Les Marches Du Pouvoir (Alexandre Desplat), le Spectre de l'émotion politique

,@,ides_of_march,desplat, - Les Marches Du Pouvoir (Alexandre Desplat), le Spectre de l'émotion politique


par Quentin Billard

- Publié le 01-01-2008




Alexandre Desplat travaille pour la première fois pour une réalisation du comédien Georges Clooney (son quatrième film après "Confessions of a Dangerous Mind" en 2002, "Good Night, and Good Luck" en 2005, et "Jeux de dupes" en 2008). 

Alexandre Desplat signe une partition minimaliste et intime pour « The Ides of March », un score qui sait aussi se faire dense et plus dramatique lorsque l’occasion s’en présente. Plutôt réservée, la musique de Desplat suggère les sentiments de Stephen Meyers tout au long du film, entre idéalisme politique et désillusion, accentuant les idées de trahison, manipulation et ambition politique. Le score débute avec un « The Ides of March » plutôt sombre, dominé par un premier thème de cordes aux consonances solennelles et dramatiques, et une mélodie qui tournent bien souvent autour de deux notes, de façon hésitante. Le caractère ambigu du thème est renforcé ici par l’alternance judicieuse entre accords majeurs et mineurs, avant de se conclure sur une trompette solennelle et quelques roulements de caisse claire. Le thème suggère clairement les ambitions politiques du sénateur Mike Morris et les désillusions de Meyers, avec un soupçon de patriotisme discret et résolument ambigu. Ce thème sera repris à plusieurs reprises dans le film, développé et varié suivant les occasions, comme dans « The Campaign » où il est confié à un piccolo sur fond de caisse claire martiale (pour les scènes de campagne politique médiatisée du sénateur). Les rythmes martiaux accentuent d’ailleurs l’idée de la conquête du sénateur, comme s’il s’agissait d’une banale conquête militaire. On retrouve aussi le thème dans « The Candidate », qui se rapproche de l’ouverture, toujours dominé par des cordes. Mais ici, le thème prend une tournure plus imposante et patriotique avec la trompette et les roulements de caisse claire. La seconde partie du morceau permet à Alexandre Desplat d’utiliser un rythme pop/funky plutôt réussi, avec l’ajout de guitare, basse, batterie, cloches, vents et cordes, une excellente reprise plus rythmique du thème dans un style que n’aurait certainement pas renié Michael Small ou David Shire dans les thrillers conspirationnistes/paranoïaques des années 70. Le caractère déterminé du thème principal prend ici tout son sens dans « The Candidate », à l’image de la volonté politique acharnée de George Clooney dans le film, que rien ni personne ne semble pouvoir arrêter. Le thème revient de façon plus minimaliste au piano, avec percussions, basse, trompette et cordes dans « Doubt », suggérant les premiers doutes de Meyers au sujet de son idole.

« Undercurrents » accompagne les activités journalières de Stephen Meyers dans les préparatifs de la campagne politique de Morris avec le même mélange basse/cordes/piano, tandis que « Behind the Flag » développe l’aspect plus patriotique de la musique de « Ides of March » avec une trompette et une fanfare de cuivres résolument solennelle. Dans « Paranoia », on retrouve un style pop plus proche des travaux de Small et Shire sur les thrillers 70’s, notamment dans le jeu de la basse et de la batterie. A noter ici l’utilisation réussie d’un violoncelle électrique et d’une harpe, qui apportent un éclairage particulier à la musique, renforçant le sentiment paranoïaque du film de Clooney. Dans « Molly’s Solitude », Desplat évoque le personnage de Molly Stearns sur un angle minimaliste et intime, avec un ostinato mélodique de basse, quelques notes de harpe, de piano et des tenues plus mélancoliques des cordes. Puis, progressivement, « Molly’s Solitude » entame un crescendo dramatique de cordes plus élégiaques et poignantes, à mesure que Molly se renferme sur elle-même et comprend qu’elle est piégée par une situation impossible. On appréciera aussi l’approche minimaliste et retenue de « Molly » avec son motif accompagné de synthétiseurs, marimba, piano, harpe, basse et cordes. Desplat accentue régulièrement l’utilisation d’ostinato de guitare basse pour suggérer la tension dans « Zara vs. Duffy », avec l’ajout de notes mystérieuses du violoncelle électrique. On appréciera aussi le jeu délicat, nuancé et résigné du violoncelle électrique de Vincent Segal dans « The Intern », tout comme celui du piano dans « Stephen Meyers ». Enfin, l’idée de la trahison culmine dans « The Betrayal », où le thème est repris de façon lente et amère par des pizz avant de se conclure sur une reprise robuste et énergique du thème aux violoncelles/contrebasses sur fond d’ostinato martial entêtant. « Lobbying » semble calmer le jeu avec l’emploi plus prononcé de synthétiseurs de rythmes électro sur fond de cello électrique et de basse, tandis que « Fired » apporte un crescendo de tension similaire au final de « Lobbying ». Alexandre Desplat nous offre donc une partition minimaliste plutôt réussie pour « The Ides of March ». Sans révolutionner le genre, la musique de Desplat sait se faire discrète quand il le faut, et apporter un éclairage émotionnel ou dramatique aux scènes-clé du film de George Clooney, tout en renouant avec un style hérité des musiques de thrillers paranoïaques des années 70. Le résultat est très satisfaisant, sans laisser pour autant un souvenir impérissable. Mais à l’écran, le cahier des charges est rempli, car la musique apporte la dose nécessaire de tension, de mystère et d’émotion sans jamais en faire de trop. En tout cas, les fans d’Alexandre Desplat apprécieront à coup sûr cet opus musical plus minimaliste et réservé, mais néanmoins très réussi !

par Quentin Billard


En savoir plus :

Vos avis