Mission impossible 3 (Michael Giacchino), une symphonie explosive

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par Quentin Billard

- Publié le 01-01-2006




Michael Giacchino retrouve J.J. Abrams après les séries TV Alias et Lost et renoue avec l'esprit de la série originelle avec les percussions et cuivres hérités du thème de Lalo Schifrin, jusqu'à en proposer une nouvelle version.

Michael Giacchino a été un choix plus qu'indiqué pour la musique de MI3, étant donné que le compositeur avait déjà collaboré précédemment avec J.J. Abrams sur les séries TV Alias et Lost. Fort de cette collaboration fructueuse, il s'est permis le luxe d'écrire pour MI3 une vaste partition symphonique survoltée, destinée à un orchestre de 112 musiciens (un record, sans aucun doute !). Pas besoin de préciser qu'enregistrer avec un nombre aussi époustouflant de musiciens a nécessité d'importants moyens. Les musiciens étaient disposés par pupitres derrière des parois, les plus éloignés regardant le chef d'orchestre sur un téléviseur, pendant que Tom Cruise lui-même s'amusait à diriger l'orchestre lors de la reprise du célèbre thème de Lalo Schifrin composé pour la série TV originale. Le score de MI3 ressemble donc à une énorme bande originale d'action reprenant le thème de "Mission Impossible" dans sa forme originale (exit les reprises hard-rock à la Hans Zimmer !) ainsi que le thème de 'The Plot', toujours écrit par Lalo Schifrin. Pour le reste, Giacchino nous propose deux nouveaux thèmes, un thème martial pour accompagner les interventions forceful de l'équipe du FMI et un 'Love Theme' plus mélancolique et intime pour représenter la relation entre Ethan et Julia. Bien sûr, la partition s'ouvre par une superbe reprise orchestrale du thème de Lalo Schifrin dans toute sa splendeur, toujours aussi majestueux et entraînant avec son rythme effréné à 5 temps, suivie du premier morceau d'action du score, 'Factory Rescue', pour la séquence de la mission introductive à Berlin, où Ethan et son équipe tentent de sauver l'agent Lindsay Farris détenue dans une usine. Le thème de la FMI est accompagné de rythmes de tambour militaire sur une base de cuivres, les cordes semblant tournoyer autour d'elles-mêmes pour symboliser le danger et la montée de la tension annonçant l'attaque imminente sur l'usine. On retrouve même de petits rythmes de bongo empruntés à la musique de Lalo Schifrin (avec ses flûtes très 'sixties', parfois jouées en 'flatterzunge', une technique consistant à faire rouler la langue pour obtenir un son plus spécifique) et un amusement orchestral qui devient rapidement évident. 

Avec "Évacuation", les choses semblent s'accélérer considérablement. Timbales, cordes surexcitées, cuivres sourds et percussions militaires s'unissent pour créer à l'écran cette sensation de tension, d'excitation et de danger. Le thème cuivré de l'FMI est toujours présent et se métamorphose en véritable thème d'action. On note ici une écriture très prononcée pour les cuivres, les cors, trombones et trompettes se faisant plaisir dans un style d'écriture typique de Michael Giacchino. On discerne même parfois l'influence de John Williams dans la manière dont le compositeur écrit pour l'orchestre, Williams restant comme toujours une influence majeure pour le jeune compositeur. En tout cas, avec "Évacuation", première grosse explosion orchestrale de la partition, Giacchino démontre qu'il sait écrire de grands morceaux d'action parfaitement maîtrisés avec un amusement orchestral qui lui est propre. L'action se prolonge avec la poursuite en hélicoptère dans l'époustouflant "Helluvacopter Chase", 3 minutes palpitantes dans la lignée de "Évacuation". On note une utilisation très intéressante des percussions ici aux rythmes très soutenus, mêlant timbales, caisse claire et tambours. La musique apporte une intensité assez captivante aux images du film, depuis le début jusqu'à la fin de l'histoire.

