Richard Sanderson - Que devient le chanteur de LA BOUM ?

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- Publié le 03-11-2012




L'interprète de la chanson "Reality" écrite par Vladimir Cosma pour LA BOUM du regretté Claude Pinoteau retrace son parcours, du succès dans la chanson à ses musiques de film auprès de Daniel Costelle et Jean Luret, en passant biensûr par sa collaboration avec Cosma.

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Cinezik : Que faisiez-vous avant de travailler sur LA BOUM ?

Richard Sanderson : Dans les années 70, j'étais dans un groupe de rock. Puis j'ai joué au Club Med', tous les soirs avec des musiciens différents, j'y ai beaucoup appris. J'ai ensuite fait un stage aux Etats-Unis au Berklee College of Music pour travailler les arrangements. Je suis revenu des Etats-Unis en 78 pour produire mon premier album, chez Vogue, "No Stickers Please" (1979) où il y avait une ballade qui s'appelait " Dreamin' ". Et en 1980, je me retrouve sur LA BOUM avec Vladimir Cosma.

Comment êtes-vous arrivé sur LA BOUM pour interpréter "Reality" ?

R.S : C'est grâce à Pierre Jaubert, producteur que je suis allé voir avec Gérard Berliner, musicien avec lequel j'ai travaillé. Je lui ai fait écouter des maquettes, puis j'ai fait quelques arrangements pour lui. Deux ans plus tard, il m'appelle en plein mois d'août pour me faire rencontrer Vladimir Cosma. Celui-ci me donne alors la partition de "Reality". Je suis rentré chez moi, j'ai enregistré piano/voix, et je lui ai ramené le résultat trois jours plus tard. Il n'était pas le seul à décider. C'était un gros projet pour lui car il y avait des chansons, ce qu'il n'avait pas vraiment fait auparavant, il a surtout écrit des musiques instrumentales, donc il était assez nerveux. En plus, il faisait "Inspecteur la Bavure" en même temps.

Quel souvenir avez-vous de Claude Pinoteau qui nous a quitté le 5 octobre dernier ?

R.S : Claude Pinoteau était aussi assez nerveux pour ce film là. Il avait utilisé sur son tournage une chanson de Gilbert Montagné, "Believe in me". Pour les scènes de slow, il avait mis cela en attendant. Lorsqu'il m'a entendu, il me demandait de chanter avec mes tripes, ce qui n'est pas mon style, je ne chante pas comme Ray Charles ou comme John Lennon. Cosma me propose de trouver une réplique à rétorquer à Claude pour le calmer, c'était "Moi je chante avec mon coeur, pas avec mes tripes". Il avait encore en mémoire la chanson de Montagné avec cette voix grave et saturée, cette chanson était diffusée pendant que les personnages dansaient leur slow, mais ce n'était pas ce que Cosma voulait que je fasse. Quand j'ai chanté, le film était fini, c'était la post-production, donc Claude Pinoteau venait à toutes les séances. En 1981, après la sortie du film, lorsque j'ai fait une tournée des discothèques, Claude Pinoteau voulait m'accompagner pour parler du film, mais au bout d'un moment, les gens étaient là pour la chanson, pas pour faire des conférences.

J'aimais beaucoup Claude. Il avait un côté gentleman anglais, cela me rappelait mon pays d'origine, il était toujours calme, posé, mais il s'énervait parfois avec Vladimir, comme pour le choix du slow. Il y avait deux chansons que j'interprétais, "Reality", et "Go on Forever". Claude voulait cette dernière pour la scène du slow, alors que Cosma voulait l'autre. Vladimir savait ce qu'il faisait, et il a menacé de retirer toutes ses musiques. Pinoteau était coincé puisque c'était près d'un mois avant la sortie du film. Vladimir avait raison d'insister. Ils ont quand même mis "Go on Forever" sur le slow final du film et sur l'image de fin gelée avec Sophie Marceau, puisque les deux morceaux étaient dans le même ton, ils ont fait un montage pour faire revenir "Reality" sur la fin. Personne ne l'a remarqué. C'était super, bravo !

Que s'est-il passé pour vous après ce film ?

R.S : J'ai fait un autre album l'année suivante, "I'm in Love" (Polygram, 1982), qui a très bien marché en Asie et en Italie. "She's a lady" était classé dans le top 5. J'ai fait ensuite une tournée au Japon, avec des galas, la presse, la télévision. Mais avant d'accepter j'avais demandé l'autorisation à Claude Pinoteau car il voulait me faire jouer dans LA BOUM 2 (1982). Je voulais savoir s'il avait besoin de moi à ce moment là. Il m'a dit que je pouvais partir. Mais en plein milieu de ma tournée, je reçois un télégramme me demandant de rentrer, sauf que j'avais signé un contrat avec les japonais qui avaient investi de l'argent sur moi, je ne pouvais pas. Vladimir a eu du mal à me remplacer, il a même pensé au frère de Mick Jagger à un moment, qui n'était pas connu, et en plus apparemment il ne chantait pas très bien. On est resté de bons copains avec Vladimir. J'ai chanté pour lui par la suite la version anglaise et italienne de CHATEAUVALLON (série télévisée de 1985). J'ai fait des maquettes pour L'ETUDIANTE (1988). Je devais chanter pour le film mais Vladimir m'a dit que Danièle Thompson (la scénariste) et Sophie Marceau ne voulaient pas car ça allait faire La Boum 3. Ce n'est pas grave. Je suis content d'avoir fait La Boum 1.

