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Qu'est-ce que le Spotting ?
Placement musical

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La musique d'un film implique de se préoccuper de sa destination, son placement, ce que les anglo-saxons appellent le "spotting". Souvent, les endroits où la partition va intervenir se définissent au montage, étape permettant de tester toutes les combinaisons possibles, en collaboration avec le monteur. Mais cela s'anticipe aussi parfois lors de discussions spécifiques en amont entre cinéaste et musicien.


  Ouvrage : La musique de film, compositeurs et réalisateurs au travail


"En fonction de son positionnement, la musique donne un sens différent à une scène. Elle peut anticiper, accompagner ou conclure un évènement (un crime, un baiser...). Ainsi, en avance, elle prépare et engendre le suspens dans l'attente de ce qui va advenir. En simultané, elle accroît les effets d'une action. A posteriori, elle dresse le bilan en illustrant le sentiment des protagonistes suite à l'action précédente. Pour Bullitt (de Peter Yates, 1968), c'est le compositeur Lalo Schifrin qui décide de stopper sa partition au moment où se déclenche la course poursuite : «Le réalisateur anglais n'était pas à Hollywood pendant la post-production, il a juste laissé des instructions avec des minutages. Et concernant la scène de la poursuite en voitures, il voulait de la musique tout le temps. Mais je n'en voulais pas pendant la poursuite, en même temps que le son des voitures. J'en ai donc mis qu'au début de la scène ». De la même manière, lorsque Armand Amar sur Indigènes (de Rachid Bouchareb, 2006) stoppe sa partition pendant une attaque, il fait le choix de ne pas insister sur l'héroïsme des combattants. Il s'agit ainsi de ne pas redoubler ce qui se joue à l'image, comme l'explique Francis Lai: «Un réalisateur qui sait où placer la musique ne va pas la mettre à l'endroit où son image est forte, mais aux endroits où elle peut lui apporter un plus. Si on met la musique sur une image forte, elle ne sert plus à rien en fin de compte, elle s'annihile toute seule."

"Parfois, un réalisateur a parfaitement décidé de l’emplacement de ses musiques et a pour cela fourni au compositeur des durées précises. Dans la mesure où un film ne nécessite pas forcément de longs développements musicaux, la partition peut alors exister par de petites ponctuations, de courts instants attribués avec précision à l’image. Cela n’empêche toutefois pas le compositeur de s’octroyer une liberté malgré un canevas précis au départ, comme le précise Lalo Schifrin: «Quand on travaille, le monteur donne le minutage précis, avec des centièmes de secondes, c’est là qu’en tant que compositeur, je choisis les moments que je veux accentuer». Il est important de choisir judicieusement les entrées et sorties de musique. Elles sont définies en convergence avec un élément visuel afin de rester discrètes (une musique débutant par exemple à l’ouverture d’une porte), ou au contraire surviennent au cœur d’une scène. L’enjeu de la question du placement est celui de la discrétion. La musique peut apparaître progressivement ou à l’inverse subitement, lorsqu’une arrivée remarquée est souhaitée. Par ailleurs, la partition peut embrasser une séquences entière, ou bien comporter de multiples interruptions. Il peut arriver au cinéaste indécis de changer la place des musiques, de les permuter, les inverser. Leurs destinations peut ainsi varier au montage. Ce n’est parfois qu’une fois le film terminé que le compositeur découvre à quels moments sa musique intervient. Philippe Rombi aime se laisser surprendre par son réalisateur François Ozon: «Je découvre assez tard où il a mis mes maquettes que j’ai faites sur le scénario. Il attend ma réaction sur le film. Je ne sais pas à l’avance où mes propositions vont atterrir. Parfois j’attribue un titre à un morceau en pensant à une scène précise, pour lui suggérer un placement, il lui arrive d’en tenir compte, mais aussi de le mettre ailleurs, et ça marche aussi!». Ne pas définir les placements en amont laisse au compositeur une certaine liberté d’inspiration et permet aussi au cinéaste d’avoir toute latitude au montage. Jean-Luc Godard n’utilisait pas de musiques minutées et destinées à une place rigoureuse. Il disait à son compositeur « Fais-moi des thèmes, je les place où je veux », comme le relate Antoine Duhamel: «Dans Pierrot le fou, j’ai proposé les thèmes “Ferdinand” et “Pierrot” pour les deux caractères opposés du personnage. Le réalisateur les a ensuite découpés pour les insérer par petits fragments». Plus rares sont les réalisateurs à laisser le compositeur totalement libre des emplacements. C’est le cas de Denis Dercourt: «Pour moi, il faut absolument que les placements de musiques soient pour le compositeur une Carte Blanche. J’ai remarqué que Jérôme Lemonnier était bon là-dedans. L’emplacement est très important, et je ne suis pas fort là-dessus. Donc Jérôme est libre. Au moment où on lui donne le montage, c’est une première surprise pour moi de découvrir ses choix ». Ce placement libre est malgré tout sujet à des réévaluations postérieures par le monteur, le mixeur, ou le producteur."

Extrait de cet ouvrage : 

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