L’autre facette plus dramatique et émotionnelle de la partition de MI3 transparaît alors dans un morceau comme ‘Special Agent Lindsey Farris’, très belle mélodie poignante pour cor, cordes et harpe pour la scène de la mort de Lindsey vers le début du film. Le style plus mélancolique et amer du morceau rappelle d’ailleurs certains passages dramatiques du score de Lost du même Giacchino, preuve que le compositeur commence à avoir un style qui lui est propre, même s’il reste encore sous de nombreuses influences. On reste d’ailleurs dans l’émotion avec ‘Ethan and Julia’ dans lequel le compositeur nous dévoile son très beau ‘Love Theme’ confié à un piano sur fond de cordes, permettant à la musique de respirer un bon coup avant de futurs grands moments de bravoure. Justement, ‘Humpty Dumpty Sat On a Wall’ nous permet de repartir dans l’action pendant plus de 5 minutes durant la séquence particulièrement intense du Vatican, où Giacchino s’amuse à reprendre le thème de Lalo Schifrin et son thème de la FMI. Le morceau rythme la séquence de l’infiltration et des préparatifs de la mission avec un brio digne des anciennes partitions de Lalo Schifrin pour la série TV. Idem pour le très fun ‘Masking Agent’ et son atmosphère d’infiltration/montée de tension incessante et un orchestre assez coloré toujours accompagné des bongos et des flûtes ‘sixties’ à la Schifrin, suivi de ‘Voice Capture’ et ‘See You in the Sewer’ qui reprend le thème de "Mission Impossible", plus que fun que jamais, marquant la fin de la mission au Vatican. On continue avec divers morceaux d’action comme ‘Davian’s Brought In’, l’excitant et frénétique ‘Bridge Battle’ pour l’hallucinante séquence de l’affrontement sur le pont (4 minutes 13 de furie orchestrale pure, autant sur l’album que dans le film), le sombre et agressif ‘Davian Gets The Girl’, le tourmenté ‘IMF Escape’ et son ostinato de cordes obsédant suivi du thème d’action de la FMI, le très tendu ‘Shang Way High’ et le très intense ‘The Chutist’ pour l’incroyable scène du saut sur le toit de l’immeuble à Shanghai (le thème de la FMI restant toujours très présent), accompagné par une série de percussions sur un rythme excitant à 5 temps, inspiré du thème de Schifrin. En bonus, le compositeur nous offre quand même la démo qu’il avait enregistré un an auparavant dans ‘Schifrin & Variations’ où il nous propose une série de variations autour du thème de Lalo Schifrin, idéal pour conclure cette partition en beauté.

La musique de MI3 conserve ainsi ce même fun et cette énergie du début jusqu’à la fin du film, les excitants ‘Hunting for Jules’ (avec son motif tournoyant hypnotisant et intrigant se baladant d’un instrument à un autre) et ‘World’s Worst Last 4 Minutes to Live’ venant nous conforter dans l’idée que nous avons à faire ici à un score d’action totalement maîtrisé et d’une incroyable intensité, tout à l’image du film de J.J. Abrams. La taille démesurée de l’orchestre utilisé par Michael Giacchino a sans aucun doute largement contribué à apporter une telle puissance et une telle intensité aux nombreux morceaux d’action du score de MI3, qui n’ont rien à envier aux meilleurs passages d’action de la BO de Danny Elfman pour le premier opus de Brian De Palma. Incontestablement, Giacchino semble avoir pris un malin plaisir à écrire cette grosse partition orchestrale démesurée pour la troisième aventure d’Ethan Hunt et son équipe de "Force Mission Impossible". Si l’ensemble demeure toujours sous influence et pas très original en soi, la musique possède quand même suffisamment de qualité pour se hisser au dessus des productions musicales habituelles pour ce type de film. Exit ici les traditionnels synthétiseurs et effets électro à la mode. Giacchino se sert de l’orchestre symphonique dans son intégralité, privilégiant tous les pupitres avec une aisance toujours systématique et un fun constant, qui transparaît assez bien dans le film même si on regrettera une fois encore un mixage musical peu généreux qui tend à noyer le score sous des tonnes d’effets sonores.

Vous l’aurez donc compris, MI3 impose une fois encore Michael Giacchino comme un jeune talent d’Hollywood qui, s’il n’a pas encore acquérit une personnalité musicale forte et indéniable, continue de mener son petit bonhomme de chemin dans une industrie cinématographique toujours en panne de talent. Il faut croire que ses participations aux films de J.J. Abrams ont un effet bénéfique sur l’inspiration de Giacchino qui nous prouve que les gros scores d’action orchestraux à l’ancienne sont loin d’être mort ! Heureusement que des compositeurs comme Michael Giacchino sont encore là pour continuer d’alimenter un style orchestral plus authentique et classique à la John Williams à Hollywood.

par Quentin Billard


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