Moonraker (John Barry), une musique en orbite, entre kitsch et solennité

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par François Faucon

- Publié le 17-02-2014




John Barry retrouve la saga James Bond tandis que la chanteuse Shirley Bassey est convoquée une 3e fois pour interpréter la chanson d'ouverture d'un 007. C'est la troisième fois que Shirley Bassey est convoquée pour interpréter la chanson d'ouverture d'un 007 après que d'autres artistes aient décliné l'offre : Franck Sinatra est vraisemblablement trop occupé sur son album Trilogy ; Johnny Mathis car il n'est pas satisfait du titre de la chanson ; Kate Bush refuse. Shirley Bassey disposera d'une semaine pour enregistrer la chanson et n'encaissera que difficilement de n'avoir pas été choisie en premier... Si à cela on rajoute la promotion quasi inexistante, on comprend que ce titre n'ait pas remporté un grand succès. Le générique de fin se déroule sur une version étrangement disco de la chanson-générique : "End Title".

Le film surfe sur l'envie d'une aventure spatiale dans le sillage proche de Star Wars (1977) et de Rencontres du 3ème Type (1977). Mais pas avec le même succès et d'aucuns qualifient cet opus de kitsch au possible ! Parallèlement, la musique est moins percutante que dans les précédentes compositions de John Barry. Ainsi, "Space Laser Battle" et "Flight Into Space" n'ont rien à voir avec ce qui peut s'entendre dans You Only Live Twice. Barry préfère une certaine lenteur pour mieux faire entendre de grands accords solennels. Solennité à mettre peut-être en liaison avec le projet de Drax qui, du haut des cieux, joue les démiurges et tente de refaire le monde pour la race supérieure qu'il a décidé de promouvoir sur terre. On trouve également l'inévitable romance entre 007 et le Dr Goodhead dans "Miss Goodhead Meets Bond", romance réutilisé à la fin du film pour accompagner l'idylle, pour le moins improbable, entre Dolly et Requin, le tueur aux dents d'acier.

Par ailleurs, il y a de nombreux désaccords entre John Barry et Gilbert, le réalisateur, quant au montage de la musique laquelle est finalement utilisée en monaural (monophonique). Pour autant, John Barry imprime sa personnalité et renouvelle un certain nombre de ses "recettes". Ainsi, le "Gunbarrel" est joué essentiellement aux cordes et non à la guitare comme précédemment, ce qui constitue un changement majeur dans l'ambiance musicale des 007 musicalisés par Barry. Perdure également son sens inégalé du symbolisme musical. Ainsi, lorsque 007 et le Dr Goodhead s'embarquent sur une navette pour rejoindre la station spatiale de Drax, ils découvrent, dans la soute, des couples d'amoureux censés représentés l'avenir de la race humaine. Pour symboliser ces anges rédempteurs s'élevant vers les cieux, Barry privilégie, dans "Bond Lured To Pyramid", une simple romance accompagnée de chœurs.

La musique diégétique prend une place considérable, beaucoup plus que sur les précédents opus : Drax jouant le Prélude op. 28 n°15 de Chopin dans son château ; musique brésilienne lors du carnaval de Rio ; extraits de l'opéra Pagliacci de Leoncavallo ; Tritsch-Tratsch-Polka de Strauss durant la scène de l'hovercraft (2'36) ; des extraits du Roméo et Juliette de Tchaïkovski. Mais le plus amusant est certainement les emprunts et clins d'œil à d'autres musiques de films, emprunts qui ne figurent bien évidemment pas sur l'enregistrement studio : le digicode pour accéder au laboratoire secret de Drax à Venise n'est rien d'autre que les accords légendaires (avec l'autorisation de Spielberg) de Rencontres du 3ème 007 rejoint "M" et "Q" dans un monastère, on peut entendre un extrait des Sept Mercenaires d'Elmer Bernstein ; les cors de chasse durant la chasse à courre chez Drax jouent les premières notes de 2001, L'Odyssée de l'Espace (qui sont celles de Strauss pour Ainsi Parlait Zarathoustra).

Un film plein d'ironie qui n'a peut-être pas bien vieilli et accompagné d'une musique qui peine à trouver une véritable place dans la saga... 

par François Faucon


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