Interview B.O : Tyler Bates relate la précision de Friedkin sur KILLER JOE (2012)

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Propos recueillis par Benoit Basirico

- Publié le 10-09-2012




Le compositeur américain Tyler Bates a élaboré la BO de KILLER JOE avec des indications très précises de William Friedkin, jusqu'au nombre des instruments devant correspondre au nombre des personnages. Voici le témoignage d'une collaboration pointilleuse.

Cinezik : Comment avez-vous rencontré William Friedkin, pourquoi avez-vous été choisi pour ce projet ?

Tyler Bates : Les producteurs m'ont demandé si cela m'intéressait de travailler sur le film. Evidemment j'ai sauté sur l'occasion de rencontrer "Billy" Friedkin, même s'il est réputé pour être un réalisateur ambitieux. "Billy" connaissait mon travail pour 300, WATCHMEN, et d'autres films de ce genre, mais je n'étais pas le seul compositeur auquel il a pensé pour KILLER JOE. Mais une fois que l'on s'est rencontré, il a compris que j'étais à l'aise pour les ambiances intimes et décalées. Nous avons essayé différents concepts musicaux avant que le réalisateur décide d'abandonner ses idées prédisposées pour me laisser faire ce que je pensais être le mieux pour le film.

Quelles étaient les discussions avec le réalisateur ? Friedkin avait-il des références musicales ?

T.B : Lors de notre première discussion, "Billy" m'avait donné la partition de L'EXORCISTE, écrite par deux des plus grands compositeurs d'Hollywood. Je pensais que je n'allais jamais être capable de faire un score à la hauteur de ses attentes, mais après avoir discuté de son interprétation des personnages et ses motivations, j'ai réussi à composer dans le sens de ce qu'il voulait.

Quelle relation Friedkin a t-il avec la musique ? Quels ont été ses mots pour expliquer ses choix ?

T.B : Billy Friedkin connait plus de choses sur la musique que la plupart des musiciens, donc c'est assez amusant et instructif d'écouter de la musique avec lui, et de parler de ce qu'il aimait ou n'aimait pas, par rapport à un sujet précis. A la fin d'une journée, "Billy" m'a demandé d'approcher la musique comme un voyeur, et de ne pas affecter les dialogues d'émotion par la musique. En fin de compte, le score est destiné à créer une atmosphère imprégnée de la culture "white trash" du sud-ouest, sans employer l'instrumentation qui est devenu un cliché en association avec cette nature - telles que des guitares nasillardes, électriques et acoustiques.

Pour le côté "western", nous pensons à Ennio Morricone (spécialement pour "U-Turn" d'Oliver Stone), et pour le côté "bluesy" à Badalamenti (Twin Peaks). Etait-ce le hasard, votre choix, ou une référence pour le metteur en scène ?

T.B : "Billy" a remarqué une GuitarViols acoustique Togaman dans mon studio. Il m'a demandé si je pouvais pincer les cordes comme pour une contrebasse. Je lui ai fait une démonstration, puis il m'a demandé de les plier - ce que j'ai fait. Après cela, il m'a dit : "Pourquoi tu n'utilises pas avec, peut être, des timbales ?". C'était une directive, et non pas un question ! (LOL). Je lui ai répondu "d'accord, tu veux que j'utilise une Guitarviol et des timbales pour exprimer une ambiance du Sud-Ouest ?". Il m'a franchement répondu "oui". Il m'a dit que je devais travailler à partir de cette idée, mais intégrer ces instruments dans le tissu de la partition, et aussi de maintenir le nombre total d'instruments à cinq, ce qui correspond au nombre de personnages impliqués dans cette histoire.

Pourtant l'instrumentation est souvent minimaliste, avec parfois juste une guitare et un Melodica...

T.B : Ce film présente des dialogues et des personnages dans des paramètres très intimes. La musique avait besoin d'être minimaliste pour ne pas diminuer la dureté du film dans son ensemble.

Avez-vous travaillé avec le scénario ou avec les images tournées ? Quelle est la relation entre la musique et les personnages ?

T.B : J'ai travaillé avec les images dés le début. Une fois l'approche conceptuelle déterminée, j'ai commencé à jouer de divers instruments sur le film pour voir comment chaque personnage interagissait avec l'instrument. Le score dans son intégralité était joué en "free time" - ce qui veut dire que je n'ai pas utilisé de click track (de métronome). Je pouvais travailler de cette façon car je jouais de tous les instruments, excepté les timbales.

Est-ce que le montage final a exigé des changements dans la musique ?

T.B : Pour une fois, j'ai travaillé avec une version définitive et verrouillée. Pour de nombreux films, j'ai dû travailler avec au moins cinq ou dix versions différentes.

On peut interpréter que la musique est le point de vue de la petite Dottie, comme une musique de l'innocence perdue, qu'en pensez-vous ?

T.B : Je vois l'expérience de Dottie dans cette histoire comme une sorte de conte de fée. Ce n'est pas exactement "Cendrillon", mais on peut voir des parallèles entre Dottie et les princesses dans les classiques de Disney. Mais celle-ci s'avère être juste un peu plus méchante que les autres (LOL).

D'ailleurs, l'emploi du carillon en morceau final (dernière piste du disque "To my future wife") correspond à cette dimension de conte ?

T.B : "Billy" voulait que je crée une valse aux sonorités déformées, ce qui est une expression sombre et comique de la conscience de Dottie quelquepart. C'est un peu absurde mais ce film est une comédie fantastique en quelque sorte.

Les 21 minutes du disque correspondent-elles au score entier composé pour le film ?

T.B : Il y a plus de musique dans le film, mais je ne voyais pas l'intérêt de mettre toute la musique sur le disque car de nombreux morceaux sont repris tout au long du film avec seulement quelques différences mineures dans l'interprétation. Nous avions espéré inclure les chansons du film dans l'album mais il y a eu des problèmes qui nous en empéchaient, donc on a décidé de mettre juste le score, si minimal soit-il.

Certaines pistes ne durent que quelques secondes, comment avez-vous déterminé la longueur des morceaux et leur place dans le film? Etait-ce très précis dans l'esprit du réalisateur ou intuitif dans votre travail ?

T.B : La longueur des morceaux a été déterminée via les discussions avec "Billy". J'ai étendu des séquences que nous avions au préalable placée, et dans certains cas j'ai décidé de stopper la musique au milieu d'une scène parce que le silence procurait une énergie palpable et une tension à ce moment-là.

 

 

Propos recueillis par Benoit Basirico


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