Interview Olivier Ducastel et Jacques Martineau : 'On ne coupe pas dans Wagner'

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Interview réalisée à Paris le 27 janvier 2010 par Benoit Basirico - Publié le 27-01-2010




Olivier Ducastel et Jacques Martineau débutent en tandem avec une comédie musicale (JEANNE ET LE GARCON FORMIDABLE) en 1998 et feront ensemble 6 films, marqué par la collaboration avec le compositeur Philippe Miller (DROLE DE FELIX, MA VRAIE VIE A ROUEN, CRUSTACES ET COQUILLAGES, NES EN 68) et leur emploi de Wagner pour L'ARBRE ET LA FORET.

Interview Olivier Ducastel et Jacques Martineau : "On ne coupe pas dans Wagner"


Cinezik : Votre premier film, JEANNE ET LE GARCON FORMIDABLE, étant une comédie musicale, cela vous a t-il aidé dans la compréhension du rôle d'une musique de film ?


O.D : 
 Il y a une forme d'apprentissage dans le fait de faire des films, on apprend en faisant, alors la contrainte que représente la comédie musicale, sur le fait d'enregistrer la majeure partie de la musique avant le tournage, nous a appris des choses. Et lorsqu'on retrouve une liberté, on demeure tout de même attentifs sur ce rapport musique/Image, sur l'interaction entre la monteuse et le compositeur car il y  a là un vrai échange. 

J.M : Si le fait d'avoir fait une comédie musicale a pu nous aider, c'est sur la difficulté de trouver un point d'entrée et un point de sortie. Notamment pour Wagner dans L'ARBRE ET LA FORET, on ne peut pas faire ce qu'on veut sur cette musique là, il faut être prudent, on ne peut pas baisser les potards salement. On arrive à trouver un point de sortie de manière élégante mais la mélodie continue, c'est à dire qu'au moment où une phrase se termine, une autre chose commence en dessous, et il n'est pas facile de couper. On s'en est vite rendu compte au montage. De toute façon, il y avait un interdit total, c'était de couper à l'intérieur.

Morricone disait que la musique dans un film arrivait en claquant la porte, et repartait sur la pointe des pieds...

J.M : 
Et faire partir Wagner sur la pointe des pieds, ce n'est pas facile. Quand on l'écoute seule on ne se rend pas compte, mais quand on fait la coupe, l'oreille au lieu d'écouter la mélodie par laquelle on est sorti écoute celle qui est en train d'entrer. On s'arrête sur une chose impossible. On a joué sur les fondus. 

Comment avez-vous employé cette musique de Wagner ?

Jacques Martineau : 
Un certain nombre de scènes sont construites et conçues à partir de la musique de Wagner, elle est là dés l'origine, il y a des enchaînements de séquences avec elle. Le film est pensé en amont avec la musique. Ce n'est pas une comédie musicale comme notre premier film mais à l'écriture j'ai travaillé avec les plages musicales de Wagner comme pour une comédie musicale, en les plaçant, en construisant le film autour d'elles, en terme de rythme, de signification...

Comment ce choix musical est-il justifié dans le récit du film, et plus particulièrement le choix de cette pièce des "Nibelungen" ? 

J.M :
 Il est question de la seconde guerre mondiale, de la déportation, et les nazis ont exploité Wagner, et le cycle des Nibelungen, le cycle du héros et du sur-homme. Donc je trouvais important que nous l'utilisions avec la Chevauchée des Walkyries. Et c'est l'histoire d'un demi-dieu et ses fils, une histoire de transmission, la chute d'un monde, il y a des échos avec l'histoire du film, non pas une lecture métaphorique facilement transposable, mais il y a des points d'accroche, on a mis notre histoire en parallèle avec la tétralogie de Wagner. Le personnage de Frédéric met la musique qui correspond à sa vie. Lorsqu'il est tout seul dans son bureau avec ses histoires familiales, il envoie cette musique avec une représentation dramatique de lui-même. Il y a aussi l'arbre présent dans la tétralogie, et Frédéric a aussi son arbre. 

Olivier Ducastel : L'amour de Frédéric pour Wagner est un élément très important de sa psychologie, de la construction du personnage. Notre premier long métrage était une comédie musicale et penser à la musique dés l'écriture pour structurer le récit, nous le faisons depuis nos débuts. On le fait aussi bien quand on travaille avec de la musique originale (ndlr : celle de Philippe Miller), que sur des musiques pré-existantes, ou des utilisations musicales hybrides, comme la chanson s'apparentant à la "Madrague" dans COQUILLAGES ET CRUSTACES qui a donné l'univers thématique au compositeur. Et même dans MA VRAIE VIE A ROUEN où la musique a l'air d'avoir été enregistrée en live car il s'agit du portrait d'un patineur, avec les musiques des programmes, même là on a une attention, un besoin, d'entendre la musique avant le tournage. Et sur DROLE DE FELIX, il n'y a pas vraiment de musique originale mais nous avons choisi les morceaux de Raï et de jazz avant le tournage. On savait quand on tournait la fin que nous allions mettre la chanson "plus je t'embrasse".

Et qu'en est-il de Mozart, présent également dans L'ARBRE ET LA FORET ?

O.D :
 Pour le plan où Catherine Mouchet et Guy Marchand écoutent Mozart, la musique était diffusée pendant la prise, et on a enregistré leur voix sans couper Mozart. On a fait une tentative de son direct, musique et dialogues sur le plateau. Il y a eu une émotion plus belle et juste ainsi. 

Quels sont plus généralement vos goûts musicaux ?

J.M : 
Je suis un grand maniaque de musique classique et d'opéra. Je n'ai pas le réflexe de mettre d'autres disques. Pour le jazz, c'est Olivier...

O.D : Pour DROLE DE FELIX, c'est moi qui ai choisi les musiques majoritairement, on avait donné à Felix des goûts qui était proches des miens. En revanche c'est Jacques qui m'a initié à Wagner. Pour la musique originale, il y a l'apport de Philippe Miller. Dans JEANNE..., il y a aussi ce côté jazzy. J'écoute aussi des choses plus pop, mais je reste dans le commercial, j'écoute surtout des musiques avec des voix, du jazz vocal... Le fait d'être sensible avec la nature des voix, ça a à voir avec le jeu des acteurs et la fiction...

J.M : Me concernant j'ai un handicap, je ne peux absolument pas écouter de la musique et faire autre chose. Je ne peux pas lire le journal en écoutant de la variété. Sois je lis le journal, sois j'écoute de la musique, il faut donc que celle-ci ait un peu de tenue...

Interview réalisée à Paris le 27 janvier 2010 par Benoit Basirico

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