Interview de Marie-Jeanne Sérero sur René Feret : 'C’était un travail collectif et on riait beaucoup.'

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Propos recueillis par Benoit Basirico le 3 décembre 2018 - Publié le 08-12-2018




A l'occasion de la sortie d'un coffret DVD réunissant 16 films de René Feret, celle qui fut sa compositrice sur 4 films, Marie-Jeanne Sérero, revient sur sa collaboration avec le cinéaste disparu le 28 avril 2015, au micro de notre émission mensuelle sur Aligre FM. Un CD de ces musiques est inclus dans le coffret. 

Interview à écouter (à 43:14) :

 

Cinezik : Votre première collaboration avec René Feret était pour NANNERL, LA SOEUR DE MOZART (2010) dont l'enjeu était d'inventer une musique pour la sœur de Mozart...

Marie-Jeanne Sérero : J'avoue que j'avais peur de commencer ce projet puisque j'avais l'impression de recommencer les classes d'écriture et de refaire ce que j'avais fait pendant tant d'années. Mais René m'a laissé une part de liberté où je pouvais imaginer une nouvelle musique. On n'avait aucun document sur la sœur de Mozart, et donc d'imaginer un parcours différent m'intéressait. Mais la musique s'inscrit quand même dans un cadre classique, dans le choix des instruments, avec malgré tout des digressions plus romantiques et amoureuses. Il était intéressant de traiter cette marge de liberté. Ce personnage était émouvant. Il était intéressant de passer de la musique interne du personnage à la musique du film.

Comment présenteriez-vous le travail à la musique de René Féret ? On ressent chez lui une certaine pudeur...

MJS : La pudeur oui, mais il y a aussi du romantisme, si le personnage s'y prête. Il a un style assez retenu, il n'aime pas les épanchements. Il filme la société, la famille, des sujets forts, avec une grande sensibilité, de manière radicale. Il aime une écriture tenue et très référencée, d'où des musiques un peu d'époque.

Il était un grand connaisseur de la musique ?

MJS : Oui, il aimaient que l'on se rapproche des musiques qu'il affectionne. Si je lui avais proposé un rock, je pense que ça ne serait pas passé. Et pourtant c'est toujours envisageable.

Était-il directive ?

MJS : Il aimait que je lise le scénario, tout était écrit à la virgule près. Il me parlait beaucoup des personnages. Chaque scène était très détaillée. Pour le choix des musiques, il collaborait beaucoup avec Fabienne Feret, son épouse et sa monteuse. C'était un travail collectif et on riait beaucoup. C'était un homme avec beaucoup d'humour, très intelligent. Cette collaboration était merveilleuse !

C'est une collaboration familiale, il faisait même jouer ses enfants. Est-ce que votre complicité faisait que vous faisiez un peu partie de la famille ?

MJS : On peut dire ça. Avec tous les excès que cela a pu provoquer. Il avait besoin qu'on soit autant engagé que lui dans l'histoire de ses films. Il était disponible sans arrêt dès qu'une question se posait. Je pouvais l'appeler le soir et il venait. Il y avait cette réactivité permanente, des deux côtés.

Vous interveniez toujours en amont ? Par exemple, sur ANTON TCHEKHOV 1890 (2015), à quel moment vous avait-il parlé du projet ?

MJS : J'ai eu le scénario un an avant. Il m'en parlait aussi beaucoup. Tout était écrit. Il avait un appétit de la narration, il aimait raconter des histoires.

Est-ce que pour ce film, il s'agissait d'entrer dans la culture russe...

MJS : Non justement. Peu importe la langue (c'était en français). Au départ, ça me faisait un peu bizarre, d'autant que je sortais des pièces d'Alain Françon adaptées de Tchekhov à la Comédie-Française. Donc j'étais assez imprégnée de cet univers, mais René me demandait de penser au créateur à travers ce personnage de dramaturge, et de s'extraire de la culture russe, pour rendre les choses un peu plus accessibles et universelles. Et musicalement, il voulait faire passer beaucoup de choses avec très peu de notes.

Est-ce que vous avez l'impression avec les musiques pour René Feret d'avoir trouvé votre univers musical personnel ?

MJS : Non, il reste toujours à définir. Je le définis à chaque fois. Ça se travaille. C'est un long parcours.

 

Propos recueillis par Benoit Basirico le 3 décembre 2018

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