Forrest Gump (Alan Silvestri), une douceur innocente

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par Quentin Billard

- Publié le 01-01-2008




Silvestri a écrit pour 'Forrest Gump' l'une de ses plus belles partitions et sans aucun doute son oeuvre la plus poétique et la plus touchante sur le plan émotionnel. Silvestri a réussi à capter tous les aspects de l'histoire, que ce soit la naïveté et l'innocence de Forrest Gump, son histoire d'amour avec Jenny, ses moments de mélancolie, ses moments de réussite et les différentes périodes de trouble qu'il doit endurer tout au long de ces cinquante années à travers une partie de l'histoire des Etats-Unis. 

Se basant autour de quelques thèmes importants (quatre grands thèmes en tout), Silvestri construit une partition à la fois simple, modeste et émouvante. Le thème principal du score évoque très clairement le personnage de Forrest Gump en ouverture du film ('I'm Forrest...Forrest Gump') alors que l'on voit à l'écran une plume voler dans les airs avant d'atterrir près de Forrest. Cette plume légère qui vole avec le vent pourrait symboliser le côté léger et doux (comme une plume) du personnage de Forrest, de même qu'à l'instar de la plume, Forrest traversera les périodes en gardant sa légèreté, en se laissant porter par le temps sans vraiment se soucier des troubles qui l'entoure (même s'il comprend que la guerre au Viêt-nam fut une véritable horreur et un profond traumatisme pour les américains). Silvestri entame alors son très beau thème principal qui suit le mouvement de cette petite plume et ce à l'aide d'une mélodie très simple et pourtant très émouvante et qui évoque le côté à la fois naïf, innocent et sensible du personnage. La douceur innocente du personnage est évoquée par le piano tandis que des cordes viennent apporter une certaine chaleur émouvante à ce très beau thème principal, probablement l'un des plus beaux thèmes écrit par Silvestri tout au long de sa carrière. On prolonge cette atmosphère de simplicité naïve et douce-heureuse dans le très paisible 'You're not Different' qui utilise un petit thème de piano plein de modestie, de douceur et de simplicité, tout à l'image du personnage de Forrest Gump. 'You're not Different' évoque avec une certaine nostalgie enfantine la jeunesse de Forrest (on pense par exemple aux pièces enfantines écrites par Robert Schumann pour ses fameuses 'Scènes d'Enfants') tout en conservant ce côté tranquille et extrêmement simple et qui nous va droit au coeur, comme pour le thème principal.

'You can't Sit Here' introduit le troisième thème que l'on retrouvera plus souvent tout au long du score, un thème plus dramatique qui évoque les moments plus tristes de la vie de Forrest (ici, cela évoque le fait qu'il est rejeté par les autres enfants de son âge). Introduit par une clarinette et des cordes pleine de douceur, ce thème annonce déjà les moments difficiles que Forrest va devoir affronter tout au cours de sa vie. Enfin, le quatrième thème intervient dans 'Run Forrest Run', un thème aux accents plus héroïques et entraînant (cordes et cuivres), et qui apparaît dans la scène de la fameuse réplique 'cours Forrest, cours!' où Forrest découvre qu'il sait courir plus vite que les autres. Ce thème triomphant évoquera aussi l'ascension sociale de Forrest dans la société tout en soulignant son côté de héros malgré lui. Dans 'Run Forrest Run', ce thème optimiste exprime la volonté de se dépasser pour accomplir des exploits (scène où le petit Forrest brise ses béquilles et se met à courir) avec un côté plein d'espoir et de détermination. Avec ces quatre grands thèmes, Silvestri a parfaitement cerné les différents aspects de l'histoire, nous prouvant une fois de plus qu'il n'est jamais autant inspiré que lorsqu'il travaille sur un film de Zemeckis.

