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Sandrine Rinaldi  

Sandrine Rinaldi

Réalisatrice française. Après un premier film en 2005, MYSTIFICATION OU L'HISTOIRE DES PORTRAITS, moyen-métrage tourné d'après l'œuvre de Denis Diderot, elle réalise en 2007 CAP NORD, une comédie musicale dont la bande sonore est entièrement constituée de chansons Northern soul.

Filmo

Liste non exhaustive, apparaissent les films présents dans notre base :

 Cap Nord (2012)
- - BO : Artistes variés



Interview
A propos de son film CAP NORD

Sandrine Rinaldi nous parle du mouvement anglais des années 60 de la Northern Soul qui est le matériau musical de son film (sortie en salle le 18 avril 2012, sortie du DVD/CD le 25 avril 2012).

Cinezik : CAP NORD est un film musical consacré à la Northern Soul. D'où vous vient cette passion pour cette musique ?

Sandrine Rinaldi : J'ai un goût pour la musique depuis toujours. Je me suis ruinée en disque dans mon enfance. J'ai commencé avec les vinyls, puis les CD. Les jeunes filles se ruinaient en bijoux, moi c'était en disque, mais sans connaître précisément, je n'ai jamais lu la presse rock. J'ai grandi avec les radios libres, j'en ai même fait un peu à un moment. J'ai aussi très tôt aimé la pop. J'arrivais à écouter des choses à la fois indé et main stream. J'écoutais en même temps Joy Division et Madonna. C'est un peu comme au cinéma, je peux aller voir un film de Marguerite Duras et un autre de Steven Spielberg. Il n'y a pas de genres en particulier qui me hérissent.
Les rencontres sont importantes aussi pour affiner le goût. Et concernant la Northern Soul, c'est un genre très particulier que j'écoute depuis une dizaine d'années. C'est la première fois de ma vie que j'ai commencé à collectionner des vieux disques. Je ne suis pas une collectionneuse, je n'ai pas le goût de la collection, j'achetais les disques parce que c'était la seule façon d'en écouter, mais je ne suis pas quelqu'un qui va aller dans des conventions pour aller chopper la chose rare. Le son des vinyls des années 60 est très particulier en plus. J'écoutais les 45 tours chez moi avec ma platine vinyl qui revenait à la mode.

Comment un film a pu naitre à partir de ce goût musical pour la Northern Soul ?

S.R : J'ai d'abord eu un premier projet de film beaucoup plus classique et traditionnel avec un scénario que j'ai présenté aux commissions, mais cela ne se faisait pas, ça prenait un temps fou. J'ai eu ensuite l'opportunité de faire quelque chose qui réunissait mes passions : la musique d'un côté, le cinéma et plus particulièrement la comédie musicale de l'autre (j'ai commencé à aimer le cinéma par la comédie musicale américaine et Fred Astaire). Et j'avais un groupe d'amis qui se réunissait en soirée dans un lieu où j'officiais comme DJ. A chaque fois que je faisais des soirées je voyais les gens danser, je trouvais ça tellement magnifique que je me disais qu'il fallait un jour filmer tout ce que l'on voit dans ces soirées entre amis avec toutes ces personnes qui changent de physionomie dans le contexte. Il y a eu soudainement une urgence à faire ce film. J'avais les disques, la troupe, un désir de comédie musicale, et j'ai aussi appris que la Northern Soul avait des oeuvres libres de droit (c'est en général assez luxueux d'utiliser des musiques), donc j'ai pu y mettre ce que je voulais. Je me suis fait plaisir à faire ce film sans argent qui correspond à un moment de ma vie.

Extrait :  

Dans quelle mesure le récit du film s'est construit à partir des chansons ?

S.R : Il n'y a pas vraiment d'histoire ni de scénario, ce n'est pas un film narratif. La première idée était de parler d'amour. C'est un sujet vague et en même temps les chansons ne parlent que de cela. C'est une musique à la fois dansante et triste par leurs paroles déchirantes. L'idée de départ était de prendre les paroles des chansons de la Northern Soul, de les traduire en français, et que tous les personnages du film ne parlent qu'avec ces paroles traduites. J'ai ensuite intégré des phrases extraites de livres que je lisais. Au delà des dialogues, les chansons structurent le film par leur présence.

