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Quelle est la différence entre la musique intradiégétique et la musique extradiégétique ?

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La musique au cinéma adopte une position par rapport à l'instance de narration. Soit elle se situe à l'extérieur du récit (comme en littérature un narrateur ou une description), soit à l'intérieur (comme la voix d'un
personnage). Pour désigner ces deux statuts, on utilise les formules linguistiques appropriées: extradiégétique / intradiégétique. Dans le premier cas, la musique est en dehors de l'action qui se joue à l'image, elle n'est alors pas entendue par les personnages. Elle ne provient d'aucune source identifiable dans le champ (à l'intérieur du cadre) ou le hors-champ (à l'extérieur du cadre). On peut employer plusieurs autres expressions (plus ou moins pertinentes) : "musique de commentaire", "musique d'accompagnement", "musique off", "musique de fosse" (par rapport aux orchestres du cinéma muet présents dans une fosse au moment de la projection).



La musique de source s'apparente à un décor, son rôle est généralement d'instaurer une ambiance neutre à une scène. Il apparaît moins vertueux pour un compositeur de livrer ce type de musique que pour intervenir sur un plan plus dramatique. Mais les plus grands sont passés par là. Maurice Jarre a pu par exemple écrire à ses débuts des airs jazzy pour des scènes de fêtes: «C'étaient des musiques de "surprise party". Dans la majorité des cas, le réalisateur utilise des disques préexistants, mais dans certains cas le compositeur doit aussi composer ces musiques là. Il est tout de même intéressant d'en écrire ».

Pierre Jansen avoue ne pas être à l'aise avec ce type de proposition: « La musique de source n'est pas de la musique de film. Il m'est arrivé d'en faire mais il s'agit d'une instrumentation qui m'est peu familière, ce que des arrangeurs de variété font mieux que moi». Dans La Soif du mal (de Orson Welles, 1958), la majorité des morceaux de Henry Mancini émane des boîtes de nuit, des juke-box, des autoradios ou des haut-parleurs d'un motel, mais le compositeur brouille la délimitation entre musique de source et "musique de film" en jouant sur les deux niveaux.

Cette musique IN n'est pas forcément qu'un gadget décoratif, elle peut être pertinente, non dénuée de sens pour le récit. Dans Fenêtre sur cour (de Alfred Hitchcock, 1954), l'intégralité des musiques est composée spécifiquement pour le film par Franz Waxman, et proviennent des appartements observés par le héros en face de sa fenêtre. Elle est interprétée par un pianiste, ou diffusée lors l'univers filmé. Les protagonistes l'entendent, que sa provenance soit visible dans le plan ou hors-champs. Typiquement, les musiques de concerts, de cafés, ou issues de l'autoradio d'une voiture appartiennent à cette catégorie.

On emploie aussi le terme "musique de source". On pense évidemment aux comédies musicales dont la musique intradiégiétique est l'essence même du genre. Mais sans aller jusque là, la majorité des films contient des scènes musicales sans forcément que celles-ci soient déterminantes pour le récit général.

Ces deux situations peuvent se mêler, intervenir simultanément et se relayer. La musique écoutée par des personnages peut ainsi entrer en collision avec celle de la dramaturgie. L'une peut s'effacer au profit de l'autre afin d'amener un discours par la musique... Un jeu s'opère entre le OFF et le IN pour donner un relief narratif à la scène.

 

Extrait de cet ouvrage : 


LA MUSIQUE DE FILM, COMPOSITEURS ET RÉALISATEURS AU TRAVAIL
(Benoit Basirico, Hémisphères Editions)

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