Interview B.O / Ildikó Enyedi : Dans CORPS ET ÂME, Laura Marling chante comme une avalanche

enyedi,corps-et-ame, - Interview B.O / Ildikó Enyedi : Dans CORPS ET ÂME, Laura Marling chante comme une avalanche

Propos recueillis par Benoit Basirico - Publié le 25-10-2017




Pour sa romance poétique, la réalisatrice hongroise Ildikó Enyedi fait appel à Adam Balazs pour la musique originale, et convoque la chanteuse Laura Marling avec un titre, "What he wrote", qu'écoute le personnage de Maria.

Cinezik : Comment est votre travail avec le compositeur de la musique originale, Adam Balazs ?

Ildikó Enyedi : L'image et la musique travaillent ensemble comme deux partenaires. Dans mon travail avec le compositeur, je lui ai demandé des atmosphères transparentes et minimalistes. Il était un peu perplexe que je ne lui demande pas de thèmes. Je voulais qu'il voit le film, lise le scénario, qu'il fasse des propositions, comme tout compositeur qui s'inspire de quelque chose. Après nous essayons de trouver l'emplacement de cette musique dans le film, et d'ajuster le montage en fonction de la musique. On a beaucoup discuté.

Dans quelle mesure avez-vous demandé des modifications suite aux premières propositions du compositeur ?

I.E : Je n'ai pas du tout modifié sa musique, mais je ne l'ai pas utilisée aux endroits pour lesquels il avait composé. Il a fait beaucoup de musiques, et seulement 2% sont dans le film. C'était une sorte de recherche, il cherchait sa propre voie par rapport au film. Je ne voulais pas que sa musique serve le film, mais soit un élément cohérent avec le film tout en ayant sa propre énergie intérieure. Il a ainsi écrit des petits morceaux musicaux transparents pendant le film présents jusqu'à ce qu'on entende pour la première fois Laura Marling. Je voulais préparer ce moment. Je ne voulais pas que le spectateur contemple avec recul la folie d'une femme, mais qu'il soit impliqué émotionnellement, envahi par la musique de la même façon que le personnage de Maria est envahi par le pouvoir de la musique.

En effet, cette chanson de Laura Marling est un basculement dans la vie du personnage de Maria...

I.E : Cette chanson était très importante pour moi. Elle est cruciale, elle apparait à un point dramaturgique dans le film où la protagoniste ne peut plus retourner en arrière, elle est à un point de non retour.

Le choix de Laura Marling est cohérent avec le personnage qui va découvrir cette chanson... dans une sensualité et mélancolie commune.

I.E : Laura Marling a quelque chose d'une avalanche, elle a une force naturelle, une intensité qui n'explose jamais. J'ai même pensé qu'elle pouvait jouer Maria. Elle dégage une énorme intensité, une vulnérabilité, une personnalité très unique. Je n'avais pas de plan B. Le personnage est envahi par le pouvoir de la musique. Tout le trajet de Maria est une sorte de découverte sensorielle du monde. Elle découvre le soleil, la chaleur des rayons qui caressent sa peau. Elle touche les objets pour apprendre comment le monde autour d'elle est riche. Et ce qu'elle reçoit par la musique est très important. C'est une force naturelle qui l'influence très profondément.

Votre film est au service des personnages, et votre choix musical répond à ce même objectif, servir les protagonistes...

I.E : Très consciemment, je voulais disparaitre, et seulement mettre les forces en mouvement pour les laisser agir... Je ne voulais pas faire d'effets de style, ni visuellement ni au niveau de la musique. Par exemple je ne pourrais pas travailler avec un chef opérateur qui veux faire un certain style. Je trouve merveilleux au cinéma qu'avec des outils si rudimentaires et si banals, on peut faire dans un film des effets tellement complexes et imprévus.

 

Propos recueillis par Benoit Basirico

En savoir plus :

Vos avis