Antonio Carlos Jobim

Antonio Carlos Jobim

25/01/1927, Rio de Janeiro - 8/12/1994, New York.

Auteur, compositeur et chanteur, Jobim fut l’un des inventeurs de la bossa-nova. Il restera aussi comme l’un des rares musiciens populaires du 20ème siècle ayant réussi à marier complexité harmonique et raffinement mélodique avec un succès public jamais démenti.

Ses B.O notables : Orfeu Negro ( Marcel Camus , 1959) •

Articles / Biographies

Antonio Carlos Brasileiro de Almeida Jobim, surnommé également “Tom” Jobim, naît le 25 janvier 1927 dans une famille bourgeoise de Rio de Janeiro. Son père le destine au métier d'architecte mais l'enfant a déjà la musique de son pays dans la peau et écoute avec passion les grands sambistes (compositeurs de sambas) de l'époque comme Ary Barroso ou Dorival Caymmi puis également des compositeurs classiques comme Chopin et Debussy. Jobim parvient à prendre des cours de piano avec Lucia Branco puis en 1941 avec le musicien dodécaphonique d'origine suisse Hans Joachim Koëllreutter qui lui transmet l'art du contrepoint, de l'harmonie et surtout de l'épure mélodique qu'on pourra apprécier par exemple dans la musique presque atonale de Tempo do mar .

Jobim poursuit ses études d'architecture tout en jouant comme pianiste dans les inferninhos (boîtes de nuit ou clubs brésiliens de l'époque). Il devient transcripteur de partitions en 1953 pour les éditions Continental et commence à écrire quelques arrangements. En 1954, il compose la Sinfonía do Rio de Janeiro (en collaboration avec Billy Blanco) puis collabore avec le parolier Newton Mendoça sur plusieurs titres qui entreront dans la légende comme Samba de Uma Nota só , Meditação , l'émouvant Caminhos cruzados et surtout Desafinado repris plus tard par le guitariste et chanteur João Gilberto sur son premier disque.

Mais c'est en 1955, qu'il fait la rencontre sans doute la plus importante de sa carrière en devenant ami avec le poète et ancien diplomate Vinicius de Moraes. Il va signer en sa compagnie sa première musique de scène puis sa première musique filmique pour la pièce Orfeu Negro - audacieuse transposition du mythe d'Orphée et d'Eurydice dans les bidonvilles qui entourent la ville de Rio de Janeiro. La version cinématographique d' Orfeu Negro est ensuite confiée au réalisateur français Marcel Camus.

Malgré de superbes costumes, des images parfois très poétiques, un oscar et une palme d'or à Cannes en 1959, Orfeu Negro a aujourd'hui un peu vieilli mais sa bande originale (co-écrite avec Luis Bonfa) a eu un succès colossal. Des chansons aussi belles et émouvantes que Manhã de Carnaval ou A Felicidade comptent parmi les plus grands succès mondiaux de la bossa-nova, forme de musique populaire révolutionnaire basée à la fois sur le samba canção (samba chanté au style nostalgique et lyrique) et sur le jazz cool de l'époque (incarné par les nord-américains Chet Baker et Stan Getz).

Jobim signe la musique du film Porto das Caixas (1961) réalisé par Paulo Cesar Saraceni puis écrit en 1962 avec Vinicius de Moraes, la célèbre chanson Garota de Ipanema dont un film sera tiré en 1967. La légende dit que la chanson a été écrite après que les deux compères (qui sirotaient tranquillement un verre devant le bar Veloso situé en face de l'océan), aient vu déambuler Heló Pinheiro, une jeune fille à la démarche très sensuelle.

En 1965, il part pour la Californie, y rencontre Stan Getz, la chanteuse Miucha, Lalo Schifrin, Sergio Mendes et joue comme pianiste sur le mythique album Getz et Gilberto paru chez Verve et qui reste encore aujourd'hui comme l'un des disques de jazz les plus vendus au monde. Jobim jouera également avec le célèbre crooner Frank Sinatra en 1967. Il signe plusieurs albums jazz comme Wave (1967), Tide (1970) et Stone Flower (1970) sur lequel on trouve deux thèmes provenant de la bande originale du film The Adventurers ( Les derniers aventuriers , 1970).

