Flash Gordon (The Queen), du rock lyrique pour le genre de la SF

flash-gordon,queen, - Flash Gordon (The Queen), du rock lyrique pour le genre de la SF

par Charlotte Dematte

- Publié le 08-03-2013




Objet condensé de 35 minutes (en tout cas dans sa réédition remasterisée de 2011), la Bande Originale concoctée par Queen pour soutenir le récit de Flash Gordon nous offre un tableau où l’on retrouve le rock-lyrique du groupe, teinté d’autres touches collant bien au style SF-kitch du film. Analyse.

Mobilisé autour de la cause d’un héros volontairement naïf, il est intéressant de constater que l’intérêt du projet tient plus à sa musique qu’au film même, ce dernier ne pouvant quoi qu’il en soit pas s'en écarter lorsque la présence des dialogues et effets phares incrustés dans la trame permet à l’inverse une écoute « quasi-visuelle » et balisée de l’objet. En lien avec ce fait, cet album peut donc aussi être considéré comme étant à côté du film, et construit comme un film, avec le martèlement du piano du début à la fin comme fil d’Ariane. Ces partis pris acceptés, la B.O. peut être abordée sous deux angles. 

Le premier point concerne la production propre au groupe : le chant passionné de Freddie Mercury soutenu par ses acolytes, les voies mêlées de guitares électriques, le piano et la batterie, dans un style « glam »-rock. Ce champ se présente en un solide répertoire, à travers le notable thème principal (titre 1. Flash’s Theme, repris plusieurs fois par la suite en diverses variations), le Final (18. The Hero, écho du style plus brut des débuts présent par exemple sur Liar (album Queen, 1973)) et au sein des autres plages, par ailleurs la Marche Nuptiale (14. The Wedding March) de Wagner (Lohengrin, Acte III), ici plus élancée. Outre une interprétation poussée, on peut constater que les différents musiciens, menés par Brian May, sont intervenus dans la composition des titres, impliquant par un autre biais l’effectif. Si le projet s’avère déjà « culte » par son sujet et sa bande son – « Space-Opéra-Rock » précurseur des Aventures de Jack Burton dans les griffes du mandarin (John Carpenter, 1986) et autres Spaceballs (Mel Brooks, 1987) – le second point concerne la part des éléments liés au genre SF, prolongeant le mouvement dans une autre approche du groupe par l'utilisation de sons et nappes synthétiques, aux consonances typiques de ce qui sera fait dans les années 80 et qui pourraient être mis en lien avec le travail de Wendy Carlos sur Orange Mécanique (Stanley Kubrick, 1971), notamment pour sa refonte de la Marche de la Music for the Funeral of Queen Mary de Purcell.

Ensemble un peu varié, cette B.O. nous livre une mouture de ce que le groupe a pu mettre en place tout au long de son répertoire avec ses « sagas » en plusieurs parties. Le titre de fin déjà évoqué, plus particulièrement, se prête à une citation des différents motifs, revisite le modèle de l’opéra et du plus récent panneau final établi par John Williams dans la référence Star Wars (1977), et se positionne en parallèle à Bohemian Rhapsody (A Night at the Opera, 1975), Innuendo (Innuendo, 1991) ou dans un autre style Barcelona (Barcelona avec Montserrat Caballé, 1988). Si le travail d’un groupe ou de musiciens sur la musique d’un film ne fait alors pas figure de cas isolé au milieu de productions telles que Furyo (David Bowie, 1983), Dune (Toto, 1984) ou Birdy (Peter Gabriel, 1984), touche identifiable recherchée vis-à-vis du public – et le groupe Queen renouvellera l’expérience pour Highlander (Russell Mulcahy, 1986), dans un versant à l’inverse « dramatique » (titre Who Wants to Live Forever) – l’œuvre se distingue également par la part qu’elle occupe dans l’histoire. Outre les élans vantant le mérite de Flash, le groupe devient en effet « personnage » actif de la narration par une interaction avec le dialogue, ajoutant son cri de joie (« Yeah » introductif du titre 16. Crash Dive on Mingo City) à ceux du peuple et s’alliant en miroir au personnage de Dale (exclamation finale « Flash » en 15. Marriage of Dale and Ming), rassurée de voir son mariage arrangé empêché. Nous sommes là en présence d’une musique simple, à l’image de l’histoire colorée, à la tournure « sérieuse » déclamant l’héroïsme de Flash (paroles « Flash A-Ah » en chœur, appuyées par un « Saviour of the universe ») sur une dynamique exacerbée (toujours aux guitares électriques et chant, jusqu’à la voix de contre-ténor et dans la rapidité) ; d’autre part une musique « travaillée », écrite différemment de ce que faisait habituellement Queen. 