Les comédiens évoluent dans le film dans les conditions d'une vraie soirée, avec la musique du film sur le lieu ?

S.R : On a tourné avec la musique pour les chorégraphies. Je n'ai pas fait de post-synchro, j'ai tenu à ce que l'on se retrouve sur le tournage avec les chansons. Tout le son du film est pris en direct dans l'espace de la soirée. Le son des vynils de ces musiques était un peu sale, craquant, j'ai gardé cette trivialité.

Extrait (Ouverture) :

Avez-vous pu rencontrer des personnes qui font cette musique ?

S.R : Pas vraiment. J'ai discuté avec des anglais qui sont des fous de cette musique. La particularité de ce mouvement est qu'il continue. En Angleterre, tous les jours il y a des soirées dans des lieux dédiés. Les clubs historiques ont fermé dans les années 80, mais c'est un tel phénomène populaire anglais que cela a perduré. Il n'y avait pas d'industrie, la musique vivait essentiellement en club, et les quelques disques qui sont sortis n'avaient pas de pochette. Et tous les jours des musiques sont découvertes par des passionnés qui ont déterré des disques de l'époque. C'est une ruée vers l'or interminable. Ce mouvement des années 60 n'existe plus, mais il s'est transformé avec la Modern Soul des 70's puis le disco des années 80. Des groupes sont issus de ce mouvement, comme Soft Cell qui a repris "Tainted Love", morceau qui a été chanté par Gloria Jones (et qui clôture le film) :

Le montage a dû s'adapter aux musiques et à leur durée, parfois des plans durent le temps d'une chanson pour permettre de l'apprécier dans son intégralité... ce qui donne un vrai hommage à cette musique...

S.R : Il est vrai qu'une fois que j'ai choisi les chansons, elles présidaient au montage. L'image devait s'enrouler dans la chanson, et pas l'inverse, ce n'était pas de l'illustration musicale. Je n'ai jamais eu de complexe à faire durer les plans. J'ai le souvenir au montage par moment de ne pas pouvoir couper car sinon cela aurait été comme un faux pas en danse.

Comment filmer cette musique et ses danseurs, avez-vous regardé des images d'archive de cette époque ?

S.R : Il n'y a pratiquement pas d'images de la Northern Soul, de ses stars, aucunes pochettes, ce n'est pas la Motown. Il y a juste quelques photos que j'ai pu voir. Je m'en suis inspiré pour les visages, ces regards tournés vers un ailleurs, soit qui regardent les gens qui dansent, ou vers un hors champs indéfini. La musique participe au continuum, elle raccorde le tout dans une forme de rêverie.

Extrait (instant de comédie musicale) :

Vous disiez aimer la comédie musicale, une séquence du film fait penser à West Side Story, avec ces danseurs et cet homme qui chante en playback...

S.R : Ils sont trois à se relayer dans le playback. Tout le film est une sorte de playback secret, incluant les dialogues qui sont des paroles de chansons. J'ai trouvé amusant avec les dialogues d'être dans cette séquence synchro avec la chanson.

Un DVD du film contenant un CD de la BO sort une semaine après la sortie du film. Le CD regroupe toutes les chansons du film ?

S.R : J'ai en effet demandé au distributeur du film (Shellac) de faire un CD de la B.O. et de mettre des sous-titres anglais sur le DVD (au cas où quelques anglais seraient curieux de découvrir le film). Le distributeur a joué le jeu. On a tout remasterisé pour la compilation à partir des vinyls existants pour faire un objet DVD / CD dans le même boîtier.
Dans le film, il y a 23 chansons. Sur ces 23, quatre ne sont pas sur le CD pour des raisons de droits (dont "Tainted Love"). Il en reste 19 qui sont sur le CD. J'aurais pu en mettre d'autres mais j'ai préféré garder l'idée que ce soit le CD du film plutôt que de combler les quatre qui étaient absentes. Les 19 chansons sont dans l'ordre chronologique, du début jusqu'à la fin du film. Ainsi on peut revivre le film en musique. Et si même on n'aime pas le film, on peut aimer la musique seule.

Interview réalisée à Paris le 17 avril 2012 par Benoit Basirico

 

© Photo en médaillon : Festival du Moyen Métrage de Brive, 2009

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