Je suis très fier d'avoir collaboré avec Vladimir Cosma qui est un grand compositeur et un grand arrangeur. On a partagé des moments intimes et il m'impliquait. Pour l'intro de "Reality", il m'a demandé celle que je préférais parmi trois possibilités. Je ne sais pas si au final son choix a été fait par rapport au mien, mais il demandait l'avis de tout le monde, que ce soit sa femme, son fils, son éditeur... J'étais très honoré qu'il me demande mon avis, même pour son opéra.

Le succès de LA BOUM vous a-t-il à un moment handicapé pour faire ce que vous vouliez ?

R.S : Je ne suis pas du tout frustré en tant que compositeur. J'ai fait d'autres disques, des choses qui me plaisaient plus ou moins, et peut-être que sans ce succès je n'aurais jamais percé du tout. J'ai même écrit "T'as le Look Coco" qui s'est vendu à un million d'exemplaires, puis dans les années 90, j'ai fait tous les films de Daniel Costelle pour la télévision. J'ai été compositeur d'une trentaine de films pour la télévision où je ne devais rien à personne. Dans les années 2000, il y a eu le "revival" des années 80, j'étais très ému de faire cette tournée avec tous les autres artistes de l'époque, avec des zéniths pleins, où on chantait face à trois générations.

D'ailleurs, avez-vous été contacté pour le film STARS 80 ?

R.S : Oui, j'étais dans le film au départ, ils m'avaient donné les répliques, mais à un moment ils ont du couper, ils ne pouvaient pas prendre tous les artistes des années 80. Je ne sais pas pourquoi ils ne m'ont pas gardé, car LA BOUM est dans les plus grosses ventes des années 80, peut-être parce que c'est en anglais. Mais ce film ne peut que faire du bien pour nos galas.

A quel moment aviez-vous l'envie de faire de la musique de film ?

R.S : Après LA BOUM, j'ai eu envie faire de la musique de film, j'avais d'abord commencé à travailler sur un film avec Pierre Mondy, SI ELLE DIT OUI JE DIRAIS PAS NON (1983), une comédie de Claude Vital. Je n'ai pas fait ce film, je crois que c'est Mireille Darc qui ne voulait pas de moi. Et au même moment, je fais la musique d'un film de Jean Luret, C'EST FACILE ET ÇA PEUT RAPPORTER... 20 ANS (1983) et son film suivant ADAM ET ÈVE (1984). J'ai fait la musique d'un film sur les Forbans, BANANA'S BOULEVARD (1986), réalisé par Richard Balducci. J'ai fait pendant 10 ans des musiques pour les génériques de Miss France, même ceux d'aujourd'hui ce sont les miens. Je connais donc très bien Geneviève de Fontenay. Et j'apprends récemment qu'un documentaire sur elle se prépare, réalisé par... Jean Luret ("L'extravagant destin de Geneviève de Fontenay", 2012). C'est ainsi que je le retrouve. On a fait ensuite un documentaire sur Michou ("L'intrigant destin d'un Transformiste, Michou", 2012), et on en prépare en ce moment un autre sur Poulidor. Je suis content de retrouver Jean Luret.

D'où vous est venu ce désir de musique de film ?

R.S : C'est l'envie de pouvoir faire n'importe quel style de musique. J'ai fait 20 ans de piano classique, j'ai appris à écrire des cordes. Quand à la fin des années 80 les maisons de disque ont pris le pouvoir, ils ont imposé des formats (il fallait que le refrain démarre à une minute pour que les radios diffusent la chanson, j'ai même entendu dire qu'il fallait que le refrain soit en accord majeur). Quand j'ai commencé à travailler à la télévision avec Bernard Rapp (Un Siècle d'écrivain), je découvre un milieu totalement différent, avec des gens éduqués, polis, honnêtes... Le Show Business devenait une jungle alors que le milieu du documentaire était moins prisé à l'époque. C'est là que j'ai collaboré avec Daniel Costelle.
Je me sens prêt à faire d'autres films, pourquoi pas pour le cinéma. J'en ai fait il y a 20 ans, j'aurais pu mieux faire, j'ai vraiment appris dernièrement. Mais les places sont chères. La télévision, c'est bien aussi.

Quelle est votre méthode de composition ?

R.S : Je me mets derrière mon piano pour jouer les thèmes, un peu comme Vladimir Cosma, c'est la vieille école. Maintenant il y a aussi le clavier électronique, on peut ajouter des samples de cordes et de cuivres pour entendre ce que va donner l'orchestration. Je travaille avec un orchestrateur pour les cuivres, mais en revanche je sais écrire les cordes.

Quels sont vos projets immédiats ?

R.S : En dehors du documentaire de Jean Luret sur Poulidor, il y a une série documentaire sur le voyage en 10 épisodes pour France 5, TERRE DES MONDES. Je m'apprête aussi à rencontrer le joueur de foot Tony Vairelles pour envisager avec lui un album de slam.

Interview réalisée à Paris le 15 octobre 2012 par Benoit Basirico

 


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