Interview Olivier Cussac / LES AS DE LA JUNGLE

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Propos recueillis par Benoit Basirico - Publié le 30-07-2017




Olivier Cussac retrouve David Alaux sur la saga LES AS DE LA JUNGLE pour la première fois au cinéma (à l'affiche le 26 juillet) après des films à la télévision. Avec sa partition orchestrale mélodique (disponible chez Music Box Records) le compositeur toulousain livre des clins d'œil au western et au film d'aventures, de Ennio Morricone à John Williams.

CINEZIK : LES AS DE LA JUNGLE est la version Long Métrage d'un univers qui a déjà donné lieu à d'autres films, pouvez-vous nous faire un petit historique ?

Olivier Cussac : Il y a eu plusieurs unitaires pour France Télévision. Ensuite il y a eu la série avec les mêmes personnages, une première et une deuxième saison. Ils sont en train de terminer la troisième saison. C'est à chaque fois 52 épisodes de 11 minutes. C'est donc la première fois que ces personnages sont portés au cinéma pour un long-métrage.

Comment votre participation musicale a évolué au fil des films ?

O.C : Ma collaboration avec David Alaux, le réalisateur, a commencé sur un court-métrage "LE VOEU" (2002), déjà un dessin aimé produit par TAT Productions. À l'époque, la partition était plutôt axée sur les percussions, alors que là on est clairement sur de la musique de film d'aventure très référencée John Williams et Morricone. Pour tous ces films, j'ai beaucoup de liberté dans l'écriture. Mais comme ce sont des films d'animation et des films d'aventures, je joue avec certains codes. Je ne vais pas mettre une flûte seule sur une poursuite. Il y a quand même des passages obligés.

Est-ce que votre musique pour LES AS DE LA JUNGLE reprend des éléments issus des films qui l'ont précédé ou êtes-vous reparti de zéro ?

O.C : Les réalisateurs ont utilisé en musique temporaire sur ce film des musiques de la série, donc la question a été posée de savoir si on réutilisait ces thèmes ou si on repartait de zéro. La production était plutôt pour ne rien utiliser du tout. Au final, pour l'illustration de certaines scènes, on était obligé d'intégrer des incontournables de la série. Le thème musical des "As de la jungle" a été écouté tellement de fois par ceux qui ont regardé la série. On a capitalisé là-dessus en utilisant ce thème, dans la mesure où les gens l'avaient déjà dans l'oreille. Je l'ai réarrangé, réorchestré, harmonisé. J'ai fait des variations qui s'intègrent au nouveau thème du film si bien qu'à la fin, on ne peut plus vraiment identifier quels sont les anciens et les nouveaux thèmes. On passe de l'un à l'autre sans s'en apercevoir.

Il y a aussi le thème original spécifique au long métrage...

O.C : Ce nouveau thème est en deux parties. C'est celui que les gens sifflent en sortant de la salle. Il est traité avec différents tempo et différentes orchestrations. Il est repris une quinzaine de fois dans le film. Avec David on aime les thèmes. On aime la musique de film, et la mélodie en fait partie. On regrette souvent dans les films actuels que la musique soit comme une tapisserie, une présence musicale en texture, sans relief ni thématique. La thématique musicale a une fabuleuse puissance évocatrice. C'est un souffle, surtout quand c'est joué par un orchestre. Mais il y a aussi tout de même dans la musique des AS DE LA JUNGLE des instants climatiques, des musiques plus liées à la texture.

A quel moment intervenez-vous ?

O.C : J'aime travailler sur le scénario, sans voir les images, en amont, en discutant avec le réalisateur, et ainsi développer des thèmes dans le vide. On a plus de liberté quand on n'est pas assujetti aux images. Cette méthode fonctionne plus pour les films en image réelle, car pour l'animation, j'écris la musique à partir d' "animatiques", des dessins monochromes filmés.

Quelles étaient les indications du réalisateur ?

O.C : Il avait des idées très précises sur ce qu'il voulait. Il est arrivé avec une version du montage où des musiques d'intention étaient placées. Je savais donc à quel moment la musique devait être orchestrale, jazz ou rock. J'ai suivi ces indications de style et d'emplacement. Il y a tout de même un endroit où je lui ai conseillé de ne pas mettre de musique.

Aviez-vous la tentation de coller à l'image (de faire du "michey mousing") ?

