Interview B.O : Alexandre Azaria

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Entretien réalisé à Paris le 19 décembre 2005 par Benoit Basirico et Sylvain Rivaud. - Publié le 19-12-2005




Habitué des productions de Luc Besson avec Vincent Pérez derrière la caméra (Peau d'Ange) ou devant (Fanfan la Tulipe), avec pour le premier des nappes envoûtantes, et pour le second un amusant melting pot d'influences symphoniques. Il signa ensuite trois scores très différents : Les Dalton, Le Transporteur II et La Vie est à nous. Il monte d'un cran avec Asterix et les vikings dont la musique s'avère très majestueuse et judicieuse.

Nous avons rencontré le compositeur de FANFAN LA TULIPE dans son studio parisien. Il nous parle de sa nouveauté LA VIE EST A NOUS ainsi que de ses projets dont le film d'animation ASTERIX ET LES VIKINGS.

Tes premières partitions pour le cinéma sont signées sous le pseudo « Replicant »…

J'avais ce nom d'artiste « Replicant » en tant que remixeur. Je faisais beaucoup de remixes. Ma particularité était le mélange de musiques de films et de chansons. J'ai toujours fais cela sous ce nom. Je fais toujours en ce moment des productions pour de la pop. Je l'ai quitté désormais car j'ai eu, à un moment donné, envie de me faire appeler par mon vrai nom. J'aurais pu, si j'y avais pensé, adopter mon nom d'artiste « Alexandre Azaria » plus tôt.

Tu as aussi travaillé avec le groupe Indochine entre 1995 et 1997…

J'ai été guitariste pour le groupe et j'ai co-produit et co-réalisé un album appelé « Wax ». Je joue moi-même de la guitare pour mes propres compositions de cinéma.

La rencontre avec Vincent Perez pour PEAU D'ANGE a été déterminante…

Ce fut très simple. Vincent a écouté un disque au milieu d'une pile d'autres CD puis il est tombé sur la musique de COMME UN POISSON HORS DE L'EAU que j'avais composée. Il ne voulait pas de ce genre-là comme musique dans son film, mais cela lui évoquait des images, donc il m'a appelé. Ça m'a fait plaisir car un film, c'est un vrai cadeau ! C'était une production EuropaCorp, donc la suite de ma carrière en découle. J'ai fait une courte séquence d'action à la fin du film LE TRANSPORTEUR, sur lequel Stanley Clark était le compositeur principal. Ce fut la raison pour laquelle j'ai fait LE TRANSPORTEUR 2 par la suite. C'était un test car ce sont de gros films. Pour FANFAN LA TULIPE, je n'avais que deux films derrière moi…

Comment aborder un gros projet tel que FANFAN LA TULIPE ? En puisant dans ses inspirations, comme LA GRANDE EVASION ?

C'était la panique, et un rêve en même temps. Je n'ai pas pensé à LA GRANDE EVASION mais simplement à une marche militaire. Cette musique vient servir la comédie donc il fallait le faire dans ce sens là. Cependant, cet aspect de FANFAN LA TULIPE demeure anecdotique car ne représente que cinq minutes sur les 71 minutes du score.

La musique que tu aimes n'est pas forcément la meilleure pour un film. Parfois, on m'a demandé de faire des choses loin de moi. Pour LA VIE EST A NOUS, on m'a demandé de faire une valse "fellinienne", ce que je n'avais jamais fait auparavant. La musique de film permet de s'attaquer à des musiques que tu ne connais pas, d'expérimenter, c'est fabuleux. Personnellement, l'urgence, le peu de temps alloué pour composer, me stimule.

Concernant mes inspirations, c'est vrai que je suis un fan de John Williams, ce mec est un génie, mais lui aussi a été inspiré, mais cette fois-ci par les musiques classiques, Stravinsky, Prokofiev, Ravel... C'est l'un des plus grands compositeurs de musique de films, et même des compositeurs tout court. J'ai commencé à faire de la musique de films en écoutant John Barry.

Malgré ces influences, nous ressentons qu'une oeuvre personnelle se dégage…

C'est avec le recul que je me rends compte de l'unité. Mes orchestrateurs me disent qu'il y a une "patte" mais on y trouvera toujours une certaine forme de référence. La musique hollywoodienne, c'est la musique que j'aime, c'est d'elle dont je me nourris. Lorsque j'aurai plus d'expérience, je pense que je m'approprierai une certaine forme de style. On peut dire que les BO qui me ressemblent le plus sont PEAU D'ANGE et LE TRANSPORTEUR 2 malgré la présence, dans ce dernier score, de sonorités électroniques proche du style de Hans Zimmer demandées par le producteur, car un producteur peut aussi demander des choses. FANFAN LA TULIPE, par contre, est très classique.

Tu as abordé la comédie avec le film de Francois Desagnat et Thomas Sorriaux, LA BEUZE…

Ca s'est bien passé. Musicalement, rien à voir avec mes autres films. Je l'ai fait juste avant FANFAN LA TULIPE.

