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Goldsmith ressuscité !

goldsmith, - Goldsmith ressuscité !

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Quatre ans après sa disparition, c'est aujourd'hui à travers de nombreuses rééditions mais aussi via un nouveau site web que le compositeur de musique de film américain Jerry Goldsmith est plus que jamais présent dans le coeur des béophiles et des cinéphiles.

Bientôt quatre ans que le maître californien de la musique de film nous a quitté. Pourtant, on n'en a jamais autant parlé ! Présent dans les disquaires spécialisées et surtout sur le web, Jerry Goldsmith n'en finit pas de nous surprendre ! Ainsi, il aura fallu attendre sa disparition pour voir fleurir les rééditions de ses musiques les plus recherchées. Il faut dire que le bonhomme était réputé pour avoir un sale caractère à propos de certains sujets, en particulier en ce qui concerne les éditions CD. S'il apportait un soin particulier aux éditions de ses musiques de film, il n'était pas friand des rééditions et si un disque n'existait pas, c'est que pour lui la musique n'avait pas lieu d'être écoutée isolément du film. Et quand bien même un CD était édité, s'il était désormais introuvable, ce n'était plus l'affaire de l'artiste...

La mort de Goldsmith aurait-elle alors débloqué un éventuel vérrouillage du compositeur envers certaines de ses partitions ? Sans aucun doute. C'est particulièrement vrai pour Alien, partition que le maître considérait comme un échec face aux choix de montage de Ridley Scott, qui ne s'est servi que partiellement de la musique composée par Goldsmith dans son célèbre film, tandis que le musicien avait conçu son oeuvre avec une certaine homogénéité à l'esprit.

Furieux de cette méthode (que Scott réitérera pourtant avec Legend - ce sera leur deuxième et ultime collaboration !), Jerry Goldsmith n'a jamais encouragé de réédition de ce score pourtant unanimement considéré comme l'une de ses plus géniales et inventives. Il aura fallu attendre 28 ans pour voir enfin cette musique éditée dans une édition complète respectant à la fois les intentions du compositeur (premier disque), mais aussi celles du réalisateur (second disque).

C'est ainsi qu'on a pu assister en 2007 à un véritable florilège de rééditions de musiques de film de Jerry Goldsmith, tendance déjà amorcée quelques années plus tôt avec le fameux coffret Jerry Goldsmith at 20th Century Fox (paru chez Varèse Sarabande quelques mois avant la mort du maître), luxueux objet compilant sur six Cds les essentiels de Goldsmith ainsi que plusieurs scores inédits assez remarquables - comme l'étrange Damnation Alley (1977) ou le superbe The Chairman (1969).

S'ensuivirent de nombreuses rééditions chez le même éditeur : d'abord le classieux western Hour of the Gun (1967), et The Great Train Robbery de Michael Crichton (1979) en édition régulière, puis en édition limitée : Alien Nation (1988) et Runaway (1984), où Goldsmith s'amuse avec les synthés, The Vanishing (1993), score de thriller répétitif mais obsédant et fascinant, puis l'incontournable The 'burbs (Les banlieusards, 1989), délirante partition pour Joe Dante dans la lignée de Gremlins. Les autres labels ont suivi la tendance. L'un des plus actifs, probablement aussi celui qui a pris le plus de risques en éditant en disques des musiques méconnues, c'est sans aucune doute Intrada. Avec Capricorn One (1978) et surtout Alien (1979), le label américain permet au béophile de retrouver deux partitions étonnantes de Goldsmith pour deux films de SF visionnaires, tandis que la veine plus romantique du maître est retrouvée dans Islands in the Stream (1977). Inchon (1982) fait aussi partie des raretés de Goldsmith a avoir vu le jour ces dernières années chez Intrada (pour un film tout aussi introuvable qui fut censuré à sa sortie).

Parallèlement à ces curiosités, Intrada a réédité un classique d'action délectable avec Rambo III (1988) et un classique d'aventures avec le somptueux The Wind and The Lion (Le Lion et le Vent, 1975), grande partition classieuse pour John Milius. De son côté, le label La-La Land a pressé sur CD Breakheart Pass (1975) puis Extreme Prejudice (1987) depuis la disparition du maître. Citons aussi la réédition d'un classique d'aventures, King Solomon's Mines (1985) réédité chez Prometheus en 2005, et The Satan Bug (1965), étonnante partition éditée pour la première fois en CD en 2007 par FSM, le spécialiste américain du Golden Age et du Silver Age hollywoodien, aux éditions toujours aussi somptueuses et respecteuses des oeuvres et des passionnés.