O.C : Il y a beaucoup de rencontres entre l'image et la musique sur ce film, mais il n'y a pas de réelles synchronisations comme dans les dessins animés avec une musique qui colle à un personnage ou à une action de manière burlesque. Ce n'est pas vraiment le cas ici. Il s'agit plus d'un mouvement musical qui se développe et prend son essor sans forcément avoir de lien avec les images. La musique est plus là pour imprégner, illustrer l'ambiance ou le danger, ce que l'on ne voit pas, plutôt que de surligner une action. L'idée était aussi de faire une musique universelle qui puisse faire réagir tous les publics, tous les âges, qu'elle puisse être efficace pour des gens de différentes générations. Il y a un humour à plusieurs étages.

Etait-il évident pour vous qu'il fallait que cette partition soit enregistrée avec un tel orchestre ?

O.C : Je dois cela à la production TAT. Pour le moyen-métrage "Opération banquise" (2013 ), ils ont mis à ma disposition un orchestre symphonique alors que je n'avais jamais composé pour un orchestre. J'avais écrit jusque là pour des musiciens isolés, mais jamais pour un grand ensemble comme celui-là. Ils m'ont permis de passer à cet échelon supérieur. C'était une décision un peu risquée car ce n'était pas ma compétence à la base. J'ai relevé ce défi, ce qui a plutôt bien marché. Ils n'étaient pas obligés de le faire, surtout pour la télévision, car souvent on fait appel à une banque de son pour faire des économies. Ils ont donc investi très rapidement pour l'enregistrement. Il y a eu une volonté de se rapprocher des productions cinématographiques. On a ainsi pu créer notre réseau, donc par la suite on a repris Laurent Petitgirard à la direction, les musiciens de Budapest, on avait déjà planté nos marques quand on est arrivé avec ce film pour le cinéma.

Avant l'enregistrement avec un orchestre, comment travaillez-vous vos maquettes ?

O.C : Je fais des maquettes avec des sons analogiques pour éviter de devoir simuler les sons orchestraux. L'idée est de ne pas du tout singer les sons réels. Je pars du principe que l'on n'y arrive jamais vraiment. Pour les musiques de mes court-métrages, je me suis toujours débrouillé pour jouer les violons moi-même. Je suis violoniste de formation. On peut multiplier le son de 6 instrumentistes. En les mixant de manière maline, on peut se débrouiller pour donner l'illusion d'un ensemble orchestral. Il faut savoir que le budget des AS DE LA JUNGLE est celui de 3 minutes d'un Pixar.

Avez-vous assisté au mixage du film ? On a l'impression que la musique est sous-mixée sous les voix au premier plan...

O.C : Je me suis contraint de ne pas assister au mixage car je considère que ce n'est pas mon travail. L'envie me démangeait quand même, car on est toujours curieux de savoir ce que le résultat donne. J'ai découvert le film à l'avant-première de l'équipe début juin. Les voix étaient mixées très fortement pour être pleinement audibles. Et j'ai essayé de mon côté de réduire la musique dans les moments parlés. Mais il est vrai que le mixage est peut-être un peu frontal, les voix sont au-dessus, et la musique en-dessous. Cela demeure une musique de film. Elle est là pour être au service du film, pour souligner les bruitages et les dialogues, que l'on n'entende pas chaque note clairement était la règle du jeu.

D'où l'intérêt de la parution du disque chez Music Box Records pour l'apprécier entièrement...

O.C : C'est la première fois qu'un label édite une de mes musiques. Et j'aime beaucoup leur travail. Je suis fier de voir la sortie de la musique des AS DE LA JUNGLE sur ce label.

Par ailleurs, vous avez aussi signé cette année la musique de CRUEL de Eric Charrière, le grand écart avec le film d'animation puisqu'il s'agit d'un thriller...

O.C : C'est un thriller psychologique avec un tueur en série et une musique qui adoucit le personnage, mélancolique et douce à base d'un accordéon, de cordes et d'un piano. J'ai adoré faire cette musique qui est dans la tête du personnage, qui complète tout ce qu'il ne peut pas dire et tout ce que le réalisateur n'a pas pu révéler. La musique va plus loin que la connaissance que l'on peut avoir du personnage. Pour moi c'est le rôle d'une musique de film de donner des lignes qui ne sont pas visibles à l'écran, des lignes intérieures, psychologiques, c'est là que la musique devient intéressante.

En dehors du cinéma, avez-vous des projets solo ?

O.C : Je ne fais pas de musique en dehors du cinéma, je n'ai pas d'albums solo. Mon travail personnel est un travail de commande pour le cinéma. Mon quotidien est de recevoir une commande et de discuter avec un réalisateur. J'aime avoir une participation artistique avec des gens. Il arrive très souvent que je participe à l'arrangement de morceaux d'artistes qui passent dans mon studio. J'essaie de trouver le style d'écriture qui va correspondre à chaque univers. J'écris donc de la musique quand je suis sollicité.

 

Propos recueillis par Benoit Basirico

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