Ta musique pour ce film n'est pas dans le CD…

Non, c'est une compilation de Hip-hop, c'est désolant, mais je ne peux pas lutter contre ce genre de chose. Ils veulent vendre des disques. Je comprends mais j'aime bien lorsque le score est intégré au sein d'un disque. Tant que les morceaux chantés sont dans le film, ça me va, mais je n'aime pas les chansons ajoutées pour vendre un disque. D'ailleurs, des chansons, j'en compose et j'en écris moi même (celles de LA VIE EST A NOUS, par exemple).

Ta relation de travail avec Gérard Krawczyk sur LA VIE EST A NOUS ?

Gérard est humainement très bien, très gentil, un type rempli de respect. Au départ, il ne voulait que du blues dans son film, et Paul Personne avait été contacté pour cela, puis il s'est rendu compte que le blues ne fonctionnait pas sur l'ensemble du film, il a donc été gêné et m'a demandé de l'aide. Je lui ai donné un CD de mes compositions en lui offrant la possibilité d'en faire ce qu'il voulait au montage. Il avait beaucoup aimé l'univers de PEAU D'ANGE, par exemple. Au début, il ne devait pas y avoir autant de musique, et au final il y en a quand même quarante minutes !

Comment cela se passe t-il avec Luc Besson, en tant que producteur ?

Le travail avec Luc est très agréable. Il sait ce qu'il veut, il ne revient jamais sur ce qu'il a dit, il a une culture de l'image et de la musique de films assez pointue. Tout ce qui aide l'image est appréciée. Il est sensible au montage et tout le langage musical qui peut apporter quelque chose au film est important pour lui. Il entre de manière chirurgicale dans le processus sans que je me sente retenu ni frustré. Il n'a aucun préjugé. Il ne se gêne pas pour demander des modifications mais lorsqu'il pose un problème, il aide toujours à apporter une solution. Son influence est à l'image, et si la musique va dans ce sens, il est partant. Il a une dialectique du score qui m'a surprise. Lorsqu'il est producteur d'un des films, cela rassure car il est d'une extrême « constructivité ».

Eric Serra, à la tête du label « Recall Music For Films » qui distribue notamment le CD du TRANSPORTEUR 2 intervient t-il dans ton travail ?

Non, je ne connais pas Eric Serra. Que ce soit Recall ou Milan (qui édite LA VIE EST A NOUS), ces deux principaux labels français de BO font un très beau travail. Mais je ne sais pas si on vend plus de disque pour autant. De toute manière, la musique de film ne sert pas à vendre des disques, faut bien comprendre cela. Lorsqu'on crée des costumes pour un film, on ne cherche pas à les revendre après. Si ça fait un carton comme LES CHORISTES ou LE GRAND BLEU, c'est une bénédiction, c'est la preuve qu'elles peuvent s'écouter en dehors du film.

Procèdes-tu à un travail particulier en vue de l'édition discographique de tes musiques ?

Je fais du remontage. Par exemple, pour ASTERIX ET LES VIKINGS qui sort au mois d'avril 2006, c'est un film d'animation, avec beaucoup de paroles, et les morceaux sont de courte durée : l'orchestre s'est lancé 60 fois (équivalent des 60 pistes d'un disque). C'était laborieux à enregistrer, mais je ne pouvais pas faire autrement. Il y a donc 55 minutes de score enregistrées en 60 morceaux. Mais il y a forcement des redites, donc je ne mets pas tout sur le CD et je remonte les morceaux pour les regrouper.

Comment es-tu arrivé sur ce gros film d'animation ?

Je suis sorti vainqueur d'une compétition de 5 compositeurs.

Pour ce film, il s'agit d'une musique symphonique avec le « London Session Orchestra » (à ne pas confondre avec le London Symphony Orchestra). Une chanson de Céline Dion clôturera le film.

Comment travailles-tu pour l'orchestre, avec les orchestrateurs ?

Je donne aux orchestrateurs les cordes, les cuivres et les percussions séparées avec des fichiers midi. J'écris sur ordinateur la musique de chaque instrument (et non sur partition).

Je suis très fier du score d'ASTERIX ET LES VIKINGS. Le thème des vikings, c'est de la musique hollywoodienne, un langage universel.

[Alexandre nous fait écouter un extrait : envolées de cordes lyriques et romantiques, duo de thèmes, voix de chœurs, musique aérienne, puis violon solo].

D'autres projets ?

Je vais faire la musique d'un autre film d'animation intitulé VALÉRIAN, adapté de la bande dessinée [de science-fiction créée en 1967 par Pierre Christin et dessinée par Jean-Claude Mézières pour le journal « Pilote »] produit par EuropaCorp.

J'ai aussi fait de la musique additionnelle pour ANGEL-A, des musiques d'ambiance, un reggae, un morceau de hip-hop. Mais je n'ai encore pas vu le film, donc je ne sais pas où Luc as mis mes compositions. (rires)

Entretien réalisé à Paris le 19 décembre 2005 par Benoit Basirico et Sylvain Rivaud.

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