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Interview João Nicolau, réalisateur portugais du très musical JOHN FROM

nicolau,john-from, - Interview João Nicolau, réalisateur portugais du très musical JOHN FROM

Propos recueillis à Paris en mai 2016 par Benoit Basirico - Publié le 25-05-2016




João Nicolau fait appel au batteur portugais Joao Lobo pour la musique de son second film, JOHN FROM, qui propose des moments musicaux savoureux par lesquels s'évade la jeune fille, Rita, personnage central. Soudain éprise de son nouveau voisin pendant ses vacances d’été, elle s’évade par la musique jusqu’en Mélanésie au cœur du Pacifique.

 

« Parfois je suis dégoûté que les acteurs n'aient pas un minimum de formation musicale. »

 

Interview

Cinezik : A quel moment commencez-vous à travailler la musique de vos films ?

João Nicolau : La musique commence au début de l'écriture du scénario. Des musiques y sont déjà inscrites. Je travaille avec ma co-scénariste Mariana Ricardo qui est aussi musicienne, ce qui participe à l'importance de la musique au moment de la conception du film.

Tous vos films accordent une importance à la musique. Quelle a été la particularité de JOHN FROM ?

J.N : C'est mon film dans lequel il y a le moins de musiques jouées en direct par les acteurs, mais le film a plusieurs utilisations différentes de la musique. C'est grâce au travail du compositeur Joao Lobo, qui a été surtout directeur musical. Il a créé une musique originale très éclectique, du reggae-dub, ou des musiques que l'on croit être des musiques ethnographiques de la Mélanésie mais qui sont des morceaux qu'il a composés. C'est aussi mon premier film qui part d'un registre réaliste. Ce sont des musiques que les adolescents du film peuvent entendre, même si on finit avec un enregistrement ethnographique de la Mélanésie. Cette variété m'a plu.

Il y a beaucoup de musiques « in », que les personnages écoutent, est-ce que ces musiques étaient véritablement celles du tournage ?

J.N : Quand les deux filles sont dans la chambre et qu'elles dansent devant l'ordinateur, elles dansent la musique qui sort vraiment des enceintes en direct. Ce côté physique de la musique est important pour moi. Tout est fait avant le tournage, je fonctionne toujours ainsi, les morceaux sont déjà écrits dans le scénario, avant le tournage, ou au maximum pendant. Dans mon premier court-métrage RAPACE (2006), la musique est faite pendant le film. On voit le personnage chez lui qui écoute un rythme. Puis il rencontre son amie avec laquelle il continue à écouter le « beat ». Après la musique commence à sortir du contrôle du personnage et à s'imposer comme la musique thématique du film. Dans mon premier long-métrage L'ÉPÉE ET LA ROSE (2010), la musique était également faite en direct. Ce n'était pas facile car dans la deuxième partie du film il y avait 10 acteurs à l'image.

Dans JOHN FROM, les deux filles écoutent un titre très célèbre, « La Lambada », qui peut paraitre aujourd'hui désuet, pourquoi ce choix ?

J.N : La première fois qu'elle est utilisée, la protagoniste s'en moque, c'est pour elle une musique « pas cool ». Ainsi ce morceau renforce le personnage. Ces jeunes actrices ne connaissaient pas cette chanson. Mais il y a aussi toute une résonance romantique dans cette musique. Elle est tellement enracinée dans l'esprit collectif. Moi elle me fait vraiment trembler.

Présentez-nous votre compositeur Joao Lobo ?

J.N : Joao Lobo est un ami. On a joué ensemble dans des groupes différents. Il est batteur dans le jazz. Il peut faire des choses énormément différentes. Il collabore pour la danse, il joue dans des combos très différents. Il touche à plusieurs esthétiques. C'est quelqu'un avec lequel j'ai un énorme plaisir de collaboration. Il n'a pas voulu imposer une ligne artistique mais bien servir le film dans tous les besoins et nuances qu'il avait. Je lui ai donné des musiques de la Mélanésie pour qu'il s'en inspire, mais lui aussi m'a fait entendre des musiques qu'il a composées à la lecture du scénario. J'ai adapté 2/3 scènes du film à partir de sa musique. J'ai même créé des scènes nouvelles pour pouvoir mettre cette musique.

Vous êtes aussi musicien, participez-vous à la composition ?

J.N : Je joue en effet comme amateur dans plusieurs groupes. Pour JOHN FROM, j'ai écrit le thème du générique, puis Joao l'a ensuite développé. Dans mes autres films, il y a toujours des morceaux que j'ai écrits.

Quel est le travail avec les acteurs qui doivent interpréter des musiques (dans JOHN FROM, la jeune Rita joue du piano par exemple) ?

J.N : Faire apprendre aux acteurs le chant ou jouer dans l'instrument, c'est pour moi aussi important que les répétitions pour faire interpréter un dialogue ou dramatiser une situation. Cela a toujours été pour moi important. Parfois je suis dégoûté que les acteurs n'aient pas un minimum de formation musicale.

Dans JOHN FROM, il y a une séquence onirique avec une musique ethnographique que l'on croirait sortie d'une comédie musicale...

J.N : Je suis amoureux des enregistrements ethnographiques. On ne les entend pas souvent au cinéma. Je suis passionné par les comédies musicales de Minelli, GIGI est pour moi un chef-d'œuvre !

Votre prochain film sera également musical ?

J.N : Oui, mon prochain film sera musical, mais plus classique... il y aura 10/11 numéros musicaux que les protagonistes vont chanter, avec une musique originale écrite par Norberto Lobo, un guitariste solo, qui fait aussi l'acteur dans CHANSON D'AMOUR ET DE BONNE SANTÉ (2009). Il est surtout un musicien avec 56 disques en son nom propre. Il fait le tour du monde, dans un langage expérimental, mais aussi qui côtoie les traditions du jazz. Il y aura avec lui un groupe de musique populaire portugais. Leur collaboration sera interessante. Là-encore, c'était bien avec ma co-scénariste de travailler dès le moment du scénario avec les musiciens. On a écrit toutes les paroles des moments musicaux puis on a laissé au compositeur la liberté de tout changer.

Propos recueillis à Paris en mai 2016 par Benoit Basirico

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