Cinezik : Le film suit des adolescents fascinés par le monde du Tag au point de prendre un mystérieux grapheur, Vandal, comme modèle. Quel était le sujet à l'origine du projet ?
Hélier Cisterne : Je voulais parler de l'adolescence, en parler en lien avec ce que j'ai vécu. Mais il fallait le faire de manière transfigurée, pas comme une autobiographie. C'est la manière que j'ai d'aborder le cinéma. Je voulais ainsi parler de l'adolescence et de ses fantasmes, de ses mythes. Très vite, je me suis intéressé aux super héros, irréels et réalistes, à travers le personnage du grapheur.
Connaissiez-vous bien le milieu du Tag avant de préparer ce film ?
H.C : J'ai tout découvert du Graffiti en préparant ce film. Ce milieu m'intéressait car il est lié à l'adolescence et à notre époque. Je voulais un film connecté à une réalité contemporaine. Et en même temps, cette culture adolescente repose sur une double vie et rejoint la question des mythes. Il y a une part de romanesque.
Le film intègre des éléments de l'imaginaire du cinéma américain. Il pourrait être le prequel d'un film de superhéros où l'on découvre comment le personnage est devenu VANDAL...
H.C : C'était l'ambition du film. J'ai grandi en France, donc le cinéma français est en moi, c'est ce qui m'a constitué. Ensuite, j'ai été influencé par la culture américaine qui a formé mon imaginaire. Cela se ressent dans le film. Mais je ne voulais pas être dans l'imitation d'un genre américain. L'idée était de faire un film sur un superhéros ancré dans la réalité du territoire français.
="http://download.macromedia.com/pub/shockwave/cabs/flash/swflash.cab#version=6,0,40,0"> On associe souvent les grapheurs à la musique Hip Hop. Quelle a été votre réflexion musicale pour illustrer ce milieu ?
H.C : Les réflexions que j'avais eues sur mes courts métrages ont aidé. LES DEUX VIES DU SERPENT (2006), par exemple, est un film de campagne, une sorte de western contemporain. Au départ, je voulais me référer à la country et à la folk. Je suis parti dans cette direction avec le compositeur Rémi Alexandre (de Syd Matters). Puis une fois le film fini, je me suis rendu compte que cette musique surlignait le propos. Elle était en complaisance avec le film, elle devenait un cliché. Je me suis souvenu de cette expérience pour VANDAL en ne voulant pas flatter tous les clichés du graffiti et de la culture de la rue. J'avais envie de travailler en contrepied là-dessus en évitant l'omniprésence de l'électro ou du hip-hop. En revanche, pour le personnage secondaire d'Elodie, je voulais marquer sa culture hip-hop car c'est une musique qu'elle écoute. Le hip-hop correspond donc à Elodie, puis sur le graffiti je voulais en sortir en travaillant avec Franck Beauvais, le consultant musical. On a construit la matière musicale pendant le montage à partir de morceaux préexistants qu'on a mis sur le film. Cela a donné une ossature sur tout le film. On s'est ensuite dirigé vers un compositeur. Ce n'était pas évident pour moi au départ de travailler avec un compositeur. Mais j'avais adoré la musique de L'ÂGE ATOMIQUE de Héléna Koltz, cette musique qui accompagne le parcours mental du film et qui est à la fois la matière du film, cela m'intéressait. Du coup, j'ai demandé au compositeur Ulysse Koltz de faire la musique de mon film. Je savais que le dialogue allait bien se passer. Venant d'une culture classique, il avait la capacité technique pour écrire de la musique, et en même temps il est relié à notre époque par sa capacité à faire une musique d'aujourd'hui.
Le compositeur Ulysse Koltz est donc intervenu une fois que des musiques temporaires étaient placées sur le montage ?
H.C : En effet, il avait les musiques mises sur le montage qui étaient comme une direction, une intention, une base de travail. Ensuite il a composé sa propre musique en se détachant des références. On a eu tout le temps un dialogue. Il travaille en empathie complète, il est sincère et direct, il travaille en résistance, avec ses idées fortes, en maintenant un certain premier degré dans les émotions. Je souhaite continuer à travailler à la fois avec Franck sur la musique préexistante, et avec Ulysse pour la musique originale, mais en procédant d'une autre manière, en le faisant intervenir plus tôt, après avoir gagné une confiance réciproque. J'aime travailler dans la confiance, mais il faut que chacun affirme ses exigences.
