistantes, certaines demeurent, comme "Shout To The Top" de The Style Council...

M.F : C'est un morceau qui revient à plusieurs reprises, il est un élément de la dramaturgie puisque c'est un morceau qu'aiment Pauline et le maitre nageur. C'est cette musique qui va les rapprocher.

On entend aussi "D.I.S.C.O" de Ottawan...

M.F : Ce morceau se joue dans la boite de nuit lors d'une séquence avec Sandrine Kiberlain tournée en un seule plan pour très vite exprimer ce que peut être une boite nuit d'hôtel lorsqu'il n'y a personne, avec une musique déprimante sur laquelle on ne peut pas danser quand on est seul. Cette chanson signifie cela.
Il y a également de la tarentelle napolitaine, c'est un air connu. Cette musique a été rajoutée après. Tim et Sean s'étaient proposés de composer une tarentelle, mais on n'a pas eu assez de temps pour cela.

Même un morceau d'Ennio Morricone est resté au final...

M.F : Tim et Sean nous avaient proposé des morceaux très intéressants mais on a laissé le Morricone, ce qui me sécurisait un peu de garder au moins un morceau qui avait été mis au pré-montage car dés le premier visionnage les partenaires financiers trouvaient que cette musique marchait très bien avec ces voix. Et par manque de temps, Tim et Sean n'ont pas pu ajouter de voix à leur morceau.

Votre film est une comédie mais une pointe de mélancolie apparait à travers le personnage désemparé de Pauline... Comment cela s'est traduit musicalement ?

M.F : La musique dans cette comédie policière aurait pu être guillerette mais elle ne l'est pas. J'aime les contrastes, comme mettre une musique enjouée avec dans l'image quelque chose de plus dépressif. Sous ses dehors très coloré, je pense que ce film est assez mélancolique, il a en lui la nostalgie de toutes ces musiques qu'on n'entend plus, et la nostalgie de ce cinéma de simple divertissement. Cette entreprise peut paraitre un peu vaine, mais c'est un cinéma qui m'a nourri, qui m'a donné envie d'être réalisateur, des films comme LE SAUVAGE de Rappeneau qui est l'histoire d'une adorable peste et d'un type un peu bougon, ce n'est rien d'autre que cela. Mon film est dans cet esprit. Et ce sont des films où la musique avait vraiment contribué au charme. La musique du Sauvage m'avait autant marqué que le personnage joué par Catherine Deneuve.
Avec Tim et Sean, on est nourri par cette même passion. Il y a quelque chose de naturel chez eux à faire ça. On m'a souvent cité "Voyage à deux" de Stanley Donen à propos de mon film en pensant que je m'en étais inspiré alors que je ne l'avais pas vu à ce moment-là, la musique de Henry Mancini y est géniale !

Interview réalisé à Paris le 25 septembre 2012 par Benoit Basirico

 


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