Les fans du maître pourront également se régaler de ses premières oeuvres, composées pour la télévision, où Goldsmith fit ses armes comme la plupart des autres compositeurs, à l'instar de Morricone et Williams. Partitions en grande partie jamais éditées... jusqu'à 2007. Avec cette nouvelle collection dédiée à Goldsmith et intitulée The early years, le label belge Prometheus propose de découvrir quelques vieilleries du maître pour des séries télévisées diffusées sur la chaîne CBS dans les années 50 : Perry Mason (1954) Playhouse 90 (1959) et The lineup (1960). Cette compilation, aux allures évoquant la collection française "Ecoutez le cinéma" d'Universal, est le premier volume d'une série qui devrait en compter plusieurs... preuve une fois de plus que Jerry Goldsmith n'a pas encore fini d'être édité et réédité !

Au cinéma, bien entendu, Jerry Goldsmith s'est fait plus rare depuis 2003, mais n'est pas pour autant absent ! En effet, on a pu entendre un extrait de sa musique pour le film Le 13ème Guerrier au cinéma en 2005, dans Kingdom of Heaven de Ridley Scott ! Fidèle à ses habitudes de garder la musique temporaire s'il ne trouve pas mieux, Scott a réussi à imposer au montage final cette musique pourtant initialement montée à l'image provisoirement. L'année suivante, on entend son thème pour Patton dans Inside Man de Spike Lee. Ces dernières années ont aussi été (souvent pour le pire) celles d'une déferlante de remakes et de suites. A commencer par Basic Instinct 2, où John Murphy s'est réapproprié le thème sulfureux composé par Goldsmith pour le thriller de Paul Verhoeven, suivi par The Omen (La Malédiction), honteux remake du chef d'oeuvre de Richard Donner (qui permis à Goldsmith de recevoir l'unique Oscar de sa carrière, en 1976), remake ici mis en musique tant bien que mal par un Marco Beltrami en roue libre. Finalement, c'est encore Brian Tyler qui s'en sort le mieux, et qui totalise les plus beaux hommages au maître, qu'il avait remplacé en 2003 sur Timeline de Richard Donner (la partition rejetée de Goldsmith étant finalement éditée chez Varèse Sarabande en 2005 - un score impressionnant à découvrir). En signant la musique de Alien vs. Predator : Requiem, Brian Tyler rend hommage à l'étonnante musique de Goldsmith pour le premier Alien (tout autant qu'aux musiques de Horner, Goldenthal, Frizzel sur les autres opus, sans oublier de faire hommage à Alan Silvestri du côté des Predator !).

Mais surtout, Brian Tyler signe avec Rambo, dernier opus stallonien, un bel hommage au thème mélancolique que Jerry Goldsmith avait imaginé en 1982 pour évoquer la solitude intérieure du personnage de John Rambo. Un thème finalement assez triste, très humain, qui tranche avec les formidables séquences d'action qui parsèment le reste du film et les suivants.

Enfin, Jerry Goldsmith est plus que jamais vivant sur le web. Jusqu'à très récemment, le seul "grand" site sur Goldsmith était américain : www.jerrygoldsmithonline.com. Un tout nouveau site internet lui est désormais entièrement consacré : THE MUSICAL LAW. Comble du luxe : ce site est intégralement en français et à but non commercial, prouvant ainsi que les fans du maître californien sont aussi de ce côté-ci de l'Atlantique. Les auteurs de ce site (parmi lesquels Quentin Billard, contributeur actif de Cinezik.org), affichent les plus hautes ambitions : filmographie exhaustive du maître, incluant même ses participations télévisuelles de début de carrière (méconnues), discographie complète (par années et par labels) incluant même ses oeuvres hors cinéma, biographie documentée, images et photos inédites, sélection des meilleures musiques et analyses de partitions. Si le site est encore en cours d'enrichissement de contenu, il s'affirme déjà comme une référence dans son domaine, et dans la continuité d'une tendance : Jerry Goldsmith, plus que jamais, fait encore la loi dans le milieu de la musique de film ! Pour notre plus grand plaisir...

 

Sylvain Rivaud

 


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