The Adventurers , adaptation du best-seller “The Adventurers” de Harold Robbins, et réalisé par Lewis Gilbert est une longue fresque de presque trois heures narrant le destin d'un jeune homme dans un petit pays d'Amérique Latine en proie à la dictature. Malgré une surprenante composition de Charles Aznavour en banquier cynique et la présence du talentueux Fernando Rey dans le rôle du père du héros, le film a énormément vieilli et regorge de clichés dignes des plus mauvais James Bond. Mais la musique de Jobim orchestrée et dirigée par le talentueux Eumir Deodato (qui a également oeuvré pour de nombreux artistes dont Milton Nascimento, Astrud Gilberto, Frank Sinatra, Elis Regina ou même Björk) est paradoxalement une petite merveille. Le générique est un véritable joyau au style impressionniste et coloré dont on retrouvera d'ailleurs l'esprit dans le double album symphonique Terra brasilis (1980). Le titre Children's Games deviendra plus tard le célèbre morceau Chovendo Na Roseira (divinement chanté par Elis Regina en 1974). Mais le morceau le plus impressionnant reste tout de même le déchirant thème d'amour du film : Dax & Amparo , qui sera lui aussi adapté en chanson par Vinicius de Moraes et Chico Buarque sous le titre de Olha Maria (que l'on peut l'écouter sur le très bel album Construção de Chico Buarque).

Il écrit en 1970 l'étrange musique de Tempo de mar ( The time of the sea ), film de Pedro de Moraes.

Cronica da Casa Assassinada ( Chronicle of the Murdered House , 1971) - film obscur du brésilien Paulo Sarraceni, bénéficie lui aussi d'un écrin musical absolument somptueux. Présents sur l'album Matita perê (1973), des morceaux comme le très rythmé Trem para Cordisburgo , la chanson Chora coração et surtout le bouleversant et délicat Jardim abandonado (écrit pour piano, bois et cordes discrètes) sont tout à fait poignants.

Ecologiste convaincu, Jobim va élaborer des albums de plus en plus colorés et sophistiqués sur le plan orchestral et harmonique. C'est le cas notamment du magnifique Urubu (1976) orchestré par Claus Ogerman, qui lorgne aussi bien du côté de Claude Debussy que de son compatriote Heitor Villa-Lobos. Il n'abandonne pas pour autant le cinéma et compose en 1981 la musique Eu te amo ( I love you ) de Arnaldo Jabor.

On retrouve son inimitable style langoureux et sa délicieuse mélancolie dans Para viver um grande amor ( How to live a great love , 1983), film de Miguel Faria (en collaboration avec Chico Buarque) et sur la bande originale de Gabriela (1983), comédie sentimentale réalisée par Bruno Barreto (déjà auteur du film Dona Flor e seus dois maridos dont la chanson titre de Chico Buarque : O Que Será (A Flor Da Terra) deviendra très célèbre en France lorsqu'elle sera adaptée par Claude Nougaro sous le titre de Tu verras ). Gabriela , qui réunissait des stars comme Marcello Mastroianni, Sonia Braga et Antonio Cantanfora, tombera assez vite dans l'oubli mais les mélodies de Jobim avec les arrangements inspirés d'Oscar Castro Neves n'ont heureusement pas pris une ride.

Le thème d'amour de Gabriela apparaît sur Passarim (1987), album chaleureux et chamarré qui voit fleurir dans les textes de ses chansons les noms indigènes des différentes plantes et animaux tropicaux du Brésil.

En 1986, Jobim participe également à la musique du feuilleton télévisuel Anos Dourados (qui est doté d'une superbe chanson titre finement interprétée par Chico Buarque), puis du film Brasa Adormecida de Djalma Limonji Batista.

Peu après la sortie de son dernier album Antonio Brasileiro (1994), le compositeur succombe à des complications chirurgicales à l'hôpital du Mont-Sinaï de la ville de New York.

Dans sa maison construite en bois, verre et béton près de la forêt de Tijuca et à proximité d'une nature qu'il adorait, le grand musicien laissera une jeune veuve et plusieurs enfants et petits-enfants : Maria Luiza, João Francisco, Paulo, et Daniel Jobim qui ont repris le flambeau en participant activement aux derniers disques de leur père et en perpétuant son héritage musical. A ce titre, le site officiel du compositeur http://www2.uol.com.br/tomjobim/ qui est tenu par les membres de la famille Jobim, est une véritable mine d'or et propose même le téléchargement gratuit des meilleures partitions du maître !

Christian Texier

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