La musique contribue parfaitement à l'équilibre des émotions, entre une naïveté très "premier degré", et une retenue, sans pathos...
H.C : J'avais envie d'aborder l'adolescence comme un âge écartelé, partagé entre les dimensions amicale, familiale, amoureuse, et d'appartenance identitaire, avec ses fantasmes. Je voulais traiter tous ces tiraillements sans pathos, sans tomber dans le surlignage.
Avec Ulysse, on tenait au premier degré. On refusait une musique décalée comme tous ces films qui ont une musique au premier plan qui joue le commentaire ou le décalage cynique. Il fallait aussi que notre musique soit mêlée à la matière du film.
Comment s'est construite la musique de Ulysse Klotz ?
H.C : La musique est au départ dans un style "classique", avec son élaboration thématique, puis glisse vers quelque-chose de plus rythmique pour accompagner l'action lors des moments où l'on voit les grapheurs se faire courser. La musique se transforme. Les sons électroniques s'ajoutent à la musique instrumentale. La musique devient une musique de suspens. J'assume cet aspect convenu, j'adore quand c'est simple parfois. Ce qui compte pour moi, c'est l'épaisseur et la matière de la musique.
Quels sont vos goûts musicaux ?
H.C : Je suis féru de bandes originales, mais je suis très peu encyclopédique sur la question. Je n'arrive pas à retenir les noms, ni à associer les films avec leurs compositeurs. Je peux citer Francois de Roubaix qui est important pour moi, mais je me garde bien de convoquer dans mes films des références liées à mes goûts, par peur qu'elles me dévorent. J'essaie de dissocier mes goûts de mes films. En revanche, je sais que DONNIE DARKO m'a vraiment marqué sur les questions de la musique, avec à la fois la musique d'une génération et une musique comme matière.
Êtes-vous vous-même musicien ?
H.C : J'ai appris le violon à quatre ans et demi, jusqu'à mes 18 ans, en passant par le conservatoire, et la chorale. Adolescent, j'ai rejeté cet enseignement, même si j'ai continué jusqu'au lycée pour satisfaire mes parents. Je n'étais plus vraiment dedans dés mes 12 ans. Aujourd'hui, je n'écoute plus trop de musique classique pour cette raison, c'est trop lié à mon rejet adolescent.
Ayant appris le solfège, vous pouvez parler des notes avec le compositeur ?
H.C : Je ne peux pas faire ça. J'ai une oreille qui me permet d'identifier le travail du compositeur mais je n'exprime pas techniquement mes envies, je laisse le compositeur à son domaine. C'était super d'être dans cette collaboration avec un compositeur. A partir du moment où Ulysse est intervenu, il était présent jusqu'au bout, jusqu'au mixage.
Pour finir, parlez-nous de l'élaboration de la chanson hip-hop du générique de fin ?
H.C : Pour le hip-hop d'Elodie dont je parlais, on a beaucoup travaillé avec Franck sur le choix des morceaux, d'autant qu'il y a beaucoup de questions de droit, d'autorisation et d'argent. On voulait un hip-hop en décalage, pas un hip-hop français qui commenterait par son texte la scène. Nous sommes allé du côté du hip-hop américain. Dans cette recherche, on a découvert une fille qui s'appelle Angel Eyes, mais on n'a pas pu avoir sa musique. On a ensuite cherché parmi les jeunes rappeuses qui émergeaient, qui n'étaient pas encore signées par de grosses majors. On a ainsi découvert Sasha Go Hard qui vit à Chicago. On lui a demandé de nous composer une chanson. Ulysse a composé une grille musicale d'influence hip-hop qu'il lui a envoyé. Elle a ensuite rappé sur un texte qui correspondait aux thématiques du film. Puis Ulysse a retravaillé la chanson en retour pour l'aboutir. Cette chanson qu'on entend au milieu du film, on voulait qu'elle revienne à la fin, puisque cette chanson correspond à l'histoire des deux amoureux, une histoire inachevée, je voulais prolonger cette relation à la fin. Cette chanson du générique est ainsi composée par Ulysse et interprétée par Sacha. Les deux univers du film, le hip-hop et la musique instrumentale, se rejoignent dans la chanson. Elle est d'ailleurs disponible en numérique :
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Interview B.O : Pierre Desprats (Les Reines du drame, de Alexis Langlois)
Interview B.O : Audrey Ismaël (Diamant brut, de Agathe Riedinger)