Angèle Chiodo et Julie Roué sur LES CHIENS : un décalage vocal

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- Publié le 07-02-2014




Angèle Chiodo sort de l’école des Arts Décoratifs de Paris. Elle signe en 2012 un premier court-métrage remarqué, LA SOLE, ENTRE L'EAU ET LE SABLE, mêlant documentaire et animation. Avec son deuxième court-métrage LES CHIENS présenté au Festival de Clermont Ferrand 2014, elle réalise sa première véritable fiction, et collabore avec Julie Roué qui a fait le choix d’une partition exclusivement vocale. 

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Dans votre premier court-métrage LA SOLE, ENTRE L'EAU ET LE SABLE (2012), on y entendait Maurice Ravel. Pourquoi ce choix ?

Angèle Chiodo : Le compositeur Julien Carton m'a conseillé Ravel en me disant qu'il s'agissait du Concerto en Sol. J'avais trouvé cette idée géniale. A la base, je n'y connais rien en musique. J'ai juste des intuitions. Pour LA SOLE, il m'a donc donné ce Concerto dans lequel j'ai pu sélectionner des morceaux que j'aimais bien et qui me semblaient les plus caricaturaux (un passage joyeux, un passage triste). J'ai commencé à monter mes images à partir de ces musiques. Cela allait avec le coté « cliché » de ce documentaire animalier.

Ce côté « cliché » assumé participe au charme du film et son humour décalé...

A.C : J'aime les choses qui peuvent paraitre grossières. Dans la préparation de ce nouveau film, j'ai demandé à Julie, rencontrée en 2012 lors de l'atelier du Festival Henri Langlois, des choses peu valorisantes pour elle. Je voulais une musique parodique, une musique « de guirlande », ce qui n'est pas le plus agréable pour un compositeur. Au final, ce type de musique n'est présent dans le film que pour une sonnerie de portable.

Pourquoi le choix d'une partition exclusivement vocale ?

(2 extraits de la BO à écouter ICI)

Julie Roué : Ce choix est un hasard au détour d'une discussion où je disais à Angèle que j'aimerais un jour faire une musique de film avec uniquement des voix. Cela a donné cette musique de contrepoint qui devient presque comique. Elle participe à l'humour noir. Elle appuie la noirceur de l'humour par son trait. On s'est interrogé sur le second degré, mais on voulait en même temps préserver une sincérité dans l'émotion de la musique.

A.C : J'ai très vite apprécié l'idée des voix. Il y a quelque chose de pur, qui soutient l'émotion, d'autant qu'il s'agit d'une voix d'enfant, dénuée de l'ironie des adultes. Je ne voulais pas faire un truc malin. La musique peut paraitre comique par le décalage qu'elle instaure avec les images, mais finalement elle demeure assez jolie et candide.

J.R : Cette sincérité était nouvelle pour moi, dans le fait de ne pas me cacher derrière des choses apprises. J'avais tendance jusqu'ici à vouloir montrer ce que je savais faire, alors que là j'ai cherché l'épure, quelque chose de simple, la juste émotion. C'était la grande nouveauté pour moi. Je suis fière du résultat.

Quelles sont les voix employées pour interpréter cette partition ?

J.R : C'est une petite fille, Pauline Demians, ajoutée à ma propre voix. Je fais la voix d'alto, elle fait la voix de soprano. C'est la première fois que je chante dans mes partitions pour le cinéma. Dans l'élaboration de la musique, avant de faire appel à Pauline, j'ai fait une maquette avec ma voix pitché dans les aiguës pour faire la voix de soprano. Angèle aime beaucoup cette version, elle apporte un coté artificiel. Il reste une partie de la maquette dans le résultat final puisqu'il n'y a pas une vraie chorale. Il y a deux personnes multipliées par 6. Il y a un coté robotique qui était recherché. Le coté artificiel plaisait à Angèle. On sent que ce n'est pas une vraie chorale d'enfants. C'est une chorale de clones.

De quelle manière la musique joue avec le son du film ?

J.R : Je suis par ailleurs également monteuse son. J'ai ainsi monté une partie du son du film, notamment la scène du feu d'artifice. Le tempo de la musique est calée dessus. Même si je n'ai pas pu tout monter (il y a deux monteurs, Florent Castellani et Mathieu Vigouroux), sur cette scène je me suis bien amusée. J'ai une facilité à considérer la musique comme une matière, à me dire que si on coupe dedans ce n'est pas grave. Ce qui s'est d'ailleurs produit sur une des versions de la comptine, la première phrase a été coupée, ce que je trouve musicalement un peu rude...

A.C : Louise Jaillette et moi sommes les responsables, car on ne voulait pas que le morceau commence trop tôt. On voulait que le moment de gène dure un peu, préserver cette lenteur désagréable que la musique interrompait. Pour des raisons de timing, on a dû amputer le couplet de la première phrase.

La musique étant vocale, comment pouvait-elle s'associer aux dialogues ?

J.R : Il était difficile de mixer les deux car ce sont les mêmes fréquences. Il y a un moment, quand Maud prend le renard dans ses bras, juste après le plan en animation, elle murmure, et la musique est présente. Mais sinon il valait mieux éviter.

Aviez-vous des références pour vous guider ?

A.C : J'avais parlé de « Aguirre la colère de dieu » (de Werner Herzog) avec ses nappes vocales.

="http://download.macromedia.com/pub/shockwave/cabs/flash/swflash.cab#version=6,0,40,0"> J.R : Mais cela ne m'a pas vraiment guidé au final. La référence que j'ai pu convoquer est Klaus Nomi, pour la scène du feu d'artifice. Le morceau « Cold song » est en partie vocal, scandé, monosyllabique. J'ai repris cette idée.

Quels sont vos projets ?

A.C : Je voulais faire un documentaire sur un ami qui a écrit un opéra, mais finalement j'ai écrit une histoire à partir de son opéra. Il y jouera son rôle. C'est une fiction. J'écoutais ses musiques en écrivant l'histoire. Son nom de scène est Joe Chicago et son groupe s'appelle The Supercherries. Le film va d'ailleurs s'appeler « Les Supercheries ».

J.R : J'ai fait en 2013 une musique avec un quartet de jazz (pour "Je Suis Catherine Deneuve", de Benoît Mars). Et en ce moment, j'écris la musique pour un documentaire américain sur la surpopulation, avec marimba, violoncelle et piano.

Interview réalisée à Paris en février 2014 par Benoit Basirico

 


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