Le documentaire réalisé par Laurent Bouzereau et produit par Amblin Entertainment (Steven Spielberg, Kathleen Kennedy) offre une plongée dans la vie et l'œuvre du compositeur légendaire John Williams. Le film choisit d'aborder ce portrait sous l'angle de l'amitié qui lie le compositeur à son fidèle cinéaste, Steven Spielberg, véritable fil rouge du documentaire. Spielberg rappelle son inquiétude face au déclin de la musique orchestrale au début des années 70 et sa détermination à préserver cette forme d'expression artistique lorsqu'il engage John Williams pour composer la musique de son premier long métrage, "The Sugarland Express" (1974). Williams le surprend alors avec un solo d'harmonica (joué par Toots Thielmans), marquant ainsi le début d'une collaboration fructueuse qui allait redéfinir le paysage de la musique de film. Leur deuxième film, "Les dents de la mer" (1975) – pour lequel Spielberg s'était inspiré de bribes de la partition avant-gardiste et atonale de Williams pour « Images » de Robert Altman – propulse Williams au rang de superstar grâce à son motif musical emblématique. La présence de Spielberg est omniprésente, même à travers les rares témoignages d'autres compositeurs comme Alan Silvestri ("Ready Player One") et Thomas Newman ("Le Pont des espions"). Le documentaire retrace néanmoins le parcours de Williams, depuis ses débuts comme pianiste de jazz jusqu'à son statut de compositeur iconique, en passant par son éducation, la télévision, la comédie et les films catastrophes. Il adopte pour cela une forme classique : séquences de montage hagiographiques, chronologie, peu d'extraits de films mais surtout des photos, des entretiens et des archives déjà en circulation (comme Christopher Reeve remerciant Williams pour Superman ou l'anecdote de Spielberg découvrant les deux notes de "Jaws"). Le film aborde également des moments privés, comme la mort tragique de sa première femme, Barbara Ruick, qui a profondément influencé sa musique (il lui dédiera un concerto) et évoque ses trois enfants. On y apprend ses hésitations à composer la musique de "Star Wars", qu'il acceptera finalement grâce à son abandon du projet "Un Pont trop loin". On découvre ses influences pour ce film de George Lucas, notamment les films de cape et d'épée d'Erich Wolfgang Korngold, "King Kong" de Max Steiner et "Pierre et le loup" de Sergueï Prokofiev. Le documentaire met en lumière l'importance des thèmes musicaux associés aux personnages, une technique que Williams maîtrise avec une force symphonique inégalée. On le voit notamment décrypter les cinq notes de "Rencontres du troisième type" au piano et définir le sens d'une note dissonante comme un "mais" venant contrarier l'harmonie. On aperçoit la scène d'Indiana Jones sans musique avant de la découvrir à nouveau avec, illustrant ainsi l'idée de Spielberg lui-même : c'est pour lui la meilleure manière de comprendre l'impact de la musique. Williams avoue avoir eu envie de faire les suites des sagas pour "préserver son travail entrepris". Le film aborde également l'épisode du Boston Pops Orchestra, que Williams a dirigé de 1980 à 1993. Les musiciens l'avaient sifflé lors d'une représentation de sa musique, le poussant à la démission, avant de finalement le voir revenir après des excuses. Cet événement témoigne de la lutte pour la reconnaissance de la musique de film comme une forme d'art à part entière. Le documentaire se distingue par son approche intimiste, privilégiant l'homme derrière la musique et révélant son regret sur la musique qui est "en train de mourir" à cause des nouvelles technologies. "Verra-t-on un nouveau Brahms ?", s'interroge-t-il.
[© Texte : Cinezik] •
« Ayant grandi en France, j’ai découvert les bandes originales que j’achetais sur vinyle avant la plupart des films américains qui sortaient des mois après leur sortie aux États-Unis. John Williams est le compositeur auquel je me suis immédiatement identifié ; ses partitions m’ont fait tomber amoureux de la musique et m’ont fait réaliser très jeune le pouvoir qu’une partition avait sur la narration cinématographique. C’était une histoire importante à raconter, non seulement parce qu’elle parle de l’un des plus grands compositeurs de tous les temps, mais aussi en raison du message qu’elle véhicule sur la survie de la musique orchestrale et des musiciens. »
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