Hunger Games (James Newton Howard), une musique intime et nuancée

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par Quentin Billard

- Publié le 26-03-2012




A la première écoute de la musique dans le film, on remarque rapidement qu'une partie du score de James Newton Howard n'a pas été utilisée, ou se retrouve parfois sous mixée sur certaines séquences, rendant l'écoute très morcelée, alors que l'album s'avère être beaucoup plus convaincant en terme de contenu. JNH a écrit environ 80 minutes de musique, dont à peine 40 ont été retenues à l'écran, une mésaventure similaire à son expérience sur le film « I Am Legend ». Ecrite dans l'urgence en seulement 3 semaines et utilisée avec parcimonie sur les images, la musique de JNH révèle pourtant beaucoup de points positifs.

Le premier point positif est une instrumentation intéressante à base de solistes et une émotion poignante lors de certains passages plus lyriques et typiques du compositeur. Autre élément notable ici : JNH base une partie de sa partition sur un style folk/americana assez inattendu sur ce film - s'inscrivant dans la continuité du travail bluegrass/folk de T-Bone Burnett sur la musique additionnelle du film- illustrant davantage le décor de la forêt sauvage qui sert d'arènes aux combattants du Hunger Game que le jeu de tuerie en lui-même. Cet aspect folk/country a d'ailleurs là aussi été largement tempéré et atténué sur les images, la production conservant surtout les passages les plus orchestraux du score de JNH et les quelques pièces supplémentaires de T-Bone Burnett ou d'Arcade Fire. Le score de James Newton Howard repose ainsi sur un thème principal associé à Katniss, une poignée de notes interprétées par un cymbalum dans « The Hunger Games » sur fond de nappe synthétique, de dulcimer et d'un bourdon de violon-fiddle. Ce thème évoque les origines paysannes modestes de la famille de Katniss et son rapport à la nature - elle est une chasseuse redoutable et une experte du tir à l'arc - idée que l'on retrouve ensuite dans « Katniss Afoot » (non utilisé dans le film), pour la scène de la chasse au début du film. JNH accentue ici aussi l'instrumentation folk de sa partition avec l'ajout d'une flûte exotique et de l'ensemble fiddle/cymbalum/percussions/dulcimer. « Katniss Afoot » dévoile enfin un autre thème du score, motif de 7 notes répétitives de cordes que l'on nommera « motif de la nature sauvage » (à partir de 1:20).

Concernant le personnage de Katniss, on relèvera un très beau chant féminin solo entendu au début du film, écrit par T-Bone Burnett pour l'héroïne campée par Jennifer Lawrence et honteusement absent de l'album : il s'agit du magnifique « Deep in the Meadow Lullaby ». A noter d'ailleurs qu'une partie du film a été illustrée par plusieurs morceaux préexistants écrits par d'autres compositeurs (dont notamment le magnifique « Farewell » d'Evgueni Galperine), notamment dans les passages plus électroniques dans Cornucopia ou la scène de l'hallucination de Katniss - on sent que la musique a véritablement été bricolée dans l'urgence sur les images, surtout pour les passages plus synthétiques/sound design. « Reaping Day » annonce le caractère plus sombre et dramatique du récit avec des cordes plus graves et une trompette quasi solennelle pour le jour des moissons (la sélection des enfants qui vont participer aux jeux). La musique devient ici plus amère et inquiétante, notamment à travers des harmonies plus nuancées des cordes. « Reaping Day » introduit aussi le troisième thème du score, le « Hunger Games Theme », avec une série de 4 notes de contrebasses menaçantes et une mélodie basée sur une cellule de 3 notes à la trompette. « The Train » confirme d'ailleurs cette orientation plus dramatique du score avec un travail plus émouvant et lyrique autour de cordes élégiaques et plaintives annonçant le drame à venir, un très beau morceau qui annonce déjà la partie plus émotionnelle du score. Dans « Entering the Capitol », JNH évoque l'arrivée dans le Capitole à grand renfort d'orchestre, de chœurs et aussi de sonorités électroniques/ethniques plus modernes et étonnantes. L'emploi des sonorités orientales/ethniques rappelle parfois le travail d'Hans Zimmer pour évoquer Rome dans « Gladiator » (2000), une sorte de vision modernisée de cette « Antiquité grecque » futuriste décrite dans « Hunger Games ». On retrouve dans « Entering the Capitol » les percussions électroniques chères au JNH en pleine période Remote Control (le score est d'ailleurs dirigé par Gavin Greenaway, fidèle complice de Zimmer et sa bande). Fait intéressant, « Entering the Capitol » reprend le motif de 7 notes de la nature sauvage à 1:41, probablement pour rappeler le tempérament de feu de Katniss ou le fait que la nature et le Capitole ont plus d'un point commun en terme de sauvagerie. Dans « Preparing the Chariots », JNH dévoile la mélodie de l'hymne du Capitole écrite par Arcade Fire, développée ici à la trompette et aux cordes sur fond de rythmiques électroniques/martiales, pour les préparatifs du défilé des chars. Quand à « Horn of Plenty », il s'impose comme un hymne fasciste grandiose pour orchestre, rythmes martiaux et choeurs solennels, un sommet dans la partition de « The Hunger Games ». On retrouve le style plus électronique et moderne de JNH durant la scène de l'entraînement avec « Training », et son mélange de percussions synthétiques guerrières et de sonorités orientales pour l'entraînement des futurs combattants. Même chose pour « Learning the Skills » qui procède de la même façon à l'écran. « The Countdown », compte à rebours musical intense précédant le début des Hunger Games (morceau lui aussi non utilisé dans le film), reprend le « Hunger Games Theme », avec ses 4 notes de contrebasses entêtantes et sa mélodie de 3 notes aux cordes et aux choeurs, illustrant le danger imminent des jeux de la faim.