'The Crimson Gump' reprend le thème héroïque sous une sorte de marche triomphante avec un rythme entraînant de percussions quasi martiales. Silvestri transforme véritablement Forrest en 'héros' acclamé dans la scène du match où il bluffe tout le monde en courant plus vite que tous les autres joueurs. Mais l'on retiendra surtout dans cette première partie du film le magnifique 'They're Sending me To Vietnam', lorsque Forrest et Jenny sont amenés à se séparer et que Forrest lui annonce qu'il doit partir au Viet-nâm. Silvestri fait intervenir un très beau thème de cordes (repris ensuite au piano) réellement poignant et qui fleure bon une certaine touche de nostalgie voire de mélancolie, Forrest ressentant réellement la tristesse du départ de Jenny qu'il aime depuis toujours mais qui n'a jamais vraiment encore accepté son amour, Jenny croyant de manière très injuste que Forrest ne sait pas ce que sait que l'amour (alors que toute personne humaine vivant sur cette terre a au moins une fois ressenti le sentiment de l'amour dans sa vie, le vrai amour, celui que l'on ressent profondément au fond de soi). Mais c'est le sombre 'I Ran and Ran' qui se dégage un peu du reste du score par son côté très sombre et une certaine gravité qui évoque le malaise de la guerre et que Forrest ressent très bien au combat (notons ces légers coups de timbales qui sonnent presque de manière funèbre dans la scène). Dans 'I Had a Destiny', on retrouve le côté nostalgique et mélancolique de 'They're Sending me To Vietnam' et notamment à l'aide d'un piano fragile soutenu de manière minimaliste par quelques cordes toujours très douces et une clarinette, tout cela pour la scène de l'hôpital où le lieutenant Dan Taylor (superbe Gary Sinise, un acteur décidément plein de talent) parle de destiné à Forrest en lui expliquant que nous avons tous un destin dans notre vie. Après l'élan romantique de 'Washington Reunion' (scène où Forrest et Jenny se retrouvent après la guerre lors d'un discours que donne Forrest à Washington à propos de la guerre) et l'arrangement par le compositeur lui même de la chanson 'Jesus on The Main Line' qui évoque avec un côté gospel la famille de Bubba (scène où Forrest parle à Bubba devant sa tombe), on retrouve le thème dramatique de 'You can't Sit Here' dans le très beau 'Jenny Returns' pour une nouvelle scène émouvante où Forrest retrouve Jenny après plusieurs années d'absence. Ce sont les cordes chaleureuses qui expriment avec un côté plein de poésie et de tendresse l'émotion que ressent Forrest alors que son amie de toujours qu'il aime profondément revient finalement auprès de lui.

A partir de 'The Crusade' et une superbe reprise magistrale et triomphante du thème héroïque, on entre dans la dernière partie du film, et ce à partir de la scène où Forrest se lance dans une course frénétique qui durera pendant quelques années, Forrest passant à nouveau pour un héros et ce malgré lui. C'est toujours avec une extrême douceur et une très grande simplicité que Silvestri évoque les émotions et les sentiments de ce personnage simpliste mais tellement humain au fond de lui. Nous le prouve ainsi le très touchant 'Forrest Meets Forrest' pour la scène émouvante où Forrest rencontre son fils (belle reprise d'une partie du thème dramatique au piano). Dans 'The Wedding Guest', on retrouve le petit thème touchant de 'I Never Thanked You' son amitié touchante avec le lieutenant Dan Taylor avec qui Forrest restera ami même après la guerre et dans les moments difficiles pour Dan (il a perdu ses deux jambes au combat). Dans 'The Wedding Guest', Forrest retrouve Dan qui vient à son mariage avec sa fiancée. Silvestri confie la mélodie de ce thème à un hautbois très délicat plus quelques cordes toujours très douces et poétiques. Mais Forrest arrive à la fin de son aventure à partir de l'amer 'Where Heaven Ends' et qui évoque la tristesse de sa séparation avec sa mère (brillante Sally Field) qui meurt heureuse auprès de son fils qui l'aura aimé et protégé toute sa vie. (notons ici le côté extrêmement résigné des cordes et la gravité du basson) Les larmes dans les yeux et la tristesse dans la voix, Forrest s'adresse à Jenny devant sa tombe après sa mort, Silvestri évoquant dans le triste 'Jenny's Grave' sa souffrance de voir disparaître ainsi les êtres qui lui sont chers, surtout Jenny, la seule femme qu'il a aimé avec une sincérité rare et touchante tout au long de sa vie. Les cordes résignées avec une clarinette douce introduisent avec délicatesse la scène avec que le piano ne prenne le relais (le tout avec une certaine retenue et un côté très simple et modeste évitant toute effusion sentimentale grandiloquente ou larmoyante) et c'est finalement 'I'll Be Right Here' qui permet de conclure cette magnifique histoire avec un nouveau plan de la plume qui vole se faisant avec le retour du superbe thème principal aux cordes avec le piano. Enfin, impossible de ne pas vibrer pour le magnifique 'Suite from Forrest Gump' qui reprend pour le générique de fin le thème dramatique, le thème d'enfance (celui de 'You're Not Different'), le thème héroïque et surtout, une magnifique reprise du thème nostalgique de 'They're sending me To Vietnam' illustré par des choeurs inattendus profondément poignant et qui viennent apporte une touche d'émotion supplémentaire au sein d'un score finalement très émouvant.

Composition poétique, délicate et touchante, le score de 'Forrest Gump' est l'illustration parfaite dans le film de la vie de ce simplet au grand coeur à travers une société en plein changement. A l'instar de l'ouverture du film pleine de poésie, Forrest Gump est une musique que l'on écoute en se laissant bercer par le charme à la fois poétique et dramatique de cette très belle partition, un score qui brille par la modestie de son effectif (malgré un orchestre plus imposant pour les passages triomphants) et le ton sobre et extrêmement tendre de l'ensemble de sa musique, et qui crée une atmosphère émotionnelle très présente au sein du superbe film de Zemeckis. Chef-d'oeuvre de la collaboration Zemeckis/Silvestri, 'Forrest Gump' est ce style de musique qui nous hante après plusieurs écoutes. Une oeuvre de référence pour Silvestri!

par Quentin Billard


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