Ciné-concert au Fema 2022 (La Rochelle) : EROTIKON transfiguré par la création inédite de Florencia Di Concilio

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par Benoit Basirico - Publié le 11-07-2022




Dans le cadre du Festival La Rochelle Cinéma qui s’est tenu du 1er au 10 juillet, des ciné-concerts faisaient partie de la riche programmation. L’un d’entre eux a attiré notre attention puisqu’il fut dirigé par Florencia Di Concilio, compositrice que nous suivons depuis “Ava” de Léa Mysius, qui a confirmé son talent avec “Calamity”, et qui a retrouvé Léa Mysius pour “Les Cinq diables” qui a ouvert le festival. Elle a donc conçu une musique inédite pour EROTIKON (1929), film muet d’un réalisateur tchèque méconnu Gustav Machaty (1901 - 1963), qui fut pianiste dans un cinéma de Prague avant de réaliser ce troisième long métrage (et dernier muet). C’est d’ailleurs au piano que Florencia accompagne les images. Le choix de cet instrument conventionnel du ciné-concert va très vite se nourrir d’un enregistrement bruitiste et électronique de sa conception. 

Le film s'intéresse à la fille d'un garde-barrière séduite par un étranger que son père a hébergé pour la nuit. Enceinte, elle doit fuir sa maison. La dualité de la musique proposée convient bien à ce film ambivalent, à la fois classique dans la forme (le mélodrame, le conflit de classe, des instants de comédie autour d’un adultère) et avant-gardiste (des désirs exprimés, des principes moraux bafoués, un style visuel sophistiqué, des mouvements de caméra, sous l’influence de Jean Epstein, Abel Gance, Luis Bunuel). Dans le récit, les conventions sociales (l’argent et le travail privilégiés aux désirs) se confrontent à un certain progressisme (une héroïne déterminée à mener sa vie selon ses choix, distillant un trouble dans son entourage). À ce titre, Arnaud Dumatin, qui co-dirige le festival avec Sophie Mirouze, a présenté le film comme une œuvre “sensuelle et  subversive”. Le piano mélodieux va représenter une structure et une certaine stabilité, prendre en charge la sensualité, sublimer la beauté des visages, soutenir une apparente harmonie, tandis que les sonorités dissonantes participent à faire monter la tension, à représenter des désirs contrariés. Une tension presque hitchcockienne attribue à une simple partie d’échec un enjeu dramatique haletant que la musique va augmenter, aussi bien avec un piano devenu percussif que par des textures terrifiantes. 

La grande réussite de ce ciné-concert est que Florencia Di Concilio s'éloigne de la simple illustration provoquée par une musique plaquée sur des images muettes pour transfigurer littéralement les images. Elle pénètre l’univers filmique pour en prolonger la matière physique, pour recréer une bande son imaginaire. A travers ses notes, on entend comme un marteau qui tape, des frottements, le son d’une horloge, d’une locomotive, sans jamais être dans l'ancrage direct à un objet dans l’image. Elle élabore un paysage sonore qui prolonge les éléments, le brouillard, la boue, les nuages... et installe un trouble qui prolonge l’érotisme visuel du cinéaste. Elle va même jusqu’à jouer dans son traitement sonore sur l’usure de la pellicule, inhérente à un film de cette époque. Et toujours, à côté de ce travail expérimental, le piano maintient sa ligne structurelle, il est un socle sur lequel toutes les audaces auditives peuvent s’entrechoquer. 

par Benoit Basirico

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