Pour le premier point, une considération globale du titre 1 permet d’amener le schéma d’un thème construit autour de trois segments d’après ses paroles : un couplet 1 (en la mineur) descendant avant d’effectuer une remontée jusqu’à son Ier degré de départ (« Flash » assorti d’un commentaire pour chaque reprise) ; un couplet 2 (Do Majeur) décrivant les bénéfices des actions du héros sur nous ; un pont (Do Majeur) détournant la marche (C – G sur basse en 1er renversement de si / Dm – A (sur 1er renversement de do#)) et l’ascension du passage précédent (basse fa-fa#-sol-sol#) et posant l’humanité du personnage avant le retour à la musique du premier couplet. Dans l’autre titre vraiment pourvu de paroles, en fin de film, le texte apparaît développé comme une conversation des musiciens avec Flash sur sa condition de héros et ses sentiments (« Always needed to be somebody », « toujours eu besoin d’être quelqu’un » ; « the continuation is yours for the making… », « l’avenir t’appartient quant au moyen »). Le rock est par ailleurs parfois poussé dans les sonorités « dessin-animé » de cette période (5. Football Fight et 12. Vultan’s Theme) et le nom des titres vient compléter l’excès ambiant : folkloriques (sous-titres des plages 9.– Planet of the Tree Men et 12.– Attack of the Hawk Men aux « Hommes-Arbres » et « -Faucons ») ; dans les situations (5, « Combat de Football », ou 11. Flash to the Rescue, « Flash à la rescousse ») ; dramaturgiques (6. In the Death Cell - Love Theme Reprise, pour l’opposition des thèmes Mort / Amour, et 8. The Kiss - Aura Resurrects Flash, pour le détournement du baiser du conte de La Belle au bois dormant).

 Le second développe un aspect sentimental, par instants romantique, à travers différents passages (dont le pont approché du titre 1), déployant une tournure sensible (8) autant qu’orchestrale (18), peut-être pour partie influencée par la collaboration du groupe pour ce projet avec Howard Blake, compositeur plus conventionnel aux manettes de la partition orchestrale et des arrangements. À côté de quelques thèmes (le thème principal dans le titre 1, 11, 13.Battle Theme - variation, 15, 16 et 18 - variations diverses, avec fin sur une partie douce, le mélange identifiable des guitares et un canon – reprise de la technique présentée dans The March of the Black Queen - Queen II, 1974) et autres phrases à différents niveaux de sophistication et genres, il est cependant intéressant de noter que souvent il n’y a pas vraiment de mélodie. C’est selon cette idée d’illustration que viennent s’organiser les instruments un peu en marge du projet, le synthétiseur déjà énoncé pour appuyer encore l’héroïsme (13) ou apporter une touche sombre (accords graves dans 10. Escape from the Swamp), les cuivres pour ajouter à la dynamique le contexte royal (« explosion » finale et à 2 reprises dans 3. Ming’s Theme), le carillon et timpani (dans 7. Execution of Flash et 11, là en clin d’œil à la pièce Also Sprach Zarathoustra de Richard Strauss marquant l’autre modèle 2001, l’odyssée de l’espace - S. Kubrick, 1968) pour suggérer la menace. Les effets sonores constituent évidement une autre partie de cette thématique et interviennent en fond –explosions, tirs (superposés à la rythmique de la guitare électrique grave qui a pris la relève du piano dans le 15), bagarres, souffle de vent pour représenter l’espace ; bruits de chaînes des serviteurs emprisonnés (3), respiration pour le retour à la vie de Flash (8) ; synthétiseur, à nouveau – mais aussi, enfin, en tant que blocs de récit, c’est-à-dire entrecoupant la musique (dans le 11 et 15).

 

par Charlotte Dematte


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