'Kurt Weill en France' de Alain Jomy : l'histoire d'un rendez-vous manqué avec la musique de film

kurt-weill-en-france,jomy,@,weill2023043001,Ouvrage, - 'Kurt Weill en France' de Alain Jomy : l'histoire d'un rendez-vous manqué avec la musique de film

par Benoit Basirico, d'après le livre de Alain Jomy

- Publié le 01-05-2023




Alain Jomy, compositeur des bandes originales des films de Claude Miller ("L'Effrontée", "La Petite Voleuse") est aussi écrivain et consacre un livre (en vente dès le 1er mai 2023 chez les Editions Nuvis) à la période française de Kurt Weill, célèbre compositeur allemand du XXe siècle connu pour ses collaborations avec Bertolt Brecht (L'opéra de quat'sous) et qui a fui l'Allemagne en 1933 pour Paris. En France, il ne parviendra pas à concrétiser son désir profond de signer des musiques de films malgré ses soutiens (Maurice Jaubert) et ses contacts dans l'industrie (Fritz Lang, René Clair, Jean Cocteau, Jean Renoir...). C'est le livre d'une désillusion et d'un rendez-vous manqué avec le cinéma.

Le livre aborde les nombreux défis que Kurt Weill a rencontrés dans l'industrie cinématographique française des années 1930 dans son désir de travailler avec des réalisateurs de renom malgré son talent musical incontestable. Il a réussi à collaborer avec certains artistes français et à produire des chansons qui ont connu un certain succès, mais sa carrière a été surtout marquée par des occasions manquées.

Weill admirait des réalisateurs tels que Jean Renoir et René Clair mais avait du mal à trouver du succès dans l'industrie. Il avait un peu d'espoir lorsque Ernst Lubitsch a essayé de l'aider, mais finalement, ses projets n'ont pas réussi à prendre de l'ampleur. Marlene Dietrich, qu'il avait connue à Berlin, lui a offert une chance de travailler sur un film musical pour Paramount avec le réalisateur Joseph von Sternberg. Weill était enthousiasmé par cette opportunité et a exprimé sa volonté de retarder d'autres projets pour travailler sur le film. Cependant, avec le temps, Weill est devenu de plus en plus sceptique quant à la concrétisation du projet en raison de désaccords financiers et d'un manque de communication de la part de Dietrich et de Sternberg. Finalement, le projet a été abandonné, laissant Weill désillusionné par l'industrie cinématographique.

Il est évoqué les succès, notamment la publication de deux chansons françaises pour l'artiste de music-hall Lys Gauty, admiratrice de Weill. Bien que Lys Gauty soit maintenant oubliée, elle était une chanteuse à la voix unique et à la diction parfaite, qui avait connu un grand succès. Une de ses chansons les plus célèbres, "A Paris dans chaque faubourg", pour le film "14 juillet " (1933) de René Clair, a été composée par Maurice Jaubert et Jean Grémillon (qui deviendra un cinéaste célèbre).

À cette époque, de nombreux films nécessitaient une chanson sur leur bande sonore, et ces chansons étaient souvent diffusées à la radio. Les chanteurs et leurs agents étaient dominants sur le marché de la variété, d'autant plus que certains étaient devenus des stars de cinéma, comme Jean Gabin. Bien que Kurt Weill ait signé un contrat avec les Éditions Heugel, ses tentatives de produire des productions réussies en France n'ont pas abouti.

Les occasions manquées pour Weill dans l'industrie cinématographique concernent des réalisateurs tels que Renoir et Clair. Weill avait des idées intéressantes dans le domaine de la musique de film, rejoignant celles de Maurice Jaubert, le musicien qui lui a ouvert les portes de cette industrie, mais dont les efforts pour le recommander n'ont pas abouti. Bien que Jaubert ait été un mentor pour Weill, leur relation amicale n'a pas conduit à une collaboration fructueuse dans le cinéma français. Weill a même été invité aux studios de Joinville de la Pathé pour assister au tournage des Misérables (série de trois films français de Raymond Bernard réalisés en 1933, avec la musique de Jaubert). Il rêvait de composer la musique pour des films réalisés par Jean Renoir qu'il admirait, pour René Clair avec qui il avait sympathisé, pour Fritz Lang qu'il admirait également, mais il n'a jamais travaillé avec René Clair, et seulement une fois avec Fritz Lang pour le film "You and Me" ("Casier judiciaire", 1938). Malheureusement, la musique qu'il aurait pu et peut-être dû faire pour "Les bourreaux meurent aussi" (1943), un film de Lang sur un scénario de Brecht, a été confiée à un autre compositeur émigré nettement plus "brechtien", Hanns Eisler. Par ailleurs, la seule et unique fois où Jean Renoir et lui se rencontreront pour un travail commun, ce sera pour l'un des films les moins importants de la filmographie renoirienne, le court-métrage produit en Amérique "Salute to France" (1944), considéré comme un film de propagande américain pour éduquer les soldats américains qui partaient en France pendant la guerre. Weill aurait pu composer bien davantage si le cinéma avait fait appel à lui. 

KURT WEILL EN FRANCE (ALAIN JOMY) :


par Benoit Basirico, d'après le livre de Alain Jomy


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