« Healing Katniss » développe les passages plus lyriques de la partition avec une très belle mélodie touchante au violon sur fond de cordes et d'instrumentation folk. Il règne dans « Healing Katniss » une émotion plus palpable, nostalgique et chaleureuse typique du compositeur, dans un mode plus intime. En parlant d'émotion, impossible de passer à côté du bouleversant « Rue's Farewell », accompagnant avec brio la séquence de la mort de la jeune Rue. Pendant près de 5 minutes, James Newton Howard développe une atmosphère élégiaque et poignante d'une grande sensibilité, avec l'utilisation de nappes synthétiques, des solistes (guitare sèche) et de l'orchestre. « Rue's Farewell » dévoile par la même occasion un autre thème majeur du score, le thème tragique des pertes (à 2:56), thème plus mélancolique et émotionnel d'une grande beauté, et aussi très élégant, comme toujours chez JNH. « Rue's Farewell » reste d'ailleurs un autre passage incontournable du score de « Hunger Games », et probablement le thème le plus mémorable du score de JNH en dehors de l'hymne de « Horn of Plenty ». Ne manquez surtout pas l'envolée bouleversante de ce thème à partir de 3:32 dans « Rue's Farewell » : un grand moment d'émotion, tout simplement ! Dès lors, l'espoir semble permis, notamment lorsque le thème de cymbalum de Katniss revient dans « We Could Go Home », reprenant les sonorités folks du début pour rappeler l'idée du retour chez soi et de la famille. Le thème de la nature sauvage revient en grande pompe dans « Searching for Peeta » tandis que « The Cave » développe une ambiance plus intime soulignant le rapprochement entre Katniss et Peeta dans la caverne où ils se cachent vers la fin du film. JNH met ici l'accent sur les solistes : guitare et piano, accompagnés de quelques cordes, bois et nappes synthétiques discrètes. Niveau action, hormis quelques passages plus rythmiques pour le début des jeux et les séquences d'entraînement, il faudra surtout se contenter sur l'album du déchaîné « Muttations », pour la scène de la poursuite avec les chiens mutants, morceau d'action intense malheureusement noyé sous des tonnes de percussions synthétiques/ethniques guerrières envahissantes et d'une guitare électrique à la Remote Control. Enfin, si vous avez aimé l'émotion de « Rue's Farewell », ne manquez pas le grand final de « Tenuous Winners/Returning Home », où l'on retrouve le thème de Katniss au violon (à 0:12) pour son retour victorieux au District 12 à la fin du film. Mieux encore, le thème tragique est repris aux cordes à partir de 1:35 pour une conclusion grandiose et toute aussi bouleversante que « Rue's Farewell », apportant une émotion forte aux dernières images du film de Gary Ross.

Vous l'aurez donc compris, c'est un score très éclectique et étonnant que nous offre James Newton Howard pour « The Hunger Games », délaissant l'action et l'aventure pour élaborer à l'écran une musique plus intime et nuancée, partagée entre l'orchestre, les passages électroniques contemporains et les sonorités folk/ethniques. Le résultat final est un melting-pot de plusieurs idées parfaitement cohérent sur l'album mais peu valorisé à l'écran, où la musique de JNH, sous utilisée, doit cohabiter avec plusieurs autres compositions d'auteurs différents (à quand une version complète des 80 minutes composées par JNH pour le film ?). Occasion manquée pour le compositeur ? Peut-être...Toujours est-il que le résultat final, forcément inégal, ne laissera aucun fan de marbre, surtout ceux qui apprécient ses musiques plus lyriques et dramatiques, car rien que pour la beauté tragique de « Rue's Farewell » et « Returning Home », le score de « Hunger Games » mérite quand même le détour !

 

par Quentin Billard


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